Oncle Boonmee celui qui se souvient de ses vies antérieures est un film célébré par la critique (Palme d’or à Cannes en 2010) du réalisateur thaïlandais Apitchatpong Weerasethakul. Il fait partie d’un projet de plus grande envergure intitulé «Primitif» qui inclut également une installation éponyme (2009), deux courts-métrages – Lettre à Oncle Boonmee (2009) et Fantômes de Nabua (2009) – et un livre d’artiste. Le projet se penche sur la mémoire de la région du nord-est de la Thaïlande d’où vient Weerasethakul, une région où la mémoire est réprimée suite à une violente répression anti-communiste.
Au moment de sa mort, Oncle Boonmee est pris d’une vision: il rêve d’un monde futur dans lequel une autorité a le pouvoir de faire disparaître les «gens du passé» en les «éclairant». Cette vision est racontée sur fond d’images immobiles, une série de photographies troublantes et esthétisées qui s’interpolent dans le cours du film. Boonmee explique que «la lumière projette des images d’eux sur un écran à partir du passé jusqu’à ce qu’ils arrivent dans le futur. Une fois que ces images apparaissent, ces "gens du passé" disparaissent.»
Comment faut-il comprendre cette allégorie plutôt mystérieuse d’une disparition par les moyens de la projection photographique et cinématographique? En quoi renouvelle-t-elle notre conception et notre pratique de l’histoire? Je me propose d’explorer plus avant le dreamscape déployé dans le projet Primitive à partir d’un des tout premier textes publié par Michel Foucault, «Le rêve et l'existence», qui porte sur l’œuvre du psychiatre phénomenologue Ludwig Binswanger et que Giorgio Agamben revisite à l’occasion de sa réflexion sur le geste archéologique dans Signatura rerum. (Archives)