Dans une fort belle étude qu'il consacre au «Farouest» dans l'oeuvre de Jacques Ferron, Pierre Nepveu montre bien la présence d'une «conscience spatiale ou topologique très aiguë» qui anime les récits et plus largement l'ensemble de la production ferronienne.
Le Québec qui entre dans la modernité - société en pleine redéfinition - peut évoquer les limbes, un espace vague préchrétien où les âmes attendent la rédemption.
«Toute interrogation sur la poésie, aujourd'hui, parle à la fois de son peu d'importance parmi les affaires humaines et d'une souterraine, d'une obscure nécessité», écrit Gilles Marcotte en 1969.
Si l'on a abondamment commenté l'expression «pays sans parole», il est intéressant de relire le recueil en prêtant attention à l'entrelacement de plusieurs motifs: le corps en souffrance, les représentations métonymiques du pays et une parole oscillant entre l'incantation et la psalmodie.
Bien qu'elles soient beaucoup moins connues et reconnues que l'Ode au Saint-Laurent, les premières oeuvres du poète frappent par leur imprégnation du religieux dans un climat social où pourtant on commence à contester la mainmise cléricale sur la société québécoise.
Avec la fondation des éditions de l'Hexagone et la publication du «Tombeau des rois» d'Anne Hébert en 1953, la littérature québécoise entre dans une phase d'autonomisation et d'affirmation qui se terminera autour de 1970, soit à la fin de la Révolution tranquille et au point culminant de l'accession à la modernité pour l'ensemble de la société québécoise.