Présentation du symposium
Il n’y a pas un réalisme mais des réalismes, variant selon les âges et les lieux. Et s’il existe bien des effets de réalité, ils sont créés par les interactions mêmes des textes avec l’imaginaire social. C’est dans cette perspective que le IIe Symposium international de sociocritique engage à «Repenser le réalisme». Cet événement propose une relecture critique des travaux sur le réalisme à partir des hypothèses nodales de la sociocritique.
La sociocritique envisage le texte littéraire (et tout autre dispositif langagier producteur de sens) dans ses interactions avec la semiosis sociale, c’est-à-dire les savoirs, les représentations, les images, les façons de parler, les discours, les multiples voix et langages par lesquels une société, dans une situation sociohistorique précise, se représente ce qu’elle est, ce qu’elle a été et ce qu’elle pourrait devenir.
Les travaux présentés au IIe Symposium international de sociocritique examinent la manière dont les œuvres incorporent et transforment ce qu’elles empruntent à cet imaginaire social. Ils mettront en valeur l’historicité, la socialité, les mutations et la variabilité des réalismes. Ils proposent des réflexions portant sur des corpus variés, allant du Moyen Âge à l’époque actuelle. Ils s’ouvrent aussi à des œuvres aux origines géoculturelles diverses. Loin de se limiter au roman, ils mettent en exergue la pluralité générique et esthétique des œuvres considérées. Ils font ressortir la variété des réalismes, qui s’exprime entre autres dans des expressions telles «réalisme magique», «réalisme merveilleux», «réalisme symboliste», etc. Enfin la programmation accueille également des contributions qui relèvent de l’ethnocritique des textes, approche avec laquelle la sociocritique entretient un dialogue fructueux depuis quelques années.
Le IIe Symposium international de sociocritique a eu lieu du 9 au 12 décembre 2015 à l'Université de Montréal.
Programme du symposium
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Conférence d'ouverture
Francis Gingras (Université de Montréal). «Fabuler et dire vrai: les réalismes et l’histoire des genres narratifs»
Séance – Milieux et personnages
Michel Fournier (Université d’Ottawa). «Le réalisme du roman graphique: étude de la série Paul de Michel Rabagliati» [Communication non disponible]
Marie Scarpa (CREM/Université de Lorraine). «Ethnocritique du personnage en régime réaliste» [Communication non disponible]
Craig Moyes (King’s College London). «Pour une lecture sociocritique du Roman bourgeois de Furetière»
Séance - Du traduire et de la traduction
Patrick Maurus (INALCO, Paris). «Traduction ou traduire: les outils de la sociocritique au risque de la lecture-écriture»
Bertrand Gervais (Université du Québec à Montréal). «Dépasser les limites: imaginer la traduction avec Harry Mathews»
Séance - Histoire, guerre, mémoire
Michaël Rinn (Université de Bretagne occidentale). «Fiction, chronique, historique, passage (Les Dépossédés de Steve Sem-Sandberg)»
Djemaa Maazouzi (Université Charles-de-Gaulle/Lille III). «“Nous baignons dans la langue et quelqu’un a chié dedans”: L’Art français de la guerre d’Alexis Jenni»
Régine Robin (Université du Québec à Montréal). «Fragmentation, discontinuité, mémoire et réalité dans l’œuvre de Patrick Modiano»
Séance – La captation des formes et des langages
Sophie Ménard (CREM/Université de Lorraine/UQAM). «Bricolage générique: La Classe de neige d’Emmanuel Carrère»
Rainier Grutman (Université d’Ottawa). «Le roman réaliste comme lit de Procuste»
Séance - Philologie, philosophie
Judith Sribnai (Université du Québec à Montréal). «Là “où brille la rare vraisemblance”: les réalismes de Gassendi»
Isabelle Arseneau (Université McGill). «Anatomie d’un courant. Les philologues et le réalisme littéraire»
Séance - Chansons et poèmes
Olivier Parenteau (Cégep de Saint-Laurent). «“Des obus explosent à la radio”; “Parachute flares drift in the burn time/of dream”: la guerre d’Irak dans la poésie québécoise et américaine»
Denis Saint-Amand (Université de Liège/Université de Namur). «Rimbaud aux frontières du réel»
Isabelle Tournier (Université de Paris VIII/Vincennes). «C’est ça qui est triste: sociocritique de la chanson réaliste» [Communication non disponible]
Séance - Paysages naturels et sonores
Hélène Amrit (Université de Limoges). «L’autofiction: réalité augmentée ou vérité?» [Communication non disponible]
Bernabé Wesley (Université de Montréal/Université Montpellier III). «La dimension sonore du roman moderne et contemporain»
Séance - Terreur, totalitarisme et portraits
Marc Angenot (Université McGill). «L’art du portrait: portraits croisés de Robespierre et de Staline»
Pierre Popovic (Université de Montréal). «Le chômage dans l’imaginaire social français contemporain»
Séance - Littérature, magie, surnatalité et savoirs
Elaine Després (Université de Montréal). «De la nécessité du pseudo-réalisme en science-fiction: l’exemple d’Élisabeth Vonarburg»
Christiane Ndiaye (Université de Montréal). «Le réalisme socialiste de Jacques-Stéphen Alexis: que faire du surnaturel?»
Marie-Christine Vinson (CREM/Université de Lorraine). «Ethnocritique d’une nouvelle de Maupassant: “En mer” (1883)»
Jean-François Chassay (Université du Québec à Montréal). «Une affaire de perception: dédoublement et monstruosité»
Séance - Punk et grotesque chez Despentes
Sylvain David (Université Concordia). «L’écriture du punk rock chez P. Eudeline et V. Despentes»
Véronique Cnockaert (Université du Québec à Montréal). «Le réalisme grotesque et le monde à l’envers dans Baise-moi de Virginie Despentes»
Séance - Il y a enquête et enquêtes
Jean-Marie Privat (CREM/Université de Lorraine). «Ethnocritique du roman policier (Agatha Christie, La mystérieuse affaire de Styles)»
Dominique Viart (Université de Paris Ouest Nanterre La Défense/Paris X). «Les littératures de terrain. Enquêtes, investigations et dispositifs cognitifs en littérature française contemporaine» [Communication non disponible]
Séance - Phénomènes sociaux et d’époque
Claudia Bouliane (Université du Québec à Montréal). «Excursion touristique en terres néoromanesques»
Anne-Hélène Dupont (Université McGill). «La fête vue par les dictionnaires: exploration du champ sémantique du mot “fête” sous la IIIe République»
Organisation du symposium
Organisé par le Centre de recherche interuniversitaire en sociocritique des textes (CRIST), le IIe Symposium International de Sociocritique se tiendra au Carrefour des arts et des sciences de l’Université de Montréal du 9 au 12 décembre 2015, en collaboration avec le CERLOM/INALCO, le CREM et Figura-UQAM et Concordia (voir les Partenaires).
- Claudia Bouliane (Université du Québec à Montréal)
- Jean-François Chassay (Université du Québec à Montréal)
- Elaine Després (Université de Montréal)
- Djemaa Maazouzi (Collège Dawson)
- Olivier Parenteau (Cégep de Saint-Laurent)
- Pierre Popovic (Université de Montréal)
- Geneviève Sicotte (Université Concordia)
- Bernabé Wesley (Université de Montréal)
Les documents audio ont été traitées par Ursula Cherrier en vue de la mise en ligne sur le site de l'Observatoire de l'imaginaire contemporain.
La dimension sonore du roman moderne et contemporainCe projet porte sur les modalités d’intégration du son dans le roman de langue française de la période 1945-2015. De l’après-guerre à nos jours, une part significative de la production romanesque intègre, au domaine de l’écrit, des onomatopées, des exclamation, des perturbations sémantiques fondées sur des analogies sonores et des termes étrangers dont l’intégration s’accompagne également de perturbations syntaxiques et orthographiques. |
Ethnocritique du roman policier (Agatha Christie, «La mystérieuse affaire de Styles»)S’il est un point consensuel parmi les critiques du genre du roman policier, c’est bien le suivant: un polar, c’est un assassin, une victime, un détective. J’ajouterais tout de suite: une communauté. |
Le réalisme grotesque et le monde à l’envers dans «Baise-moi» de Virginie DespentesVous l’avez reconnu, ainsi débute Baise moi de Virginie Despentes. On conviendra que malgré les termes qui appartiennent au lexique de la fête (joyeux feu d’artifice, délectation, gourmandise), la note divertissante de cette incipit peine à s’imposer. Il faut dire que s’y superpose une brutalité non-masquée, élément déclencheur néanmoins du plaisir à l’œuvre. Ainsi, dès le début, la violence et la jouissance sexuelle s’exaltent mutuellement. Il en sera ainsi tout au long du roman, le crime prenant le pas cependant sur la douleur consentie. |
L’écriture du punk rock chez P. Eudeline et V. DespentesL’un des personnages de Patrick Eudeline se targue de posséder une vision du monde comme un prisme où tout passe au travers. Il ajoute: «Pour certains, c’est le rock. Une attitude de dandy, un engagement politique, il faut quelque chose en tout cas pour voir au travers. Une grille de lecture. Celle-ci, elle est peut-être terrible d’accord, mais grâce à elle au moins j’ai trouvé mes marques. |
Une affaire de perception: dédoublement et monstruositéLe roman qui m’intéresse ici, Quatre voyageurs d’Alain Fleischer publié en 2000, donne un sens particulier à l’expression «se mettre dans la peau de quelqu’un». Centré sur un thème célèbre de la littérature, celui du double, il fait écho aussi à un thème social très présent en ce XXIe siècle: celui de l’altérité, de la différence et de l’hybridité. |
Ethnocritique d’une nouvelle de Maupassant: «En mer» (1883)En mer de Guy de Maupassant paraît dans les Contes de la bécasse en juin 1883 avec une dédicace à Henry Céard. Cette dédicace place le récit sous les meilleurs auspices naturalistes. Disciple et ami de Zola, du moins jusqu’à l’affaire Dreyfus, Céard est un des collaborateurs des Soirées de Médan. |
Le réalisme socialiste de Jacques-Stéphen Alexis: que faire du surnaturel?Vous aurez peut-être deviné que ma proposition était inspirée de tout ce débat, qui n’est jamais fini, autour du réalisme merveilleux, qui en Haïti date des années 1950 et qui, je dirais, constitue jusqu’à présent un passage obligé pour tous ceux qui pensent parler de la littérature des Caraïbes, alors que je ne suis pas sûre qu’on sache encore aujourd’hui de quoi on parle. |
De la nécessité du pseudo-réalisme en science-fiction: l’exemple d’Élisabeth VonarburgLa science-fiction peut-elle être réaliste? Serait-ce un oxymore? Selon Darko Suvin, «la science-fiction est un genre littéraire dont les conditions nécessaires et suffisantes sont la présence et l’interaction de la distanciation et de la cognition et dont le principal procédé formel est un cadre imaginaire différent du monde empirique de l’auteur». |
Excursion touristique en terres néoromanesquesDès l’après-guerre, un important changement de paradigme s’opère dans la façon dont la littérature conçoit le voyage. On ne lit donc plus seulement les récits de voyage des grands auteurs, mais aussi des romans dans lesquels des Français moyens courent le monde. |
La fête vue par les dictionnaires: exploration du champ sémantique du mot «fête» sous la IIIe RépubliqueLe régime de la IIIe République est jalonné par la publication d’articles et de traités fondateurs pour l’étude du phénomène de la fête en sciences humaines. Ces travaux sont signés, notamment, par Henri Hubert et Marcel Mauss, Arnold Van Gennep, James George Frazer, Émile Durkheim et Sigmund Freud. |
Le chômage dans l’imaginaire social français contemporainCher pole emploi et Chronique d’une branleuse, sont à mes yeux deux petits livres importants. Avec des moyens différents, ils s’opposent en effet à cette représentation du chômeur, qui, donnée pour réaliste et vraie, prévaut dans l’imaginaire social actuel. |
L’art du portrait: portraits croisés de Robespierre et de StalineCe dont je vous parle aujourd’hui, ce n’est pas vraiment de Robespierre. C’est en effet guidé de portraits écrits. C’est un objet en indivision entre la littérature, c’est-à-dire le roman, et les dehors de la littérature, c’est-à-dire les mémorialistes, les publicistes et les historiens. |
Rimbaud aux frontières du réelL’hallucination simple, qui tient lieu de poétique à Rimbaud, se fonde sur une similaire perspective ludique, faite d’inside jokes, de petits détournements du quotidien, d’héritages intertexuels et de la capacité du poète à puiser dans une culture de l’imprimé que l’on pourrait aujourd’hui qualifier de underground. Rimbaud s’empare d’une partie du discours social, de différentes formes de la culture légitime, mais aussi de différentes formes de culture marginale: des caricatures, des insultes populaires et des chansons engagées. |
«Des obus explosent à la radio»; «Parachute flares drift in the burn time/of dream»: la guerre d’Irak dans la poésie québécoise et américaineThere is no escape. The big pricks are out. They’ll fuck everything in sight. Watch your backs. Dans ces vers du célèbre dramaturge anglais Harold Pinter, écrits en 2003 au lendemain de l’annonce officielle d’une participation de l’armée britannique dans le cadre de l’opération Iraqi Freedom, c’est la grossièreté du vocabulaire qui génère la polysémie. L’expression "big pricks" permet de désigner simultanément des dirigeants infatués par leur pouvoir, des dirigeants stupides et les gros canons pointés par leurs soins. |
Anatomie d’un courant. Les philologues et le réalisme littéraireJe voudrais aujourd’hui essayer de repenser un peu plus globalement les rapports des philologues du début du XXe siècle au réalisme littéraire de façon à mesurer les conséquences qu’a pu avoir la confusion qu’ils entretiennent avec les historiens et les littéraires, entre l’écriture du réalisme et celle de l’histoire. |
Là «où brille la rare vraisemblance»: les réalismes de GassendiGassendi est un philosophe du XVIIe siècle, ce qui veut dire une chose très simple: il n’aime pas la littérature et encore moins les romans. |
Le roman réaliste comme lit de ProcusteJe voudrais m’attarder à un élément de la poétique du réalisme, à la poétique de son écriture. Car, si le terme réalisme apparaît ou réapparaît en français au milieu-XIXe siècle, employé par des gens qui ne savaient sans doute pas du tout que ce terme avait déjà existé au XIIe siècle, le débat se développe aussi dans le domaine de la peinture. Autour notamment de la figure de Gustave Courbet. Mais la peinture de la “société” que propose la littérature ne se fait pas à l’aide d’un pinceau, mais à l’aide d’une plume. |
Bricolage générique: «La Classe de neige» d’Emmanuel CarrèreLe bricolage est une manière de nommer, chez Lévi-Strauss, la pensée mythique qui travaille à coups d’analogies et de rapprochements et qui réorganise des matériaux précontraints. On peut faire l’hypothèse que le texte littéraire est, lui aussi, bricoleur. Comme le suggère déjà Gérard Genette dans ses Palimpsestes lorsqu’il affirme que l’hypertextualité, à sa manière, relève du bricolage. |
Fragmentation, discontinuité, mémoire et réalité dans l’œuvre de Patrick ModianoJ’aimerais pour les 20 minutes qui me sont imparties traiter d’un aspect de l’œuvre de Patrick Modiano qui posent des problèmes qui sont les nôtres aujourd’hui: autour du réalisme, autour de l’effet de réel au sens Barthien. |
«Nous baignons dans la langue et quelqu’un a chié dedans»: «L’Art français de la guerre» d’Alexis JenniParfois, dire, ce n’est pas faire. Même avec la meilleure volonté ou la meilleure des velléités. Même en épuisant les ressorts de l’anaphore, de l’analogie, de la répétition, des métaphores ou de l'hypotypose. Même en essayant la polyphonie, en voulant brouiller la voix narrative par la voix du personnage principal et réciproquement. Même en tentant de donner une circularité au récit. Même en essayant tantôt avec des euphémismes, tantôt avec des images et tantôt avec un coup de gueule. |
Fiction, chronique, historique, passage («Les Dépossédés» de Steve Sem-Sandberg)Je parlerai du roman Les dépossédés de Steve Sem-Sandberg, publié à l’origine en suédois en 2009 et en français en 2011. |
Dépasser les limites: imaginer la traduction avec Harry MathewsOù est passé le texte? Il est passé à la trappe, pris au piège dans un processus qui élimine les difficultés pour ne pas avoir à en signaler la présence et rompre le contrat de rupture. |
Traduction ou traduire: les outils de la sociocritique au risque de la lecture-écritureJe cherche à mettre en phrases françaises un texte qui, avant de devenir de la littérature, doit appartenir à la langue française. Deuxième chose: la vérification des intentions évidentes de l’auteur. Trois, je joue à être écrivain. Je fais comme si j’étais l’inventeur de cette histoire. Je m’efforce de raconter la suite des actions dans ma langue personnelle. |
Pour une lecture sociocritique du «Roman bourgeois» de FuretièreComme mon titre l’indique, je veux proposer une lecture sociocritique du Roman bourgeois. C’est à dire, et ici j’emprunte un terme à Pierre Popovic, je veux offrir ou au moins suggérer une explication possible à la singularité sociosémiotique de ce roman. |
Fabuler et dire vrai: les réalismes et l’histoire des genres narratifsIl peut sembler incongru de demander à un médiéviste d’ouvrir une rencontre qui se donne pour objectif de repenser le réalisme. Qui plus est dans une perspective sociocritique. On attendrait ici, plus naturellement, un spécialiste de la littérature française du XIXe siècle ou du roman anglais de la fin du XVIIIe siècle, périodes au cours desquelles, semble-t-il, on a le plus pensé, voire théorisé, le réalisme. |