Tout cela a commencé par un intérêt pour les communautés virtuelles. Académiques, j’entends.
HyperRoy est donc venu d’abord, avec ses questionnements d’ordre épistémologique: comment transposer sur support numérique un matériau textuel qui ne lui a pas été destiné? Comment créer un espace dynamique, capable d’illustrer les changements de perspective sur l’oeuvre de Gabrielle Roy au fur et à mesure qu’émergent de nouvelles études sur celles-ci (déjà abondamment commentée par la critique)? Comment créer, concevoir, ce point de rencontre afin qu’il devienne un lieu d’échanges entre la communauté universitaire et le public lecteur, encore nombreux à s’intéresser à l’oeuvre de Roy et à ce qu’on pourrait appeler ses «coulisses» (correspondance, archives personnelles, photos, etc.)? Comment pourrait-on favoriser, par la mise en ligne d’un tel site, les échanges entre le lectorat francophone et le lectorat anglophone de G. Roy, qui considérait les traductions anglaises de ses oeuvres aussi importantes que leur version originale en français?
Ensuite est venue la curiosité. J’ai voulu, à partir de mes réflexions sur la notion de communauté virtuelle, observer la façon dont se jouait la dynamique de la communauté sur les réseaux sociaux. Je me suis donc créé un compte… Facebook, en racontant à qui voulait bien l’entendre que ce ne serait que pour quelques semaines, que je le faisais pour des raisons strictement professionnelles et que je n’allais surtout pas me laisser gagner par ce «fléau» qui ne pourrait avoir pour conséquence que de me faire perdre mon temps.
Trois ans plus tard, mon compte est toujours ouvert. Avec des paramètres de sécurité supposément sûrs, qui empêchent ceux qui n’appartiennent pas au cercle restreint de mes 138 amis de voir ce que je publie sur mon babillard. Avec des photos de mes enfants — hélas! Avec des statuts qui parlent de la pluie et du beau temps. Avec un tel ramassis de banalités que j’en suis presque honteuse. Je consulte mes Actualités pratiquement tous les jours. Je commente les statuts plus ou moins scientifiques de mes «amis». J’envoie même, parfois, des «demandes d’amitié». Bref… j’ai voulu, au départ, jouer le jeu, à reculons. Aujourd’hui, je dois avouer que je le fais de manière à peu près consentante.
Ce récit n’est évidemment d’aucun intérêt (bien que certains se reconnaîtront peut-être dans mon propos) s’il ne mène pas à des interrogations qui nous ramèneraient à des considérations d’ordre épistémologique. Dans quelle mesure Facebook, au-delà de sa dimension voyeuriste, permet-il un véritable échange, une véritable circulation des connaissances? Comment exploiter ses fonctionnalités de manière telle qu’on puisse y trouver une façon de consolider nos méthodes d’enseignement? Comment Facebook peut-il être exploité dans un cadre de diffusion de la recherche? En quoi un tel réseau social peut-il ouvrir la voie à l’émergence de nouvelles formes d’oeuvres collectives? Dans quelle mesure, si on interroge le phénomène, de manière plus ponctuelle, du point de vue de la littérature, les théories des discours de l’intime (autofiction, journal personnel, par exemple) permettent-elles d’analyser son contenu?