Colloque

Lydia Flem au miroir de Claude Cahun: une poétique de l'anamorphose

Vendredi 29 Mai 2015

Dans ses travaux consacrés aux perspectives dépravées, Jurgis Baltrušaitis observe que si les surréalistes ont largement œuvré en faveur du renouveau des formes anamorphiques au début du XXe siècle, c’est pour inscrire celles-ci dans une poétique de l’informe et du désordre. Car c’est en effet «la puissance déformatrice et non restauratrice des formes déformées» (Jurgis Baltrušaitis, Anamorphoses ou Thaumaturgus opticus, Les perspectives dépravées, Paris, Flammarion, 1984, coll. «Idées et recherches», p. 195) que favorisent ces nouvelles anamorphoses désormais «sans retour» – puisque le terme désigne, selon sa racine étymologique, toute forme qui revient, ou redevient «normale» sous un certain point de vue.

Claude Cahun, à la fois proche et distante du surréalisme, s’est illustrée dans cette poétique de la distorsion qu’elle a notamment appliquée à sa propre représentation. Pièce maîtresse de son œuvre photographique, l’autoportrait réalisé pour la revue Bifur en 1929 allonge ainsi le crâne rasé de l’artiste pour, selon les termes de François Leperlier, «déstabiliser la perception du réel [et] faire valoir la souveraineté de l’imaginaire» («L’œil en scène», introduction à Claude Cahun, Arles, Actes Sud, coll. «Photo Poche», 2011). Près d’un siècle plus tard, ce reflet de Claude Cahun ressurgit sous les traits d’une nouvelle «femme chauve»: Lydia Flem, psychanalyste, écrivaine et photographe, pose devant la webcam de son ordinateur, le crâne dénudé par la chimiothérapie, recouvert d’une couronne de post-it bariolés. Entre 2008 et 2010, l’artiste, atteinte d’un cancer, réalise ainsi une série de clichés publiés sur son blogue. Ces images seront plus tard insérées dans le récit autofictionnel La Reine Alice (2011), parodie de Through The Looking Glass où la narratrice Alice, alter ego de l’auteure, passe un jour «de l’autre côté de soi» après avoir aperçu dans le miroir une masse suspecte du cancer contre son sein.

À partir de ces deux autoportraits aux caractéristiques anamorphiques, cette communication présente un double objectif:

- Démontrer que si La Reine Alice s’inscrit bel et bien dans l’héritage carrollien, l’œuvre photographique que Lydia Flem construit depuis maintenant quelques années doit aussi se penser au reflet d’un autre miroir: celui de Claude Cahun et de ses tableaux photographiques composés de petits objets qui, dans Cœur de Pic notamment, renouent avec l’univers de l’enfance.

- Réfléchir, à partir de cette première démonstration, la façon dont le fait photographique peut, en cherchant à s’affranchir d’un impératif de représentation mimétique, travailler une esthétique de la distorsion soulignant l’irréalité du réel aussi bien que la réalité de l’irréel.

[Site Web du colloque]

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Pour citer ce document:
Monjour, Servanne. 2015. « Lydia Flem au miroir de Claude Cahun: une poétique de l'anamorphose ». Dans le cadre de Héritages de Claude Cahun et Marcel Moore. Colloque organisé par Figura, le Centre de recherche sur le texte et l'imaginaire. Montréal, Université de Montréal, 29 mai 2015. Document audio. En ligne sur le site de l’Observatoire de l’imaginaire contemporain. <https://oic.uqam.ca/fr/communications/lydia-flem-au-miroir-de-claude-cahun-une-poetique-de-lanamorphose>. Consulté le 1 mai 2023.
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