Feathered Egg, l'Oeuf à plumes
Définition
Troisième revue fondée par Kenneth White (deux livraisons). «Ce dans quoi nous nous sommes engagés, à tout moment, dans tout lieu, en particulier ici maintenant avec L'Œuf à Plumes, c'est l'ouverture de perspectives et d'un champ d'énergie […]. Ce qui nous intéresse, c'est cet arrière-plan (ce champ, ces perspectives) - ce qui est une autre façon de dire une culture», «Eggitorial», The Feathered Egg, n°1, avril 1972.
Citations
«A l'université de Glasgow, j'ai fondé le "Jargon Group". Le titre était un peu ironique et faisait référence à une phrase de Henry Miller: "le jargon des anges et des exclus"… J'ai collaboré aussi à un groupe para-situationniste de Londres, le groupe "Sigma". J'essayais de propager certaines idées et j'ai très vite remarqué l'impact que pouvait avoir un petit groupe dynamique et difficilement situable. Il devient "mythique". Ensuite, j'ai animé à Pau, en 1967-68, un groupe autour de la revue "Feuillage". Nos activités étaient très mal vues par les autorités universitaires et c'est pourquoi j'ai été mis à la porte de l'université en juin 1968. Après, j'ai encore édité à Paris une revue The Feathered Egg ("L'Œuf à plumes")... et puis, j'en ai eu assez. Je n’ai plus participé à aucun groupe», Le poète cosmographe, p. 88.
«J’essaie depuis longtemps d’inspirer ce mouvement de l’esprit. Dans ce but j’ai créé des groupes ici ou là: à Glasgow, le Jargon Group, à Pau, le groupe Feuillage, à Paris, le groupe du Feathered Egg, et l’on peut dire que le travail universitaire que je fais, le séminaire qui a eu plusieurs noms ("le séminaire du Gai Savoir", le "séminaire du Vieil Étang" et, en ce moment, le séminaire "Poétique du monde"), c’est un effort pour former de tels esprits, pour ouvrir un tel espace mental», Le lieu et la parole, p. 19.
Commentaires
Cheminement critique
«White va désormais poursuivre seul, hors de l’histoire politique ou littéraire, seul mais affermi, un cheminement interrompu. Le premier numéro de la revue The Feathered Egg qu’il lance à Paris en 1972, en porte témoignage dès son titre même: "Le slogan que j’avais mis sur la couverture du premier numéro de ma petite revue, en 1972 à Paris était: "Not underground, other ground!" […] Il s’agit de trouver un autre terrain, et là, il y a un travail immense à faire: travail psychologique, travail intellectuel. Si une société peut se bâtir sur ce terrain tant mieux. Mais l’essentiel est que ce terrain existe et que les gens puissent le reconnaître, qu’ils puissent y fonder au moins une vie individuelle (Le poète cosmographe, p. 89)», Michèle Duclos, Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 125; Anne Bineau, Horizons de Kenneth White, p. 59.
Référence (voir aussi)
Principales occurences
Le lieu et la parole, p. 19; Le poète cosmographe, p. 88-89; The Feathered Egg, nos1-2.
Feuillage
Définition
Second groupe fondé et animé par White à l'université de Pau dans la période 1967-68: «Feuillage. Pourquoi Feuillage? […] Peut-être pensions-nous à la phrase de Thoreau: "La terre n'est pas un simple fragment d'histoire morte que doivent étudier essentiellement les géologues et les paléontologues, mais la poésie vivante tout comme les feuilles d'un arbre qui précèdent les fleurs et le fruit - pas une terre fossile mais une terre vivante..." Feuillage - pour une terre vivante. Si ce n'est pas prétentieux, qu'est-ce donc? Eh bien c'est la réalisation de cette "terre vivante" qu'en fin de compte nous revendiquons et à laquelle nous aspirons. Plus circonstanciellement, si ce n'est plus modestement, puisque Feuillage apparaît non sur le toit du monde, mais dans une université, ce que nous voulons, c'est une université vivante», «By Way of an Editorial», in Feuillage, n°1, janvier 1968 (traduction de Véronique Portéous et Anne Bineau).
Citations
«Je lançai le groupe Feuillage / pensant à Whitman / ("Toujours notre vieux feuillage / toujours la libre étendue et la diversité") / et parlai d'une "université créatrice" / prêt à recommencer à Pau (manok) / le groupe s'agrandit / la petite revue Feuillage se mit à voleter dans la brise», Limites et marges, p. 19.
«J'ai animé à Pau, en 1967-68, un groupe autour de la revue "Feuillage". Nos activités étaient très mal vues par les autorités universitaires et, c'est pourquoi j'ai été mis à la porte de l'université en juin 1968», Le poète cosmographe, p. 88.
Commentaires
La revue Feuillage, émanation du groupe homonyme, a connu 7 livraisons, la dernière paraissant en février 1970 (soit après le départ de White de la région). Sur cette période de la vie de White, voir le poème «Villa Formose», Limites et marges, p. 16-21.
Le poème cité de Walt Whitman est un extrait du recueil Feuilles d’herbe intitulé Notre vieux feuillage. La phrase de Thoreau est extraite de Walden ou la vie dans les Bois (chapitre XVII: Le printemps).
Cheminement critique
Anne Bineau, Horizons de Kenneth White, p. 55-61; Michèle Duclos, Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 135-136.
Référence (voir aussi)
Principales occurences
Limites et marges, p. 19; Le lieu et la parole, p. 19; Le poète cosmographe, p. 88; Une stratégie paradoxale, p. 16, 171; Feuillage, nos1-7.
Figure du dehors, homme du dehors
Définition
«Indique quelqu'un qui essaie d'évoluer en dehors des espaces codés et des systèmes de pensée-réflexe. Proche de l'outsider, mais ne se complaît pas dans le marginalisme, encore moins dans la bohème. Proche aussi de l'isolato, tel qu'on le trouve, par exemple, dans La Baleine blanche de Herman Melville ("Appelez-moi Ismaël"), mais qui vise autre chose qu'une perpétuelle fuite en avant. Cherche, et trouve, une nouvelle configuration. Voir le livre d'essais qui porte ce titre», «Lexique géopoétique», Poésie 98, octobre, n°74, p. 15.
Citations
«Il est important de se rendre compte que le poète n'est plus le porte-parole d'une société ou un individu marginalisé, mais la figure du dehors, et il n'est pas exagéré de dire que la découverte du Nouveau Monde ne date pas de 1492, ni de 1770, ni de la ruée vers l'Ouest, elle commence seulement maintenant», Une apocalypse tranquille, p. 167.
«Il faut à toute culture vivante sa figure du dehors. C'est le poète-penseur tel que je l'envisage. Il ne pense pas en termes humanistes, il pense en termes de bio-cosmo-poétique», Le poète cosmographe, p. 25.
«Toute société a besoin de figures du dehors. Il y a une figure du dehors dans chaque vrai poète. Toutefois, la poésie dans son ensemble ne représente pas, malheureusement, un espace du dehors. Elle n’est, la plupart du temps, qu’une lamentation, l’expression personnelle de gens qui se sentent mal à l’intérieur, dans le dedans d’eux-mêmes», postface à l’ouvrage: Gilles Farcet, Henry Thoreau, l'éveillé du Nouveau Monde, Sang de la terre, 1986, p. 299.
«Le poète, est-ce le mot qui convient? Je préfère parler en termes de figure du dehors, celui qui quitte les cadres donnés, figure du dehors qui va explorer d'autres territoires», Cosmose, p. 69.
«On revient à cette idée de ne pas se laisser enfermer dans un cadre donné, dans une culture donnée, mais d'être la figure du dehors, l'être de passage...», Cosmose, p. 78.
«Je me sens proche de toutes les figures du dehors de l'Occident, depuis Apollonius de Tyane jusqu'à Arthur Rimbaud», Le poète cosmographe, p. 166.
Commentaires
L'essai La figure du dehors est paru aux éditions Grasset en 1982.
Dans un entretien avec Gilles Farcet, White précise: «Le terme même de figure du dehors est issu de plusieurs contextes. J'ai toujours voulu sortir d'une intériorité pour trouver un dehors et la notion de "figure" m'intéresse dans la mesure où elle ne renvoie pas à une personne, à une identité sociale, mais plutôt à des lignes... Ce terme nageait donc dans ma tête. Il y aussi une liaison - mais non une identité - avec "The figure of outward" de Charles Olson», postface à l’ouvrage: Gilles Farcet, Henry Thoreau, l'éveillé du Nouveau Monde, Sang de la terre, 1986, p. 297.
White a donné ailleurs une définition du «dehors»: «Le chemin mène donc vers l’intérieur, c’est-à-dire en dehors de la société, mais en même temps il va vers l’extérieur, puisque c’est dans le dehors, entendu comme le vaste univers non humain, que l’être humain va atteindre au plus grand élargissement possible de sa conscience. C’est là qu’il va évoluer et se réaliser», préface à Carl Gustav Carus, Voyage à l’île de Rügen, Éditions Premières Pierres, p. 8.
Cheminement critique
Jack Doron, Le monde ouvert de Kenneth White, p. 98-99; Pierre Jamet, Le local et le global dans l'oeuvre de Kenneth White, p. 160.
Référence (voir aussi)
Principales occurences
Une apocalypse tranquille, p. 48, 167; L'ermitage des brumes, p. 67; Les finisterres de l'esprit, p. 10; Le champ du grand travail, p. 48; Le lieu et la parole, p. 120; Le plateau de l'albatros, p. 27; Le poète cosmographe, p. 25, 89, 96, 166; Cosmose, p. 69, 75, 78; Géopoétique et sciences humaines, coll. «Latitudes», n°6, p. 30; Poésie 98, n°74, p. 15; postface à l'ouvrage: Gilles Farcet, Henry Thoreau, l'éveillé du Nouveau Monde, Sang de la terre, 1986, p. 299; Cosmose, p. 69, 78.
Flèche
Définition
«[…] Je voue aux flèches le même amour que Thoreau, et il y a des photos de harpons épinglées au-dessus de ma table de travail; mais cela n'a rien d'un symbolisme phallique! C'est une prédilection pour le geste vif, aigu, qui tranche dans la réalité; avancer dans la vie d'une manière exacte...», postface à l’ouvrage: Gilles Farcet, Henry Thoreau, l'éveillé du Nouveau Monde, Sang de la terre, 1986, p. 302.
Citations
«J'essaie [...] de faire trois genres de livres, et je vois mon travail comme une sorte de flèche. La pointe, c'est le poème. La tige, ce sont les livres existentiels: Les limbes incandescents, Dérives, Le visage du vent d'est. Ce sont des itinéraires, des voyages-voyances, des autobiographies, des romans sans les ficelles, sans le romanesque. Les pennes, c'est la théorie, les essais, une manière de penser que j'essaie d'exprimer conceptuellement, théoriquement, abstraitement. Je ne privilégie pas l'une ou l'autre partie, l'ensemble fait un tout», Fanal, p. 6.
«Ce champ est présent dans les trois sortes de livres que j'écris: le livre de poèmes, le livre-itinéraire, le livre d'essais. Dans le livre-itinéraire, il y aura seulement plus de matière vécue dans la durée. Dans l'essai, plus de matière intellectuelle. Un jour, j'ai comparé cette triple activité à une flèche: les pennes, l'essai; la tige, le livre-itinéraire; la tête de la flèche, le poème», Le champ du grand travail, p. 123.
Cheminement critique
«Cette structuration ternaire se retrouve à tous les niveaux d'agencement de l'œuvre. White structure généralement ses livres sur une répartition ternaire, et tend à les regrouper, tel L'itinéraire d'un surnihiliste, suivant une association triple. L'image de la flèche, penne, fût et pointe, lui a mainte fois permis de présenter la tripartition de ses écrits, distribués en essais, autobiographie, poèmes»; «Dans la perspective nouvelle d'un réel à la fois continu et discontinu, et en partant des considérations les plus extérieures, c'est à dire des formes littéraires et esthétiques, on peut voir une application de cette relation entre discontinu et continu dans le refus par le poète d'observer des coupures tranchées entre les trois genres littéraires qu'il pratique (autobiographie, essai, poésie), les situant aux trois lieux précis de la flèche dont il fait l'image de la créativité tout en conservant à chacun une spécificité de forme ou de contenu», Michèle Duclos, Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 71 et 250.
Référence (voir aussi)
Principales occurences
Le champ du grand travail, p. 123; Le lieu et la parole, p. 47; Le poète cosmographe, p. 93; postface à l'ouvrage: Gilles Farcet, Henry Thoreau, l'éveillé du Nouveau Monde, Sang de la terre, 1986, p. 302; Fanal, p. 6.
L’œuf à plumes sera le dernier mouvement animé par White avant … l’éclosion, en 1989, de l’Institut international de géopoétique.