Le Restaurant Davidson
et ses allures de pneumonies,
complètement vide
Le monde est Sharp à Hochelaga.
Il est vraiment Sharp.
Le monde est Sharp comme dans: coupant, acéré, pointu, vif, brutal, intelligent, beau et raffiné, la barbe blanchie par le froid, le visage vachement masculin.
Le monde est vraiment Sharp à Hochelaga.
Début d’automne qui se vit comme une fin; le ciel semble sur le point de se déverser. Le sol lui répond: miroir grisâtre. Le vent siffle, le son est étouffé par le lainage. À chaque coup de pédale, je m’approche de la ligne qui départage les quartiers.
Entre-t-on simplement dans Hochelaga par la porte papillon du métro Préfontaine?
Sur une butte choisie, près de l'édicule. Je suis du regard les mouvements fous des passants qui s'éloignent jusqu'à les perdre de vue. Ils migrent, d'un endroit à l'autre, circulation pressée, en direction de.
Crédits photo: Marc-André Dupaul.
J’ai acheté un t-shirt noir sur lequel j’ai fait écrire les mots « déjà bien équipées ». Mots écrits en blanc. Mots choisis par dépit. Je le porte, ce t-shirt, sachant que plus le temps passe et plus la phrase deviendra obscure. Déjà bien équipées. De plus en plus opaque. Une phrase qui ne dit rien.
Étrange, l’Hochelaga.
Territoire débusqué au creux d’une pente, au moment où la vitesse à laquelle tournent les roues du vélo accélère, laissant de moins en moins de contrôle sur la direction - droit devant, vers le Sud, toujours plus au sud, toi qui viens du Nord, de beaucoup plus loin au nord.
De bon matin soufflaient des bourrasques de levure sur la rue de Rouen. Sans la voir, je devinais la boulangerie Au pain doré, cachée de l’autre côté du parc Préfontaine et de la rue Moreau.
Clown Express
rue Aylwin
d’un coup que t’aurais envie
de rire ben vite.
Arrêt, plutôt stop américain. Sur le poteau une inscription : GLU10. Plus bas, un collant sur lequel est dessiné au surligneur un personnage à drôle de mine.
Quand on laisse aller le monde, au lieu de tenter de le contrôler, on assiste parfois à des spectacles inattendus, des micro-événements qui semblent montés à notre intention, des sourds-muets qui circulent comme des électrons, des voitures qui ressortent indemnes d’un accident, des portes qui se mettent à se répondre. C’est là où je voulais en venir. Les portes...
Il y a, non loin, près de là, près des condos aussi, des murs blancs de vieilles bâtisses qui pèlent et qui montrent leur briques.
et c’est beau
et c’est le temps accepté et chéri
de décrépitude.
je fais quelques pas pour me détourner du camion poubelle
vorace.
Il est jeune, habillé tout en noir. J'essaie de faire émerger tous les détails, retour à la surface. Skinny jeans, souliers ou bottes? Je ne sais déjà plus. Dans la chaleur du café j'oublie presque tout. Le blouson, derrière, dans le bas du dos : un triangle de petites billes de métal. Pointues ou pas? Un motif, au-dessus du triangle de pics, de studs, un oiseau, peut-être un aigle?