Face(the)book (pour la séance du 5 février)

Tout cela a commencé par un intérêt pour les communautés virtuelles. Académiques, j’entends.

HyperRoy est donc venu d’abord, avec ses questionnements d’ordre épistémologique: comment transposer sur support numérique un matériau textuel qui ne lui a pas été destiné? Comment créer un espace dynamique, capable d’illustrer les changements de perspective sur l’oeuvre de Gabrielle Roy au fur et à mesure qu’émergent de nouvelles études sur celles-ci (déjà abondamment commentée par la critique)? Comment créer, concevoir, ce point de rencontre afin qu’il devienne un lieu d’échanges entre la communauté universitaire et le public lecteur, encore nombreux à s’intéresser à l’oeuvre de Roy et à ce qu’on pourrait appeler ses «coulisses» (correspondance, archives personnelles, photos, etc.)? Comment pourrait-on favoriser, par la mise en ligne d’un tel site, les échanges entre le lectorat francophone et le lectorat anglophone de G. Roy, qui considérait les traductions anglaises de ses oeuvres aussi importantes que leur version originale en français?

Ensuite est venue la curiosité. J’ai voulu, à partir de mes réflexions sur la notion de communauté virtuelle, observer la façon dont se jouait la dynamique de la communauté sur les réseaux sociaux. Je me suis donc créé un compte… Facebook, en racontant à qui voulait bien l’entendre que ce ne serait que pour quelques semaines, que je le faisais pour des raisons strictement professionnelles et que je n’allais surtout pas me laisser gagner par ce «fléau» qui ne pourrait avoir pour conséquence que de me faire perdre mon temps.

Trois ans plus tard, mon compte est toujours ouvert. Avec des paramètres de sécurité supposément sûrs, qui empêchent ceux qui n’appartiennent pas au cercle restreint de mes 138 amis de voir ce que je publie sur mon babillard. Avec des photos de mes enfants — hélas! Avec des statuts qui parlent de la pluie et du beau temps. Avec un tel ramassis de banalités que j’en suis presque honteuse. Je consulte mes Actualités pratiquement tous les jours. Je commente les statuts plus ou moins scientifiques de mes «amis». J’envoie même, parfois, des «demandes d’amitié». Bref… j’ai voulu, au départ, jouer le jeu, à reculons. Aujourd’hui, je dois avouer que je le fais de manière à peu près consentante.

Ce récit n’est évidemment d’aucun intérêt (bien que certains se reconnaîtront peut-être dans mon propos) s’il ne mène pas à des interrogations qui nous ramèneraient à des considérations d’ordre épistémologique.  Dans quelle mesure Facebook, au-delà de sa dimension voyeuriste, permet-il un véritable échange, une véritable circulation des connaissances? Comment exploiter ses fonctionnalités de manière telle qu’on puisse y trouver une façon de consolider nos méthodes d’enseignement? Comment Facebook peut-il être exploité dans un cadre de diffusion de la recherche? En quoi un tel réseau social peut-il ouvrir la voie à l’émergence de nouvelles formes d’oeuvres collectives? Dans quelle mesure, si on interroge le phénomène, de manière plus ponctuelle, du point de vue de la littérature, les théories des discours de l’intime (autofiction, journal personnel, par exemple) permettent-elles d’analyser son contenu?

7 thoughts on “Face(the)book (pour la séance du 5 février)

  1. Je trouve que Facebook et Twitter facilitent l’échange d’information entre les groupes engagés au changement social dans les différentes sociétés du monde. Les mouvements sociaux contemporains en Égypte, Espagne, New York, Québec, Mexico City, Chili se sont inspirés mutuellement pour poursuivre égalité sociale, politique, éducative, etc…Les institutions médiatiques nationales et internationales contrôlent l’information et les médias sociaux aident à distribuer les informations que les systèmes politiques cachent. Facebook et Twitter nous aident à connaître les histoires individuelles et collectives de personnes marginalisées comme les immigrants sans papiers, les femmes, les autochtones, etc.

  2. Combien de fois me suis-je posé la question: je pars ou je reste? À mon corps défendant, je dois avouer que ma résolution n’est jamais bien solide. Je sévis sur Facebook depuis un peu plus de six ans maintenant (!!), et rien ne semble présager que j’abandonnerai le navire de sitôt.

    Je suis une junkie de mon fil de nouvelles, je l’avoue. J’y ai accès sur ma tablette, sur mon téléphone intelligent, mon portable… La lueur de l’écran illumine trop souvent mes moments d’insomnie et nourrit sans répit mon cerveau de ces informations et opinions souvent triviales, parfois carrément bêtes. Mais pourquoi donc suis-je si fascinée par mon écran?

    Je pourrais proposer l’explication qui veut que Facebook est comme une drogue émotionnelle et que je me valide en étalant ma vie sur les Internets ou que c’est simplement de la curiosité ou que… Je ne sais pas.

    Une chose est certaine, je retire quelque chose de mon expérience facebookienne. J’ai en tête une belle rencontre sur les réseaux qui s’est actualisée et poursuivie hors de l’écran. Aux débuts de Facebook, j’ai ajouté frénétiquement amis et connaissances, avec pour seul critère le fait que je les connaissais de nom. Au fil des années, certains sont partis, d’autres sont restés et d’autres encore se sont fait plus présents. L’un d’entre eux, qui fréquentait mon école primaire et que je n’avais revu depuis, s’est mis à publier frénétiquement lors de la crise étudiante de l’année dernière. J’ai donc répondu, commenté, rigolé, me suis fâchée, discuté jusqu’aux petites heures. Tommy habitait à l’époque à Gatineau, et comme j’étais un jour de passage, je l’ai appelé pour savoir s’il avait envie de discuter. Deux cafés et quatre heures plus tard, nous y étions encore! Oui, parfois nos échanges sont banals, mais plus souvent, ils sont profonds et réfléchis, appuyés par la plate-forme et ses possibilités médiatiques (hyperliens, images, vidéos, partage).

    Je crois que le mot-clé ici est « plate-forme ». Facebook est un espace qui permet un échange, ni plus, ni moins. Il n’en tient qu’à soi que de le transformer en un véhicule pour les connaissances, un moyen d’apprentissage ou une machine à ragots. Je me sers de mon mur comme d’un babillard, d’un aide-mémoire, d’un service de messagerie, d’un agenda, d’un album de souvenir, d’espace où tester mes idées, mais surtout, de lieu d’échange.

    C’est cette dernière idée qui est, à mon avis, porteuse de sens. Facebook est un lieu d’échanges et c’est cette caractéristique qui lui donne un rôle central dans le partage et la diffusion des connaissances ou encore dans l’articulation des récits personnels.

    • Je suis tout à fait d’accord que ce soit juste un plate-forme, tout comme reddit, twitter, etc., dont le contenu est émergent des utilisateurs qui, eux, l’utilisent de multiples façons. C’est de là où vient la richesse de ces sites- on peut les surfer pendant des heures parce qu’il y a tant de personnes qui l’utilisent de manières tout-à-fait différentes,

  3. « Dans quelle mesure Facebook, au-delà de sa dimension voyeuriste, permet-il un véritable échange, une véritable circulation des connaissances?  »

    Bon, pour moi, au moins, cela permet d’ancrer des connaissances dans un réseau rélativement stable. Mettons que je vais, en 1980, à un party pour un ami et que j’y croise une jolie fille. On se parle pendant dix minutes, je prends son numéro, et ensuite elle quitte la fête. Moi, en 1980, la seule option que j’ai pour reprendre le contact avec elle, c’est le téléphone, et éventuellement, au bout de beaucoup de conversations, on commence à se connaître mieux, passer plus de temps ensemble, etc. Donner le premier coup de fil est difficile car on se connaît pas vraiment, et elle ne peut pas savoir quelles sont mes motivations en la contactant. En 2013, par contre, je me rappelle de son nom, je la rajoute sur Facebook, et je vois qui sont nos amis communs, quels sont ses intérêts, si elle est en couple ou non, etc. En prenant un inconnu et le branchant dans son réseau, l’internaute peut plus facilement donner un ordre à sa vie sociale et mieux décider où ‘dépenser’ son temps de la manière la plus efficace.

    J’ai hâte de discuter de ça en cours!

  4. Malheureusement, je n’utilise pas beaucoup Facebook bien que j’ai un compte et une page active à laquelle se sont joints la plupart de mes proches pour échanger des photos de famille. Quant à ce qui pourrait nous intéresser davantage, je suis allée le puiser dans un essai disponible sur le réseau intitulé: La mémoire appareillée: dispositifs numériques et écriture de soi, de Oriane DESEILLIGNY. On apprend que l’auteur analyse les métamorphoses de l’écriture de soi dans des dispositifs numériques contemporains. Elle passe en revue les journaux personnels manuscrits et en ligne, les blogs et Facebook et en arrive à s’interroger sur le rapport à la mémoire que chaque support mobilise ainsi que sur leur correspondance avec la notion d’écriture de soi, proposée par M. Foucault.

    L’auteur propose un court récapitulatif et présente ce qu’est le Timeline. Ainsi peut-on lire, sur le réseau social Facebook : « Sélectionnez vos publications, vos photos et autres instants les plus mémorables pour les mettre en avant. Votre histoire a un début, un passé et un présent. » En décembre 2011,Mark Zuckerberg avait présenté la nouvelle version de profil proposée aux internautes, le Journal (« Timeline » en anglais), en expliquant qu’elle permettait de raconter « L’histoire de toute votre vie ». Le dispositif s’offre comme le levier d’une entreprise d’écriture et de publication de l’histoire individuelle, à mi-chemin entre les refrains marketing du storytelling, la mise en scène de soi dans un espace médiatique et un mouvement de rétrospection autobiographique fragmentée.
    L’engouement pour ces sites dits d’ « autopublication » doit beaucoup à la simplicité de création et de mise à jour de ces dispositifs clef en main.

    Sur le fond, l’auteur distingue le monologue dialogique du journal personnel, d’une part, d’une expression de soi dialogale et alternée, dans la mesure où la sollicitation du lecteur ainsi que sa prise de parole dans le blog tendent à remplacer sa prise à témoin dans le journal en ligne.

    L’écriture sur Facebook marque, donc, un écart puisqu’elle est avant tout utilisée dans sa
    dimension communicationnelle. Si certains libellés de statuts peuvent sembler «intimes », ils sont d’abord destinés à partager une information avec des « contacts » ou des « amis ». Il ne s’agit pas de composer un récit mais bien davantage un «profil », un autoportrait de soi en société.

    « Le profil Facebook n’a jamais été plus éloigné de l’identité réelle – même numérique – de son propriétaire (…). Il n’est désormais qu’une vitrine ultra-léchée, hyper-contrôlée, ne reflétant que ce qu’on souhaite y mettre. Le joli design nous pousse (…) à tester d’autres fonctionnalités, à remplir ce musée personnel de tableaux qui claquent. » (Gévaudan, 2012).

    Espace de théâtralisation de soi,de mise en visibilité, le profil Facebook marque le passage du lisible – qui caractérisait le récit de soi et l’écriture de soi du journal personnel – au visible. Louise Merzeau qualifie-t-elle Facebook d’ « anti-mémoire » par la décontextualisation des traces que le dispositif et ses partenariats commerciaux autorisent.

    Enfin, retenons que le récit de soi ou la profilisation de soi sur Facebook articule l’intime à l’altérité, que la pratique est traversée par la présence de l’autre ce qui allie réflexivité et transitivité.

  5. Il y a toujours un danger à convoquer la notion d’intimité. Car la définition qu’on en donnera dépendra de notre propre rapport à ce qui appartient à la sphère de l’intime. À méditer pour la séance de ce soir…

  6. Effectivement, Facebook ne permet pas de véritables échanges comme vous l’entendez. Chaque média social a sa propre fonction et l’utilisation qu’on en fait doit être compris comme tel. Facebook a été créé par Mark Zuckerberg au début pour créer un concours de popularité qui ridiculiserait les filles de son école. Plus tard, ce dernier se servira de sa base de donnés universitaires pour finir par créer quelque chose d’un peu plus intelligent qui permettait aux étudiants d’échanger des petits mots, des commentaires, ou de retrouver certains amis qu’ils avaient perdus de vue. Le système, le programme, s’est étendu et a intégré d’autres universitaires, puis d’autres gens en dehors de l’université mais l’objectif est resté le même : retrouver des amis, des proches et clavarder dans un langage aux phrases courtes, pas nécessairement dans une grammaire parfaite (en fait c’est plutôt rare car on y utilise souvent ce qu’on appelle le « web speak », les abréviations telles que : OMG, #depress, TGIF, WTF!!!,..) et sans trop trop de profondeur. Du coup, les discussions académiques, ou philosophiques ne sont pas trop de mises. Une communauté virtuelle qui échange, comme nous par exemple, via la plate-forme WordPress, peut permettre aux utilisateurs, composés d’initiés, de cheminer intellectuellement à cause du caractère hermétique et dédié (annoncé comme tel) du blogue. Par contre, il serait impensable de reproduire cela si la page Facebook est ouverte à tous. Et de toute façon, la discussion est limitée sur FCBK. En général, quelqu’un sur sa page lance un commentaire et les autres (les amis de cette personne ou de cette page) répondent brièvement à ce commentaire. Une discussion plus poussée demanderait un aparté en dehors de la page Facebook… A la limite, et c’est pourquoi cette fonction existe, Facebook me permet de donner mon accord, mon assentiment (et même pas le contraire, donc « out » le désaccord) au commentaire énoncé par la personne sur sa page et c’est avec le « J’aime » ou « like » qu’on peut le faire. Une manière bien réductrice de donner son point de vue! Alors comment consolider ses méthodes d’enseignements avec cet outil ? Je me le demande… Sans compter que votre page ou votre mur est accessible à tous ceux qui veulent y accéder puisqu’on peut même la voir (on en a un aperçu général) même si on est pas amis avec la personne. La notion de « voyeurisme » et de diffusion au sein d’un large public donne déjà le ton aux types de discussions (si on peut appeler cela de la discussion) qui ont préséance sur FCBK. Pour ma part, je l’utilise souvent juste pour garder contact avec certaines personnes ou élargir mon cercle de contacts dans le domaine de la gastronomie.

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