Fierté et arts hypermédia: célébrons les communautés LGBTQ

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Plus tôt ce mois-ci, la ville a revêtu les couleurs de l’arc-en-ciel pour célébrer ses communautés LGBTQ et se montrer solidaire des combats encore en cours pour la reconnaissance des droits des minorités sexuelles d’ici et d’ailleurs. En effet, du 12 au 18 août avait lieu Fierté Montréal, une semaine d’évènements communautaires et sportifs, d’expositions, de défilés, de fêtes et de spectacles mettant en valeur les cultures LGBTQ et alliées. Pour prolonger la fête et promouvoir une plus grande visibilité LGBTQ dans les (hyper)médias, nous vous offrons aujourd’hui une sélection d’œuvres traitant de thématiques LGBTQ, d’hier à aujourd’hui – six œuvres pour les six bandes du drapeau arc-en-ciel, symbole de la richesse et de la diversité des communautés LGBTQ.

1997 – Adriene Jenik présente son MAUVE DESERT, adaptation du célèbre roman postmoderne de Nicole Brossard

En 1987, Nicole Brossard publiait son Désert mauve, un roman retraçant le parcours d’un livre obsédant, trouvé au hasard et traduit par un personnage fictif du nom de Maude Laures. Au cœur du Désert mauve, on découvre la fascination de Mélanie Kerouac, une adolescente de 15 ans vivant avec sa mère et la conjointe de celle-ci, pour une géomètre dans la quarantaine, Angela Parkins. Chez Brossard, les jeunes filles conduisent à toute vitesse dans le désert et manient les flingues comme si elles étaient nées avec une arme au poing. Dix ans plus tard, Adriene Jenik remet l’œuvre de Brossard au goût du jour, la faisant passer du français à l’anglais et la traduisant à travers plus de 8 heures de matériel audio et vidéo original. Sur le CD-ROM, on retrouve en plus une entrevue avec Brossard ainsi que le journal de projet de Jenik.

2001 – Caitlin Fisher fait un saut dans l’autofiction et explore son homosexualité dans These Waves of Girls…

Premiers baisers échangés dans la cour d’école, expérimentations fébriles dans des chambres adolescentes, jalousie et rivalités… Dans son hypertexte à la forme classique, Caitlin Fisher s’intéresse à «ces filles-là», les filles qui embrassent comme des garçons et qui refusent de jouer à la poupée, les filles qui aiment les filles et qui traînent dans les ruelles pour fumer en cachette – mais aussi aux filles qui aiment ces filles-là, celles qui portent des jupes mais qui n’aiment pas les garçons, les filles délicates avec des airs de nymphettes qui échangent des caresses passionnées la nuit venue, dans les dortoirs des camps d’été:

Fay Devlin and I are playing spin the bottle. She spins, but she trembles. By the time we get to Truth or Dare, I have my lips on her nipple and I’ve made her do the asking. [1]

2004 – Queer Power: la Molleindustria transforme le jeu de combat d’arcade en manuel de sexe queer

Un écran, deux joueurs. Homme? Femme? Votre identité change constamment et celle de votre adversaire aussi. Le but? Malgré la forme qui rappelle les jeux de combat classiques à la Mortal Kombat, il n’est ici pas question de blesser ou de tuer votre adversaire, oh que non! On vous demande plutôt de vous accoupler avec celui-ci. Et en amour comme à la guerre, tous les coups sont permis. En effet, une variété de positions sont possibles, quoique parfois un peu difficiles à accomplir à cause des changements de postures constants de votre partenaire… L’orgasme, dans Queer Power, demande beaucoup de concentration et d’agilité tactile. D’accord, on aurait peut-être aimé des modes multi-joueurs un peu plus poussés (pourquoi s’arrêter à deux? pourquoi pas trois, quatre, cinq?), mais bon… C’est toujours mieux que rien! Et comme disait l’autre: «FINISH HIM !!»

2009 – I can no longer think: le poème d’Emma Ramey nous plonge dans la sensualité trouble d’un désir homosexuel naissant

La vidéo générative fait se succéder aléatoirement les images – des images troubles de routes, de parcours, de ponts, de fuite – alors que le texte défile:

She has created a wall
through the universe, I mean a tunnel.
And not the universe, but her closet,
I mean my closet and yes this is meant to be sexual,
I mean sensual, I mean my mother's shawl.

She was on the floor in a fetal position,
I mean I was on the floor in position
with a pile of shoes and Good God!
I was thoughtless.

It was like my trip down the birth canal,
or was that the Panama Canal, I mean Panama City
that spring break no one likes to talk about:
This is our little secret, right? [2]

2011 – Christine Love explore les amours adolescents, toutes orientations confondues, dans sa nouvelle interactive sentimentale don’t take it personally, babe, it just ain’t your story

Parfois, on dévore un roman sentimental en cachette en revenant du supermarché. Parfois, on allume son ordinateur pour lire une œuvre de Christine Love. Un petit plaisir coupable, avec des coups de cœur, des coups de gueules, des épisodes déchirants et des fins heureuses qui vous donnent envie de sourire pour le reste de la journée. Le tout programmé sur Ren’Py, un logiciel spécialement conçu pour créer de courtes nouvelles visuelles.

Le scénario: vous êtes un jeune enseignant assigné à une nouvelle école. Dans votre classe, il y a des filles qui aiment les filles, des garçons qui aiment les garçons, des filles qui aiment les garçons, des garçons qui aiment les filles… Et vous, vous espionnez le tout à partir d’une plateforme de réseautage social qui ressemble étrangement à Facebook. Ah! Le charme des drames sentimentaux adolescents…

2012 – avec Queerskins, Illya Szilak met à nu la fragilité du sujet queer et retrace sur un ton intimiste la triste histoire d’une épidémie

Sebastian: c’est le nom du jeune homme imaginé par Illya Szilak. Un jeune docteur homosexuel élevé dans une famille catholique conservatrice, déchiré entre son héritage religieux, son identité profonde et son désir de réconciliation/rédemption. À travers une série de témoignages de proches de Sebastian, d’extraits du journal intime de celui-ci et de pièces d’archives empruntées à la mémoire collective, l’internaute découvre une histoire intime extrêmement touchante, s’étalant de la petite-enfance du personnage jusqu’à sa mort, mais aussi l’histoire médiatique des premières années de l’épidémie de SIDA qui a ravagé la communauté homosexuelle dans les années 1980. Queerskins est un hypertexte puissant dont on ne ressort pas entier, mais qui donne envie plus que jamais d’être solidaires et présents les uns pour les autres, faisant l’apologie de l’acceptation et de l’amour inconditionnel bien au-delà de la mort.

Voilà pour notre court panorama des thématiques LGBTQ en art et littérature hypermédiatiques. Et même si les fêtes de la Fierté n’ont lieu officiellement qu’une fois par année, nous espérons que ces quelques œuvres vous fourniront un peu de matériel pour célébrer nos différences toute l’année durant. Après tout, comme nous le rappellent ces œuvres, développer une identité LGBTQ n’est pas quelque chose qui se passe simplement dans le Village, sous le drapeau arc-en-ciel, lors des défilés et des festivals; pour plusieurs, c’est le projet continu de toute une vie.

 

[1] Fisher, Caitlin (2009) These Waves of Girls… En ligne: http://www.yorku.ca/caitlin/waves/navigate.html (consulté le 19 août 2013)

[2] Ramey, Emma (2009) «I can no longer think», Born. En ligne: http://www.bornmagazine.org/projects/no_longer_think/text.html (consulté le 19 août 2013)