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Cacotopie

Définition

Néologisme (du grec cacos, «laid», et topos, «le lieu»): «Regardez n'importe quelle grande ville moderne, d'une hauteur qui permet d'en avoir une vue d'ensemble. Non seulement elle s'étend comme un cancer, mais quel bric-à-brac, quelle absence de coordonnées. On peut voir ici ou là une construction intéressante, mais perdue dans la masse. Dans chaque ville, cinquante administrations différentes élaborent chacune ses plans. Ce que l'on constate en fin de compte, c'est un monde sans univers, une civilisation sans culture, mais avec une production pseudo-culturelle croissante. En un mot, c'est une cacotopie, pleine de bruits divers et de couleurs criardes», Géométrie - géographie - géopoétique, coll. «Latitudes», n°4, p. 9.

Citations

«Au-delà des nuisances, il y a l'énorme ennui de la vie urbaine moderne, un enlisement, un aveulissement, que cache mal un défoulement ponctuel ("la fête"). Un historien de la culture des villes, Lewis Mumford, appelle tout cet ensemble une cacotopie», Une apocalypse tranquille, p. 13.

 

«Nous vivons - si nous n'avons un refuge quelque part - dans une cacotopie cacophonique quotidienne, nous subissons une avalanche perpétuelle de clichés sonores. Et dans cette ambiance sonore perpétuelle, non seulement on n’arrive pas à écouter sa pensée, mais on n’arrive pas à penser du tout», Le plateau de l'albatros, p. 92.

 

«Disons, pour résumer que notre vie sociale se situe dans une cacotopie marquée par un amorphisme généralisé, un gadgétisme grandissant, et un étiolement concomitant des esprits. Dans la vacance laissée par une pensée qui n'ose plus penser, une pensée pasteurisée, s'engouffrent toutes sortes de théosophies, de spiritualismes et d'occultismes. Pour résumer encore plus brièvement, en l'espace de deux mille ans, nous sommes allés de Dionysos à Disneyland», extrait du discours inaugural de la 25ème Biennale de Poésie, Liège, 2007.

Commentaires

Expression due à Lewis Mumford (1895-1990) qui fut un historien américain des sciences et techniques et qui développa une approche très critique du modernisme. On lui doit notamment une Histoire des Utopies (1922).

Cheminement critique

Michèle Duclos commente le terme en le situant dans le mouvement plus vaste de l'œuvre: «[…] Cette terre, si maltraitée par notre civilisation depuis des millénaires, si négligée par notre spiritualité et à laquelle nous devons revenir pour sortir de la cacotopie...», Le monde ouvert de Kenneth White, p. 43; «Il [Kenneth White] poursuit son travail d'observateur et mène son combat en "nomadisant" et en approfondissant son "champ général" en quête d'une solution pour sortir de la "cacotopie" occidentale; ce champ s'appelle désormais la géopoétique», Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 126. «La géopoétique postule une ontologie, une anthropologie, voire une esthétique autres, pour sortir la culture occidentale d’une "cacotopie" (ainsi White dénomme-t-il l’état ultime de notre culture dichotomisée entre "élitisme creux et vulgarité crasse")», Horizons de Kenneth White, p. 18.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Une apocalypse tranquille, p. 13, 14, 16; Le plateau de l'albatros, p. 92; Géographie et sciences humaines, coll. «Latitudes», n°4, p. 9; Géopoétique et sciences humaines, coll. «Latitudes», n°6, p. 39.

Cahiers de géopoétique

Définition

Revue de l'Institut international de géopoétique.

«La revue de l'Institut international de géopoétique, les Cahiers de géopoétique, n'est ni une revue littéraire, ni une revue poétique. Son but est d'ouvrir un espace, de préparer un terrain sur lequel de nouvelles expressions peuvent avoir lieu», Le champ du grand travail, p. 75.

Citations

Extrait de la quatrième de couverture des Cahiers: «Un monde, c'est ce qui émerge du rapport entre l'homme et la terre. Quand ce rapport est sensible, intelligent, complexe, le monde est monde au sens profond du mot: un bel espace où vivre pleinement. L'ambition des Cahiers de géopoétique est de dresser, d'un point de vue qui ne soit pas seulement celui de l'Homme, une magna mundi carta: une grande carte, une grande charte du monde».

Commentaires

Dans une interview, Kenneth White a précisé le rôle que jouait la revue au sein de l’Institut (Le champ du grand travail, p. 76): «Les textes puissamment géopoétiques sont, pour le moment, rares. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai décidé, en tant que directeur, d’espacer la parution des Cahiers. Un bon corpus existe déjà. Il ne s’agit pas d’aligner des numéros avec de la matière inférieure à ce corpus-là».

 

On trouvera sur le site de l'Institut international de géopoétique (l’Archipel), les sommaires des numéros parus des Cahiers de Géopoétique ainsi que des liens menant à des articles mis en ligne (www.geopoetique.net).

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Le champ du grand travail, p. 75; Une stratégie paradoxale, p. 210; Cahiers de géopoétque, n°1 à 6; Cahiers de géopoétique, série «Colloques»: Géographie de la culture - espace, existence, expression (1991); L'autre Amérique (1992); Géopoétique et arts plastiques (1999).

Carte, cartomanie

Définition

Le terme de cartomanie est déjà utilisé dans le vocabulaire de la prestidigitation pour désigner certains tours de cartes.

 

Pour White, la cartomanie désigne: «L'étude extatique, la contemplation esthétique des cartes, surtout, mais pas exclusivement, anciennes (portulans, etc.)», «Lexique géopoétique», Poésie 98, octobre, n°74, p. 16.

Citations

«[…] élaborant ma propre cartographie / alliée à une idée large et haute de la poésie», Limites et marges, p. 51.

 

«Une carte est un système. Comme dit le logicien, elle n'est jamais le territoire - mais elle peut le suggérer, elle peut nous y initier et nous permettre de le dépasser (pour aller vers les abstractions vivantes). Et chaque langue, bien sûr, est une carte. La carte, jamais terminée, d'un monde en émergence», Le plateau de l'albatros, p. 314.

 

«A Pau, ma "cellule cartésienne", s'était élargie pour devenir une "salle des cartes". J'ai déjà évoqué les cartes épinglées sur les murs de ma chambre: carte des sommets et des vallées, cartes du golfe de Gascogne… La carte, et c'est en cela qu'elle m'intéressait, était une lecture à distance du territoire, un relevé de ses traits essentiels. Mais à l'intérieur de cette lecture générale, je voulais introduire des lettres (carta – "lettre", en espagnol) qui disent les choses d'une façon plus concentrée: la présence élémentaire du paysage, la pensée même du paysage…», Le livre des abîmes et des hauteurs, p. 22.

 

«On établit des cartes pour mieux explorer le territoire. Autrement, on oscille entre le goût un peu pâteux du terroir et un besoin frénétique de déterritorialisation. On marque les limites et les frontières, momentanément, afin de pouvoir aller plus loin, pour ne pas tourner en rond. Définir les choses, ce n’est pas les borner, c’est préparer un terrain de décollage. Et puis le monde ouvert n’est pas un espace imaginaire, c’est un réel qui s’ouvre, territoire après territoire, ligne après ligne: l’inconnu se fait connaître pas à pas […] J'avance dans le territoire, avec à la main, ou du moins dans la poche, des cartes toujours renouvelées. Il y a mise à jour permanente», Le champ du grand travail, p. 21.

Commentaires

Voir les développements de White sur la cartographie: L'esprit nomade, p. 275-277; Géométrie, Géographie, Géopoétique, coll. «Latitudes», n°4, L'atelier du Héron, 2006, p. 21-22.

Métaphoriquement, White a souvent considéré son oeuvre comme un travail de cartographie: «C'est dire que mon essai n'est pas une référence à l'œuvre complète de X ou Y. Il voyage dans cette œuvre complète, mais c'est pour faire une carte qui existe en soi et qui fait partie de la cartographie générale que je développe dans les essais. Je ne fais pas oeuvre de critique, sauf en passant, je n'établis pas un système de savoir, je rassemble les éléments d'un monde venus d'horizons divers, je fais oeuvre de cartographe ou de cosmographe», Le lieu et la parole, p. 112.

Notons aussi que White collectionne les cartes anciennes. À ce sujet se rapporter au poème «Carta rarissima», Le passage extérieur, p. 95.

Cheminement critique

Rachel Bouvet, Hélène Guy et Eric Waddell (dir.), La carte. Point de vue sur le monde, actes du colloque organisé par La Traversée à Québec (du 12 au 15 avril 2007), Mémoire d'encrier, Montréal, 2008.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Atlantica, p. 201; Les archives du littoral, p. 97; Une apocalypse tranquille, p. 41-42; La carte de Guido, p. 40; Déambulations dans l'espace nomade, p. 37; L'esprit nomade, p. 17, 199, 244, 258, 265, 275-277; Le livre des abîmes et des hauteurs, p. 22; Le champ du grand travail, p. 21, 102; Limites et marges, p. 51, 133; Le lieu et la parole, p. 112; Le plateau de l'albatros, p. 127, 314; Le poète cosmographe, p. 13, 22, 185; Le passage extérieur, p. 27, 95, 247; Revue de belles-lettres, p. 81; Géopoétique et arts plastiques, p. 12.

Celtaoïste

Définition

Néologisme.

 

Mot-valise qui désigne le rapprochement transculturel entre la celtitude et le taoïsme: «J'ai commencé par vouloir établir un parallèle entre le bouddhisme et le celtisme, ou plutôt, j'ai voulu marcher à travers le paysage celte à la lumière du zen - ce qui signifie à la fois dézennifier le zen et déceltiser le paysage celte pour arriver à quelque chose d’inédit, par un processus d’hybridation. Un peu comme ce mariage très réussi entre le sapin écossais et le mélèze japonais que l’on trouve dans les forêts des Hautes Terres», La figure du dehors, p. 233.

Citations

«Au fond, je suis celtaoïste», Eloge de la grande celtitude, p.7.

 

«Je faisais des synthèses abruptes, en parlant, par exemple, de celtaoïsme. Je faisais des transpositions, des translations d'un monde à l'autre», L'ermitage des brumes, p. 39.

 

«J'ai longtemps imaginé quelque chose de semblable: une Asie de l'esprit, une maison atlantique celtaoïste», Lumières d'ombre. L'itinéraire du littoral normand, p. 46.

 

«On pense aussi à Powys au pays de Galles, se voulant celto-taoïste, tendant une main à Taliesin, l'autre à Tchouang-tseu», La figure du dehors, p. 206.

Commentaires

White affectionne les rapprochements surprenants, parfois extravagants, mais au-delà de ce qui peut passer pour un simple jeu de mots se dissimule une volonté de voir tout un champ de correspondances et des affinités électives entre des cultures et des courants de pensée a priori éloignés: «Devant les stèles de Chine, Segalen ne pouvait pas ne pas songer aux pierres levées de son pays natal. Et d'autres correspondances ont dû surgir dans son esprit. Si la Bretagne était une enclave de la France, n'était-elle pas encore plus un extrême promontoire de l'Asie? N'est-ce pas la Celtie qui, en Europe, a gardé le plus de traces de l'"Asie large espace"?», Victor Segalen et la Bretagne, p. 28.

Cf., Eloge de la grande celtitude, 1988 (repris dans Ecosse, le pays derrière les noms, dans le dernier chapitre: Sur une grève du Nord et dans Aux limites).

Voir aussi le chapitre «Un celte en Asie», dans La Figure du dehors, p. 198-211.

Cheminement critique

Marie-Luise Latsch, «Kenneth White et la pensée taoïste» dans Kenneth White et la géopoétique, p. 95-109; Régis Poulet, «Kenneth White et les religions asiatiques: un nietzschéen dans la bergerie», Revue des Ressources, novembre 2005.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Ecosse, le pays derrière les noms, p. 143; L'ermitage des brumes, p. 39; Eloge de la grande celtitude, p. 7; La figure du dehors, p. 206, 233; Lumières d'ombre. L'itinéraire du littoral normand, p. 46; La maison des marées, p. 202.

Celtitude

Définition

Identité celte: «[…] si je m'intéresse à la culture celte, si je me suis engagé dans une exploration du territoire celte, c'est parce que le celtisme, ou disons mieux le champ euro-celte, en dehors de toute celtomanie et je dirais aussi en dehors de toute celtitude, me semble offrir des perspectives qui peuvent inspirer nos recherches aujourd'hui, contribuer à la réalisation de notre désir, nous aider à retrouver le monde», IIIème millénaire, n°3, p. 24.

 

«Un terme comme "celtitude" me semble trop lourd, trop collant […] Je pense en terme de "monde blanc" plutôt que de celtitude. Le monde blanc est au centre de la culture celte, la celtitude est une notion socio-politique moderne, une attitude de défense, tout le contraire d'un élan originel», Le poète cosmographe, p. 77.

Citations

«L'intérêt du celtisme, c'est sa force fertilisante, et non pas une quelconque "celtitude"», La figure du dehors, p. 17.

 

«Ce que j'appelle la grande celtitude, c'est un exil, une anabase, une poétique du monde […]», Eloge de la grande celtitude, p. 5.

 

«Foucault tombe là dans le poncif légendaire et fantastique qui est supposé caractériser la "celtitude" et dans le genre de poésie tout à fait secondaire qui guette les philosophes quand ils se décident à sortir des limites de leur discipline», Victor Segalen et la Bretagne, p. 40.

 

«J'ai toujours parlé de "celtisme", mais on m'a présenté comme un porte-parole de la "celtitude" et, en tant que tel, ennemi de la culture gréco-latine, porte-drapeau de l'idée d'une race celte, alors que je n'ai jamais parlé que de pensée et de poétique et, sur le plan anthropologique, d'un groupement de peuples portant une même culture», extrait du discours de réception du Prix Breizh, 2006.

Commentaires

Dans une interview au magazine Lire, White prévient: «"Celtitude" est un mot qui ne fait pas partie de mon vocabulaire - trop flou, trop confus, comme l'esprit de la plupart des gens qui s'en servent», Le poète cosmographe, p. 110. Il précise son propos dans un article consacré à la Bretagne: «En me voyant m'établir en Bretagne, certaines personnes insinuaient que le "nomade" était en train de devenir sédentaire. Et pour d'autres, il était évident que, celte d'origine, je revenais à mes sources, je m'installais dans la celtitude. Je ne me donnais pas la peine de démentir. Il faut parfois laisser jaser. Enfin, mon manque d'intérêt pour un terme aussi général et fourre-tout que "celtitude" ne m'a pas empêché de donner à ma nouvelle demeure le nom de Gwenved, "monde blanc", qui est un terme très chargé dans l'ancienne culture celte», Géo, n°61, mars 1984, p. 39.

En 1988, Kenneth White a consacré un court essai à ce qu’il nomme la «grande celtitude» (Eloge de la grande celtitude, repris dans Ecosse, le pays derrière les noms et Aux limites).

Cheminement critique

Pierre Jamet, Le local et le global dans l'oeuvre de Kenneth White, p. 456-460; Michèle Duclos, Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 80-85.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Le chant du grand pays - Petit programme culturel, p. 23; Ecosse, le pays derrière les noms, p. 140, 142; Eloge de la grande celtitude, p. 5; La figure du dehors, p. 17; Le plateau de l'albatros, p. 14; Le poète cosmographe, p. 77-78, 110; Revue de belles-lettres, p. 82; Une stratégie paradoxale, p. 155; Victor Segalen et la Bretagne, p. 40; IIIème millénaire, n°3, p. 24; Geo, n°61, mars 1984, p. 39.

Champ blanc

Définition

«Dans mon vocabulaire à moi, le monde blanc, et là je parlais du monde blanc celte, ce qu'on appelle en gallois et en gaélique "Le champ blanc" ou le "monde blanc", dans mon vocabulaire à moi, le monde blanc signifie aussi tout ce monde blanc du Nord, qui va du Nord de l'Amérique d’un côté jusqu’au Nord de l’Asie, en passant par la Sibérie», Cosmose, p. 80.

Citations

«A côté de la masse "humaine" (trop humaine) et bariolée de la "littérature", il existe, depuis quelques années déjà, un champ blanc où se poursuit, loin des arènes bavardes, un "travail inhumain". Ce champ blanc n’est pourtant pas homogène, et si les "horribles travailleurs" du champ peuvent se reconnaître entre eux, il n’en reste pas moins que les différences plus ou moins subtiles importent tout autant que les ressemblances. Dans le blanc, il faut savoir distinguer», Une apocalypse tranquille, p. 89.

 

«A l'est / le soleil levant / au sud / les landes rouges / à l'ouest / le grand rivage / au nord / les champs blancs», Atlantica, p. 133 (et la note humoristique qui s'y rapporte: «Le "Champ blanc" existe topographiquement, tout près de chez moi (il y a parfois de ces coïncidences...)», Atlantica, p. 222).

 

«A huit kilomètres de la ville / se trouve un lieu-dit / le Champ blanc», Atlantica, p. 123.

 

«Et confronté à ce "monde blanc" auquel touche Segalen, il se rappellera, avec un frisson de reconnaissance peut-être, que le "paradis" celte, c'est à dire le champ de la vie portée à sa plus haute intensité, s'appelle en gallois gwenved (monde blanc) et en gaélique finn mag (champ blanc)», La figure du dehors, p. 211.

Commentaires

La dernière section d'Une apocalypse tranquille s'intitule «Le champ blanc» et comprend le texte: «La culture des oignons dans les champs du Nord», p. 212.

Cheminement critique

Robert Brechon: «J'imagine Kenneth White et Fernando Pessoa se rencontrant au bout de leur double navigation en sens contraire et poursuivant leur route ensemble, "d'île en île", jusqu'à celle où se trouve le "champ blanc" qui est à l'horizon de leur commun désir», Rivages, p. 71. Voir aussi Kenneth White et la géopoétique, p. 34.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Atlantica, p. 123, 133, 222; Une apocalypse tranquille, p. 89; La figure du dehors, p. 211; Cosmose, p. 80.

Champ du grand travail

Définition

«Ce que j'entends par "grand travail"? D’abord, la continuation de la "culturanalyse" qu'a commencée Nietzsche. Ensuite, les efforts à fournir pour arriver à un "champ" au-delà des cloisons qui se sont établies entre la poésie, la pensée et la science. Et puis encore, à l'intérieur de ce champ, ce qu'il faut faire pour arriver à l'expression de ce que la tradition chinoise a appelé ta wo (le grand moi, tout le contraire du petit ego mégalomane) et de ce que la tradition occidentale appelle homo maximus», Le poète cosmographe, p. 166.

 

«Le dehors rencontre le dedans quand l'être humain est conçu comme un système ouvert. Il faut, bien sûr, activer le système. En se mouvant dans le monde, qui est lui aussi un système ouvert. Il faut ensuite trouver un langage qui ne soit pas seulement une communication inter-humaine, mais une communication entre soi et l'univers. C'est tout cela que j'appelle le champ du grand travail», Le champ du grand travail, p. 124.

Citations

«Tout cela n’est guère facile. Créer un nouveau texte, un nouveau contexte, à partir de tous ces éléments, établir une cartographie et donner la sensation d'un terrain l'est encore moins. C'est pourtant là le champ du grand travail», Une stratégie paradoxale, p. 175.

 

«Ce qui est certain, c'est que c'est un tel "champ de travail nouveau" qui me préoccupe», Eloge de la grande celtitude, p. 16.

 

«Peut-on sortir maintenant de cette "longue nuit"? C'est possible - si nous avons fait assez de travail dans un champ qui n'est ni du ressort de la "pensée", ni de celui de la "foi". Le champ du grand travail. Une sorte de Labrador», La route bleue, p. 210.

 

«La pensée quitte le laboratoire pour le "champ du grand travail", abandonne les instruments pour s'abandonner de nouveau sur les voies ouvertes de l'intuition, en vue d'un monde à vivre et à dire», L'esprit nomade, p. 71.

 

«En littérature, soit on se rue vers les mangeoires et les râteliers, soit on essaie d'ouvrir, de maintenir ouvert, un grand champ. Toutes mes affinités électives évoluent dans ce grand champ», Lettres du Ponant, Terre de Brume, p. 171.

 

«Il y a une douzaine d'années, je voyageais le long de la côte nord du Saint-Laurent, en direction du Labrador, un espace qui me fascinait depuis longtemps, non seulement comme espace géographique, mais comme un champ de travail ("le champ du grand travail") - dans le mot même je lisais laborare et adorare», «Petit album nomade», p. 189.

 

«Le grand travail ne se fait plus que dans l'isolement, en quelque sorte, au-delà de la littérature», Le champ du grand travail, p. 13.

Commentaires

Le mot champ est très présent dans la langue de White (Champ ouvert, Champ d'énergie, Champ blanc, Champ matriciel...). C'est à travers l'expression «Champ du grand travail» qu'il trouve sa résonance la plus forte.

On pourra se référer à la quatrième partie d’Une stratégie paradoxale intitulée «Le Champ du grand travail», p. 167-252.

Le Champ du grand travail: c'est le titre également d'un recueil d'entretiens paru en 2002 (Entretiens avec Claude FINTZ, Didier Devillez Editeur, 2002).

Cheminement critique

Georges Amar: «Quel "grand travail" pourrait nous ouvrir une voie nouvelle, qui fasse tenir ensemble, sans en oublier aucun, science, art, économie, technique, éthique? Sans doute pas la recherche d'une théorie unitaire, vite devenue pseudo-mythe ou doctrine totalitaire», Cahiers de géopoétique, n°3, p. 10.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Le chant du grand pays - Petit programme culturel, p. 13, 28; L'ermitage des brumes, p. 83, 91; Eloge de la grande celtitude, p. 16; L'esprit nomade, p. 71, 289; Le champ du grand travail, p. 13, 15, 124; Le plateau de l'albatros, p. 187, 196; «Petit album nomade», p. 189; Le poète cosmographe, p. 118, 166; La route bleue, p. 210; Une stratégie paradoxale, p. 175, 198, 211, 234, 237; Lettre au CIRET, bulletin n°2, juin 1994; Lettres du Ponant, Terre de brume, p. 171.

Chaosmos, chaos-cosmos, cosmochaos

Définition

Néologisme (du grec, khaos, littéralement «faille, béance» et cosmos, l'univers).

 

«Si "monde" signifie le modèle fixe de perception et d'existence auquel le non-poète s'adapte plus ou moins pathologiquement, le poète vit et pense dans un chaos-cosmos, un chaosmos, toujours inachevé, qui est le produit de sa rencontre immédiate avec la terre et avec les choses de la terre, perçues non comme des objets, mais comme des présences», La figure du dehors, p. 53.

 

«Pour Plotin [...] eros est ce qui pousse vers la purification, ce qui tend vers la libération de l'esprit, ce qui mène à la réalisation du soi [...] ce qui conduit vers un contact direct avec la lumière, vers une densité spirituelle (cette lumière et cette densité étant figurées dans The Most Difficult Area par le quarz rose) [...] l'itinéraire d'un soi vers son sommet, dans un mouvement qui comprend à la fois eros et logos [...] dans un paysage où se manifeste un chaos-cosmos", in On Scottish Ground, p. 173 (traduit et cité par Michèle Duclos, Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 27).

Citations

«Je vais donc ainsi, chaos-cosmiquement, d'un roman écossais (Le maître de Ballantrae, La maison aux volets verts…) à un dictionnaire chinois, de là à une carte du Transcaspien…», La figure du dehors, p. 131.

 

«Le Passage du Nord-Ouest. Je feuillette les pages du livre. Le genre de pensée chaos-cosmique que j'aime. Je l’achète et me réfugie dans un café pour le lire», La route bleue, p. 91.

 

«Peu importe, de toute façon, qu'il soit question de littérature ou de sculpture, avant tout il s'agit d'approfondissement et d'expansion, il s'agit d'expérimenter, pas à pas, passage après passage, la sensation de la vie sur terre, d'exprimer une conception du monde, et d'indiquer le rapport le plus dense, le plus subtil possible entre l'esprit humain et le chaosmos. C'est tout cela qui est en jeu dans l'art plastique géopoétique», Le plateau de l'albatros, p. 121.

 

«Pendant que je dégustais mon café / (tout un fatras d’histoire dans le dos) / je suivais d'un regard apaisé / le poème cosmochaotique / que les vagues bleues calligraphiaient», Les rives du silence, p. 39.

Commentaires

James Joyce a forgé le terme dans Finnegans Wake (1939), une des références poétiques majeures pour White (cf. Une apocalypse tranquille, p. 150): «O parce que, Soferim Bebel, s’il faut tout dire pour en arriver là, (et la rumeur mansarde va le crier sur les toits de façon non moins rembrunie que l’inscription sur le mur aux passants de la grand’rue) chaque personne, lieu, et chose appartenant au Tout de ce Chaosmos et relié en quelque façon à cette turquerie picaresque se meut et change à chaque instant du temps […]», James Joyce, Finnegans Wake, traduction de Philippe Lavergne, Gallimard, coll. «Folio», Paris, 2010, p. 187.

Cheminement critique

«Il n'est pas accidentel que simultanément et en toute indépendance Edgar Morin et Kenneth White traduisent par le mot-valise "chaosmos" le dépassement ontologique de l'ordre et du désordre qui caractérise la cosmologie postquantique», Michèle Duclos, Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 242. Voir aussi Le monde ouvert de Kenneth White, p. 54.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Une apocalypse tranquille, p. 219; Déambulations dans l'espace nomade, p. 22; L'esprit nomade, p. 196, 232; La figure du dehors, p. 53, 131; Les finisterres de l'esprit, p. 54; Hokusaï ou l'horizon sensible, p. 118; Limites et marges, p. 69; Le monde d'Antonin Artaud, p. 81; Le plateau de l'albatros, p. 121; Le poète cosmographe, p. 71; La route bleue, p. 91; Les rives du silence, p. 39; Une stratégie paradoxale, p. 126; Segalen, théorie et pratique du voyage, p. 30; Cahiers de géopoétique, n°4, p. 23; In'hui, p. 9.

Chaoticisme

Définition

Néologisme (du grec, khaos, littéralement «faille, béance»).

 

«Dans toutes les cosmogonies, le chaos précède le cosmos (bel ensemble ordonné) et, pour se renouveler, le cosmos doit s'y replonger de temps en temps. Le romantisme est "chaotique" par rapport au classicisme. La géopoétique n'est ni une cosmogonie ni un romantisme. Pour elle, le cosmos lui-même est chaotique. Elle travaille dans le chaos-cosmos, le chaosmos. Dans la cosmologie du XXème siècle, le chaos revient au galop: ordre dans le désordre, désordre dans l'ordre. Ce qui fut chez White une intuition poétique rejoint donc les travaux scientifiques les plus récents. Voir, par exemple, "Le manifeste chaoticiste", in Atlantica», «Lexique géopoétique», Poésie 98, octobre, n°74, p. 17.

 

«J'ai utilisé ce mot de "chaoticisme" pour la première fois en 1967, dans Le grand rivage. Il s'agit d'un ordre dans le désordre, un ordre ouvert, dansant qui contient le chaos», Rivages, p. 18.

Citations

«"Qu’est-ce que le chaoticisme, monsieur White?" Un besoin de mots qui transmettent énergie et espace. Le bond dans une autre logique. Eroto-cosmologie», La route bleue, p. 93.

 

«J’ai parlé aussi du "chaoticisme" - la pensée d’une danse difficile entre chaos et cosmos», Goéland, Atlantique Nord, n°1, printemps 2003, p. 15.

 

«Je préfère parler […] de chaoticisme. Ce qui est en jeu, c'est une sensation d'univers. Il s'agit [...] de prendre conscience de l'agrandissement et de la singularisation de notre univers-multivers, [...] d'entretenir un sens de l'immensité et de l'incommensurable (sans la frayeur de Pascal), un sens de la relativité et de la topologie», L'esprit nomade, p. 274.

 

«Il s'agit, en gros, de l'ordre dans le désordre, ou de quelque cohérence inédite dans le champ anarchique», Atlantica, p. 222.

 

«J'aime aussi briser un texte, que ce ne soit pas toujours le même qui parle; ça fait partie du chaoticisme!», Rivages, p. 18.

Commentaires

Dans Géopoétique et sciences humaines, White précise que le terme chaoticisme a été créé «bien avant l’engouement socioculturel pour "le chaos"», Géopoétique et sciences humaines, coll. «Latitudes», n°6, p. 30.

 

Dans les notes à la réédition de Terre de diamant, Kenneth White raconte cette anecdote digne d'un koan zen: «Un jour, quelqu'un m'a arrêté dans la rue à Paris en me disant: "Qu'est-ce que le chaoticisme, monsieur White?" Ce jour là j'avais répondu, avec un rire: "Le chaoticisme, c'est moi!" Une réponse plus théorique, plus objective serait sûrement possible. Mais, en fait, dans le chaoticisme, il n'y a ni sujet ni objet, ni réalisme ni idéalisme. Quoi alors? Oh là là, ça n'a pas vraiment de nom. C'est pour cela que j'invente des mots fous et que j'écris des poèmes», Terre de diamant, p. 258. Voir dans Atlantica le poème «Le manifeste chaoticiste» (p. 173) et le chapitre de L’esprit nomade intitulé «Cosmologie chaoticiste», p. 272.

Cheminement critique

Olivier Delbard: «C'est tout le sens du néologisme "chaoticisme": cette réalité chaotique première est la source même de la cohérence du monde; c'est du lumineux chaos des éléments que surgit la cohérence primordiale donnant sens à la présence de l'homme au monde», Les lieux de Kenneth White, p. 261. Voir aussi Autour de Kenneth White, p. 58; Les lieux de Kenneth White, p. 30, 261; Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 242, 247; Le monde ouvert de Kenneth White, p. 61.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Atlantica, p. 7, 125, 173, 222; Une apocalypse tranquille, p. 17; Dialogue avec Deleuze, p. 28; Déambulations dans l'espace nomade, p. 42; L'ermitage des brumes, p. 95; L'esprit nomade, p. 272, 274; Hokusaï ou l'horizon sensible, p. 111; Le champ du grand travail, p. 132; Le lieu et la parole, p. 12; Le monde d'Antonin Artaud, p. 159; Le plateau de l'albatros, p. 51; La route bleue, p. 93; Les rives du silence, p. 269; Terre de diamant, p. 258; Goéland, Atlantique nord, n°1, printemps 2003, p. 15; Poésie 98, octobre, n°74, p. 17; Rivages, p. 18.

Chemin étroit vers le Nord profond

Définition

Référence à l'ouvrage de Matsuo Bashō, Oku no hosomichi, Le Chemin étroit vers le Nord profond: «J'éprouve d'ailleurs beaucoup de réticences à nommer cet autre espace vers lequel je tends. Quelquefois, j'utilise volontairement des termes géographiques: l'Asie, le Labrador, le "chemin du nord profond"... Ce ne sont bien sûr que des métaphores, car ce tertium quid demeure difficile à cerner...», Le poète cosmographe, p. 131.

Citations

«Bashō pense aux voyages qu'il a relatés dans ces merveilleux petits livres que sont Nozarishi Kikō (Dussent blanchir mes os), Kashimo Kikō (Notes d'un voyage à Kashimo), Oi no Kobumi (le Carnet de la hotte), Sarashina Kikō (Notes d'un voyage à Sarashina) et, surtout Oku no hosomichi (le Chemin étroit vers le Nord profond). Et, assis là, dans l'ermitage de Genjū, il regarde sa vie», La route bleue, p. 143.

 

«Ces signes bleus me remettent sur le chemin profond», La route bleue, p. 209.

 

«J'ai plaisir aussi à citer ces lignes qui se trouvent au début de son Oku no Hosomichi ("le Chemin étroit vers le Nord profond"): "Un grand nombre des anciens sont morts sur la route. Moi aussi je suis tenté par le vent. En ce moment je rêve de la pleine lune se levant sur les îles de Matsushima"», Terre de diamant, Grasset, p. 262.

Commentaires

Jean-Clarence Lambert a établi la filiation qui existe entre Bashō et White: «Ton Nord a de plus en plus tiré vers l'Orient extrême. Si bien qu'on peut finalement te décrire, toi fils d'un cheminot de Glasgow, comme une façon de Bashō d'aujourd'hui, un Bashō des grandes villes, et donner à ton oeuvre ce même titre (ou sous-titre) de Sentier étroit vers le Nord profond qui appartient à notre merveilleux maître du haïkaï, qui s'appela successivement Kinsaku, Toshichiro, Chuemon, Sobo, Tosei avant de s'arrêter, en 1680, à Bashō, c'est à dire Banane», In'hui, p. 28.

Cheminement critique

«White décide de partir pour le Japon à l'automne 1985: ce voyage qu'il décide de commencer à Tokyo pour aller jusqu'à la pointe du Hokkaido constitue le récit des Cygnes Sauvages. Ce voyage est d'abord pour lui un pèlerinage: sa motivation première est de suivre les pas de Matsuo Bashō qui partit pour les "régions du Nord" en 1689, cinq ans avant sa mort. Bashō, déjà affaibli, partit donc à l'âge de quarante-cinq ans vers le Nord, c'est à dire à son époque le Nord de Honshu, ce qui constitue aujourd'hui la province d'Aomori. Ce dernier grand voyage fut également pour lui un pèlerinage: il voulait en effet visiter les lieux parcourus des siècles plus tôt par Saigyô, puis Sôgi. Ce voyage d'une durée de cinq mois a été consigné par Bashô sous forme de récit parsemé de haïkus, et Oku-no-Hosomichi, "La sente étroite du Nord profond", est sans aucun doute l'écrit le plus important de Bashō», Olivier Delbard, Les lieux de Kenneth White, p. 98.

 

Le chemin du Nord profond, c'est aussi le titre d'un film tourné avec François Reichenbach, retraçant le périple japonais de White (cf. Magazine littéraire, Spécial Japon, n°216-217, mars 1985, p. 69). A ce sujet voir Olivier Delbard, «Les "signes sauvages" du Japon» dans Le monde ouvert de Kenneth White, p. 210. Voir aussi Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 182-186, 202; Les lieux de Kenneth White, p. 96-107.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Les cygnes sauvages, p. 54, 58; L'ermitage des brumes, p. 75; L'esprit nomade, p. 265; Lettres de Gourgounel (1986), p. 19; Le plateau de l'albatros, p. 109; Le poète cosmographe, p. 131; La route bleue, p. 143, 209; Le rôdeur des confins, p. 10; Terre de diamant, p. 262.

Conscience cosmique

Définition

«C'est pour cela qu'un certain orient, qu'une certaine culture amérindienne m'intéressent… car ce que nous avons perdu, c'est peut-être la conscience cosmique. Nous vivons avec une conscience personnelle, enfermée sur elle-même, qui a besoin d'une extase, d'une transcendance verticale pour sortir de soi. Par rapport à cette conscience personnelle angoissée qui a besoin, soit de se socialiser, pour sentir une espèce d'humanitarisme, soit de se verticaliser dans un transcendantalisme, j'essaie de pratiquer une conscience qui dépasse la personne, de sorte que l'on ne vit pas avec une conscience de sa personne séparée des autres et du monde, mais dans la sensation d'une présence plénière», Fanal, p. 8.

 

«Et la conscience cosmique, où il n'y a pas de séparation entre le moi et le monde, entre la res extensa et la res cogitans, mais une expérience continue», Au pays du silence, 1982, préface, p. 8.

Citations

«C'est cet élargissement de la conscience dont je parlais tout à l'heure, conscience cosmique disons, et c'est ça le travail que j'entreprenais: un élargissement de la conscience»; «Culture planétaire et conscience cosmique, je crois qu'avec ça, avec ces deux notions on arrive un tout petit peu à définir ce que j'entends par nomadisme intellectuel qui est un grand poème, un grand champ», Cosmose, printemps 1980, n°10-11, p. 67, 73.

 

«A partir de la matière du monde, et de la matière du langage, inséparables l'un de l'autre, à partir de ce que Bachelard appelle l'imagination matérielle, nous allons à une conscience cosmique, "délivrés du chaos microscopique humain" et de ses concepts étroits», L'esprit nomade, p. 126.

 

«Et la conscience cosmique, où il n'a y pas de séparation entre le moi et le monde, mais une expérience continue», Une apocalypse tranquille, p. 42.

 

«Dans mes propres développements, j'avais moi-même pris mes distances vis-à-vis de l'Être ou du Sujet, et si la question de la "totalité" continuait à m'intéresser (notamment du côté de la "conscience cosmique" de certains poètes et de la cosmologie relativiste et quantique), ce n'était déjà plus le "Tout" classique», Dialogue avec Deleuze, p. 20.

 

«L'Orient, le vieil Orient, se préoccupe de savoir comment retourner à l'océan ou, du moins, de trouver à cela un substitut quelconque: conscience cosmique, nirvana», Le visage du vent d'est, p. 195.

Commentaires

«White dit avoir emprunté cette appellation au premier biographe de Whitman, Richard Bucke, auteur de Cosmic Consciousness, A Study in the Evolution of the Human Mind, édité par Richard M. Bucke, Innes and Sons, Philadelphie, 1905, traduction française de M. A. Dionne, Éditions du IIIème Millénaire, 1989, La conscience cosmique, une étude sur l'évolution de la conscience humaine», Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 230. Dans une interview, l’auteur précise: «Dans ce même village [n.b.: Fairlie, village d'enfance de White], vivait à l'époque un vieux naturaliste, grand admirateur de Thoreau […]. C'est chez lui que j'ai trouvé certains livres sacrés de l'Inde, parmi lesquels la Bhagavad Gîta. Ce vieil homme était non seulement un Thoreauvien, mais aussi un ami de Ghandi qui, entre parenthèses, lui enviait la simplicité de son régime. Il me prêtait aussi des livres spiritualistes et orientalisants: In Tune with the Infinite, d'un nommé Trine, Cosmic Consciousness, de Richard Bucke qui était un disciple de Whitman, The Light of Asia, d’Edwin Arnold…», Filigrane 2, p. 107.

Cheminement critique

«La psyché celte est multiple, contradictoire et ouverte sur le cosmos. Il ne s'agit évidemment pas de métempsychose mais de ce que White appelle "conscience cosmique", et qu'après Ferenczi il évoque comme un "sentiment océanique" qui est à ses yeux caractéristique du tempérament celte. Mais dont il précise qu'elle est au cœur d'autres grandes cultures planétaires», Michèle Duclos, Horizons de Kenneth White, p. 20. Michèle Duclos note ailleurs que la conscience cosmique est parfois chez White «baptisée "blanche" ou "nomade"», Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 230.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Une apocalypse tranquille, p. 42, 110, 146; La carte de Guido, p. 60; Dialogue avec Deleuze, p. 20; Ecosse, p. 12; L'esprit nomade, p. 126, 141, 154; Les limbes incandescents, p. 97; Le lieu et la parole, p. 46; Le plateau de l'albatros, p. 235; Le poète cosmographe, p. 57, 99, 152, 187; Le rôdeur des confins, p. 147; Une stratégie paradoxale, p. 116; Le visage du vent d'est, p. 195; Cosmose, n°10-11, p. 67, 73; Fanal, p. 8; Au pays du silence, 1982, préface, p. 8; T. Hardy, Loin de la foule déchaînée, préface, p. 8.

Corps-Esprit

Définition

«Ce qui, entre autres, distingue la pensée poétique de la philosophie, c'est qu'il s'agit d'une vision fraîche de la vie plutôt que d'une spéculation sur la vie, et qu'elle provient, non de l'esprit seul (qui peut inventer n'importe quoi), mais du corps et de l'esprit, ou, disons mieux, du corps-esprit: on n'y fait pas abstraction du contact, de la connexion, on n'y fait pas l'économie d'une certaine vivacité existentielle», Le chemin des crêtes, p. 29.

 

«Donc, disons que la géopoétique commence avec un corps en mouvement dans un espace. Mais l'activité du corps-esprit est complexe et son activité optimale, maximale, dépend de tout un concours de facteurs: la nourriture que l'on absorbe, l'air que l'on respire, l'espace dans lequel on évolue, le genre de mouvement que l'on pratique, la façon de penser. Tout au long de mon itinéraire, j'ai essayé de trouver les meilleures conditions, la meilleure action, sur tous ces plans», Le champ du grand travail, p. 84-85.

Citations

«J'ai parlé de n'être rien: il est une densité qui permet à celui qui en est porteur de se passer d'identité - son être est un idéogramme. Cela signifie peut-être que j'ai placé mon identité à une telle profondeur que ce que l'on nomme réalité me semble, pour sa plus grande part, tout à fait irréel, pur spectacle. Ce qui me fascine, c'est un corps-esprit éclatant dans la lumière, ou la lumière inondant un corps-esprit», Le visage du vent d'est, p. 44.

 

«Toute vérité à la fin / contenue dans le corps / dans le corps-esprit / os verbe image chair / "l’accent vrai du cœur"», Mahamudra, p. 113.

 

«Essayons donc d'entrer maintenant, corps-esprit, en géopoétique», Le champ du grand travail, p. 84.

 

«Dérives… une fois quittées les rives de notre culture, l'existence n'a plus d'amarres. Dérives du corps-esprit, vers... quoi?», incipit de Dérives, p. 9.

 

«Et je pensais à la logique de l'itinéraire rimbaldien, à la géologie, à la géographie d'un corps-esprit», Les affinités extrêmes, p. 28.

 

«Le questionnement d'Atlan, qui va devenir quête mystique, puis danse du corps-esprit parmi les formes et les couleurs…», ATLAN, Catalogue raisonné, Gallimard, 1996, p. 57.

Commentaires

Dans un essai consacré aux Grands Sites de France, intitulé Voir Grand, White paraphrase John Muir, fondateur des parcs nationaux américains: «De plus en plus, disait-il en parlant publiquement de cette expérience, les esprits (corps-esprits) fatigués, usés, apathiques, sur-civilisés, auraient besoin de se ressourcer, de se re-créer, et pour cela il fallait réserver des espaces naturels, car ce n’est que dans la nature que l’on renaît», Voir Grand, Panorama des grands sites, en collaboration avec Jacques Maigne, Actes Sud, Réseau des Grands Sites de France, 2007, p. 67.

Cheminement critique

«Devenu "corps-esprit", le poète échappe à l'aporie de la métaphysique. C'est de ce "corps-esprit" qu'il s'agit de communiquer les sensations dans toute leur vivacité sans recourir aux procédés rhétoriques ou descriptifs habituels qui en bloquent l'intensité», Michèle Duclos, Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 231.

Sur les rapports du corps et de l'esprit en géopoétique cf. Le champ du grand travail, p. 82-87. Voir aussi Pierre Jamet, Le local et le global dans l'oeuvre de Kenneth White, p. 316-320.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Atlantica, p. 179; Les affinités extrêmes, p. 28; Le chemin des crêtes, p. 29; Dérives, p. 9; Ecosse, le pays derrière les noms, p. 82; La figure du dehors, p. 86, 113; Finistère, ou le territoire de l'extrême, p. 60; Les limbes incandescents, p. 144; Le champ du grand travail, p. 82, 84-85; Mahamudra, p. 113; La maison des marées, p. 98; Le plateau de l'albatros, p. 113, 194; Le poète cosmographe, p. 31, 35, 143; Richard Texier. Latitude atlantique, p. 34; Une stratégie paradoxale, p. 29; Le visage du vent d'est, p. 44; In'hui, p. 4-5; B. Lévy et A. Gillet (dir.), Marche et paysage, p. 254.

Cosmo-comédie

Définition

Néologisme.

 

Vision et approche joviales, décomplexées et jouissives de l'Univers: «L’autre jour un étudiant d’origine juive me parlait de quelque chose qui s’appelle, chez les rabbins talmudistes, un pilpil. Lorsque les rabbins discutent du Talmud, quand il y a une vraie discussion, quand ça s’échauffe, il paraît que les anges eux-mêmes se penchent aux fenêtres du ciel afin d’en capter quelques bribes – parce qu’ils n’ont pas ce plaisir. Alors ce soir je voudrais qu'il y ait un peu de cet aspect de pilpil ou, pour changer de culture et de civilisation, un aspect de Bosquet des bambous chez les taoïstes chinois, et qu'il y ait un rire dans l'air, un rire que j'appellerai un rire blanc, le rire blanc de la cosmo-comédie. Ne pourrait-on pas envisager la création d'une série de séminaires du gai savoir?», Goéland, Atlantique Nord, n°1, printemps 2003, p. 11.

 

«Ma poésie est ce territoire blanc: une Finlande… ou un Himalaya. Disons pour laisser tomber les métaphores: une atopie. On y est sans illusion, sans espoir, mais on y rit beaucoup. C’est le gai savoir surnihiliste, la cosmo-comédie», Le poète cosmographe, p. 71.

Citations

«Ne peut-on envisager de sortir du tragique existentiel - vers, disons, une cosmo-comédie?», Une apocalypse tranquille, p. 93.

 

«De métropole de la mort dans Gens de Dublin, de labyrinthe dans le Portrait de l'artiste, d'espace océanique dans Ulysse, Dublin, ici dans Finnegans Wake, devient cosmos, un cosmos hilare, une énorme cosmo-comédie», Une apocalypse tranquille, p. 157.

 

«C'est en riant qu'il faut aborder les maîtres, car les maîtres du Tao sont les maîtres du rire. Rien, ici, de l'esprit de lourdeur, nous sommes en pleine cosmo-comédie», Une apocalypse tranquille, p. 200.

 

«Mais les résistances sont fortes (résistances psycho-sociales) et les caricatures de la pensée que j'essaie de propager nombreuses. Ça ne va pas tout seul. Mais je n'ai rien d'un missionnaire (il y a trop de rire en moi pour ça, un sens de la cosmo-comédie), alors je ne m'en fais pas trop. Je dirais même que je m’en moque. J’ai un fond d’indifférence absolue auquel je reviens de temps en temps», Le poète cosmographe, p. 143.

Commentaires

Dans son essai consacré à Hokusaï, White évoque le gai savoir du maître japonais: «Cela fait, en effet, encore un bel album. Et si l'on n’y apprend pas à danser, on y apprend autre chose, comme toujours chez "le vieux fou de dessin", l'esprit des choses - l'esprit de la comédie cosmique», Hokusaï ou l'horizon sensible, p. 79.

 

Dans Le rôdeur des confins, l’auteur qualifie Kierkegaard de «comédien cosmique» (p. 29) et son propre grand-père de «cosmo-comédien» dans La carte de Guido (p. 11).

Cheminement critique

«Dans la cosmo-comédie de la blancheur qui se joue entre le poète et la nature intervient un troisième acteur, le langage, qui ouvre un vécu individuel sur le collectif, fait du poète qui en porte l'appellation archaïque, première, le messager chamanique par "la coïncidence du nom" (La figure du dehors, p. 21)», Michèle Duclos, Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 38.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Approches du monde blanc, p. 31; Une apocalypse tranquille, p. 93, 157, 200; La figure du dehors, p. 19; Mahamudra, p. 95; Le poète cosmographe, p. 71, 143; Goéland, Atlantique Nord, n°1, printemps 2003, p. 11.

Cosmoculture

Définition

«"A quoi bon être poète en un temps de manque? " se demandait Hölderlin en Allemagne […] Je ne vois que deux réponses possibles: pour maintenir une certaine affirmation personnelle face à tout le gâchis, et pour garder vivant un archipel de vie et de pensée au milieu de la platitude générale, en attendant peut-être, de transformer celle-ci. Ça commence par le désir de sortir d'une sclérose et de tout le poids de la médiocratisation, ça passe par des dérives, ça débouche sur des définitions inédites, et ça finit par un nouveau "chez soi" dans l'univers, avec des colorations locales certes (on vit toujours selon des modalités – françaises par exemple), mais sans bêtise bornée. C'est ça que j'appelle cosmoculture. Ce travail est en train de se faire aujourd’hui en France, d’une manière peut-être encore souterraine, mais sûrement», Une stratégie paradoxale, p. 165.

Citations

«Tournons les pages de la littérature mondiale (la Weltliteratur de Goethe), ouvrons le volume clos de la cosmoculture», Eloge de la grande celtitude, p. 15.

 

«L'écologie serait peut-être une étape vers la cosmoculture», Le poète cosmographe, p. 158.

Commentaires

Dans le vocabulaire de l’auteur, la notion de cosmoculture est à classer parmi les nombreuses notions qui préfigurent la géopoétique.

 

En ce qui concerne la définition de la culture, on peut se référer à l’essai en ligne sur l’Archipel: K. White, Considérations premières sur la culture, (http://www.geopoetique.net/archipel_fr/institut/introgeopoetique/textes_...).

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Eloge de la grande celtitude, p. 15; Le poète cosmographe, p. 158; Une stratégie paradoxale, p. 165.

Cosmographie

Définition

Littéralement, écriture du cosmos (du grec).

 

«Quant à ce que j'appelle "cosmographie", Artaud la trouve et dans la peinture et dans le théâtre oriental où il constate une valeur expansive; par opposition au théâtre occidental, avec son monde clos, le théâtre oriental est réconcilié à l'univers, il "participe à la poésie intense de la nature" et "conserve ses relations magiques avec tous les degrés objectifs du magnétisme universel"», Le monde d'Antonin Artaud, p. 86 [les citations entre guillemets sont d'Antonin Artaud].

Citations

«A la fois limite et ouverture, aire de résistance et de dissipation, ligne définissante et invitation au vide, la côte est sans doute le lieu par excellence d'une poétique de l'énergie, d'une cosmographie en action, d'une méditation mouvante», Les rives du silence, p. 7.

 

 

«Peut-être suis-je plus intéressé que Montaigne par une "cosmographie" (mais dans laquelle entre beaucoup de bio-graphie, beaucoup d'auto-poétique). Peut-être suis-je plus intéressé par les phénomènes qui se manifestent autour du "moi", et par la continuation des dérives de l’esprit au-delà du contexte humaniste», Le monde ouvert de Kenneth White, p. 27.

 

«[...] Toute biographie d'artiste se doit d'être une biocosmopoétique, toute critique d'art une cosmographie», ATLAN, Catalogue raisonné, Gallimard, 1996, p. 37.

 

«S'il a toutes les allures d'une monographie, ce livre est en fait une cosmographie. Pendant une grande partie de son cheminement, tout en indiquant l’œuvre en permanence, il n’en parle pas directement. Il ouvre un contexte dans lequel l’œuvre se situe, et attire sur elle l’attention du lecteur devenue au fur et à mesure de la lecture, de plus en plus "atlantique"», Richard Texier. Latitude atlantique, p. 4.

Commentaires

White a apporté la précision suivante concernant le sens du terme cosmographe:

 

«Ici, la cosmopoétique devient plus précisément géopoétique (les deux "voies et voix" ne sont évidemment pas séparables - n'oublions pas qu'au XVIème siècle "cosmographe" signifie "géographe", et si je dis "géopoétique" plutôt que "cosmopoétique", c'est pour indiquer que le cheminement a lieu dans l'espace terrestre plutôt que dans l'espace lunaire ou martien, mais on peut évidemment marcher sur un chemin terrestre avec un "esprit cosmique)"», Le plateau de l'albatros, p. 35.

 

Un recueil d'entretiens paru aux Presses Universitaires de Bordeaux s'intitule d’ailleurs: Le poète cosmographe (PUB, 1987).

Référence (voir aussi)

Principales occurences

ATLAN, Catalogue raisonné, Gallimard, 1996, p. 37; Le monde d'Antonin Artaud, p. 86; Le monde ouvert de Kenneth White, p. 27; Les rives du silence, p. 7; Richard Texier. Latitude atlantique, p. 4.

Cosmopoétique, cosmopoème, cosmopoéticien

Définition

Néologisme (du grec).

 

La cosmopoétique établit un nouveau rapport au monde, à l'univers: «C'est de ces retrouvailles du dedans et du dehors (corps et cosmos, pensée et planète) que naîtrait la cosmopoétique», Le monde d'Antonin Artaud, p. 161.

 

Cosmo-poème (à propos d’un ouvrage de Victor Segalen): «Si Les Immémoriaux est un roman ethnologique, c'est aussi un grand opéra - crépuscule des dieux polynésiens, chant du cygne d'une culture - et, au-delà aussi de cela, c'est un cosmo-poème qui, tout en offrant un spectacle complet des hommes et des choses, pousse les choses et les êtres jusque dans leur principe», Les finisterres de l'esprit, p. 20.

Citations

«Mais il me semblait qu'il y avait un "testament" plus ancien encore: celui que j'allais, avec le temps et après avoir élaboré un vocabulaire à mon usage, appeler "cosmopoétique"», Une stratégie paradoxale, p. 158.

 

«Il nous semble tout aussi sûr que, quelle que soit notre attirance, quels que soient le profit et le plaisir que nous puissions avoir à les étudier, certains moments de haute culture cosmopoétique qui ont eu lieu de par le monde ne soient vivables pour nous que sous la forme d'imitations et de mises en scène factices», L'esprit nomade, p. 69.

 

A propos de l’œuvre de Powys : «Mais avant de voir la manière dont ce drame [...] trouve sa résolution dans une sorte de cosmodanse ou de cosmopoème, il nous faut examiner les deux couches qui recouvrent la conscience nue du moi…», L'esprit nomade, p. 168.

 

«On pourrait dire que si l'homme est, comme le disait Aristote, un animal politique, il est aussi, et sans doute avant tout, un animal cosmopoétique», préface, Nicolaï Kantchev, Comme un grain de Sénevé, Actes Sud, 1987, p. 8.

 

«Peu d'artistes / de poètes, de penseurs / de quelque envergure / peuvent se passer du vocabulaire cosmopoétique», Les rives du silence, p. 279.

Commentaires

Dans Le testament du littoral (Les rives du silence), White évoque le fait d'avoir retrouvé le mot «cosmopoétique» chez Képler et approfondit le sens que prend pour lui cette  notion. C'est la figure d'un autre grand astronome qu'il convoque ailleurs en affirmant avec humour être «le Newton de la Cosmopoétique» (Le poète cosmographe, p. 183). Ce contexte est à l'origine peut-être du poème extrait du même recueil et qui a pour titre Tractatus Cosmo-poeticus (Les rives du silence, p. 213).

 

Le terme est également le titre d'un chapitre de L’esprit nomade (p. 180) et est présent dans le sous-titre de l'essai consacré à Artaud: «Pour une culture cosmopoétique». On le trouve cité dans le Texte inaugural de l'Institut international de géopoétique.

 

Dans l'essai qu'il consacre à la géopoétique, l’auteur distingue les deux notions: «Ici, la cosmopoétique devient plus précisément géopoétique (les deux "voies et voix" ne sont évidemment pas séparables […]», Le plateau de l'albatros, p. 35.

Cheminement critique

Jean-Jacques Wunenburger, «Le désert et l'imagination cosmopoétique», in Cahiers de géopoétique. Géographie de la culture - espace, existence, expression, série «Colloques», octobre 1991, p. 37-43; Claude Fintz, «Le monde blanc de Kenneth White, ou la quête d'une identité cosmopoétique», Passerelles, n°7, 1993.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Les affinités extrêmes, p. 13, 195; Aux limites, p. 21; Une apocalypse tranquille, p. 14, 42; Corsica, p. 25-26; Ecosse, le pays derrière les noms, p. 88; L'esprit nomade, p. 17, 46, 69, 133, 159, 168, 252; Les finisterres de l'esprit, p. 20; Hokusaï ou l'horizon sensible, p. 12, 68, 92; Le champ du grand travail, p. 80; Limites et marges, p. 51; Le lieu et la parole, p. 28, 135; Le monde d'Antonin Artaud, p. 100, 153, 161; La maison des marées, p. 67; Le plateau de l'albatros, p. 15, 35, 99, 219, 288, 362; Le poète cosmographe, p. 183, 194; Les rives du silence, p. 263, 269-291; Une stratégie paradoxale, p. 15, 158, 161, 230, 252.

Culturanalyse, culture-analyse

Définition

Néologisme (du latin, cultura, «culture» au sens agricole, et analyser, du grec analuō, démêler, enquêter).

 

Analyse culturelle radicale et profonde: «Les temps sont peut-être mûrs à la fois pour une analyse culturelle radicale (une "culturanalyse" comme on dit "psychanalyse") et pour une revivification, une nouvelle inspiration», Une stratégie paradoxale, p. 236.

Citations

«Tandis qu'officiellement et en surface / j'enseignais les "langue et littérature anglaises" / je me plongeai en réalité / dans la culture-analyse / et la question de l'expression», Limites et marges, p. 19.

 

«J'aurai sans doute besoin d'y revenir, d'ailleurs, je veux dire sur ma naissance écossaise. Cultureanalyse... Un peu comme Joyce avec l'Irlande», Le poète cosmographe, p. 104.

 

«Si on savait tout ce qu'il y a dans nos "natures", on rirait de nos "papiers d'identité"! Et le discours national... Si on quitte les boulevards définis et si l'on suit les courants souterrains, le paysage devient nettement plus intéressant. Cultureanalyse, relativité culturelle...», Incisions III, p. 71.

 

«Je me dis parfois, certains soirs dans mon ermitage des brumes, qu'une Asie ressaisie, ressourcée, alliée à une Europe qui aurait surmonté son histoire et fait sa culturanalyse, pourrait être le point de départ d'un vrai nouveau monde», L'ermitage des brumes, p. 92.

Commentaires

Le devancier capital est encore une fois Nietzsche: «Nietzsche entreprend une culturanalyse profonde de l'Occident, prévoyant la suite de crises que nous avons connue, et dont nous ne sommes pas sortis», Une stratégie paradoxale, p. 204.

 

Notons qu'Edgar Morin a utilisé le terme dès la fin des années 60 dans un sens sociologique. White l’utilise dans un sens poétique et fondamental (cf. Edgar Morin, «De la cultureanalyse à la politique culturelle», Communications, n°14, 1969, p. 5-38).

Cheminement critique

«Pour dépasser la métaphysique et la logique dualistes, White se réfère au sociologue allemand Frobenius qui, dès 1940 dans son ouvrage Le destin des civilisations, prédit la sortie de la modernité métaphysique par un dépassement (et White le suit sur ce terrain), "du réalisme anglais, du matérialisme américain et du rationalisme français" qui trament la pensée scientifique et philosophique occidentale moderne. Ce dépassement se manifeste par des "frémissements" que Frobenius explicite aussi comme une "intuition directe". Frobenius parle de "paideuma" là où White forge le terme "culturanalyse" (L'esprit nomade, p. 44 et 50)», Michèle Duclos, Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 227.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Le chant du grand pays - Petit programme culturel, p. 12; L'ermitage des brumes, p. 92; L'esprit nomade, p. 28; Limites et marges, p. 19; Le monde d'Antonin Artaud, p. 165; Le poète cosmographe, p. 104, 166; Une stratégie paradoxale, p. 204, 236; Incisions III, p. 71; Voir grand. Panorama des Grands Sites, en collaboration avec Jacques Maigne, Actes Sud, Réseau des Grands Sites de France, 2007, p. 77.