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Nomade intellectuel

Définition

«[…] Le Nomade intellectuel ("intellectuel" en vieux chinois: homme du vent et de l'éclair), c'est celui qui, ayant pérégriné à travers les cultures afin de connaître toutes ses dimensions, afin d'augmenter sa sensation de vie, s'efforce de trouver demeure quelque part, en compagnie non seulement de ses semblables, mais des hêtres et des pins, des mouettes rieuses et des hérons gris...», Une stratégie paradoxale, p. 237.

 

«Le nomade intellectuel tente en effet d'échapper aux codes (de l'autoroute), aux conditionnements (d'ordre socio-psychologique) et aux définitions simplistes, enfermantes. Mais il ne prétend pas échapper à tout conditionnement. Au contraire, il cherche les meilleures conditions, le meilleur conditionnement possible (espace où respirer, espace où se concentrer, etc.). Il se travaille, ne perdant jamais de vue la base animale et naturelle», Le local et le global dans l'oeuvre de Kenneth White, p. 504.

Citations

«Avec Segalen, il s'agit d'une aventure dans l'espace qui est, en même temps, et indivisiblement, une exploration de l'être. C'est un nomade intellectuel, c'est à dire un nomade doublé d'un héros ontologique», La figure du dehors, p. 202.

 

«On pourrait dire que la logique […] dont la formation est actuellement en cours et qui sera caractérisée par un type de discours et d'écriture plus synthétique, sera née du besoin d'une vie plus harmonieuse, d'un monde plus espacé, d'une perception plus aiguë, dans le contexte historique d'un industrialisme mégalopolitain et dans un milieu d'intellectuels "hors la loi", d'intellectuels "nomades": ceux que Whitman appelait le "gang du kosmos"», L'esprit nomade, p. 271.

 

«Appelez-moi Ismaël, nomade intellectuel...», La route bleue, p. 36.

 

«Mais on peut se plaire à l'imaginer, lui [n.b.: Jude l'obscur, le héros de Thomas Hardy], le "fou" revenant, non pas peut-être sous les traits d'un "écrivain", mais, disons, d'un nomade intellectuel (un Ismaélite de l'intelligence, un isolato de l'esprit) qui pratiquerait cette "autre folie" qu'est l'écriture», Une apocalypse tranquille, p. 124.

 

«Dans L’esprit nomade, je présente l'intellectuel nomade, le nomade intellectuel, en précisant qu'il n'est ni l'intellectuel platonicien (idéaliste, métaphysicien), ni l'intellectuel social, dont le dernier exemple encore respectable (mais souvent plutôt pathétique) était Jean-Paul Sartre», Le champ du grand travail, p. 17.

Commentaires

Dans Le poète cosmographe, White précise: «J'ai trouvé le terme de "nomade intellectuel" chez Spengler, lu pendant mes années d'étudiant à Glasgow […] Enfin, pour en revenir à ce Déclin de l'occident qui est un des livres qui ont marqué mes années glasgoviennes, le nomade intellectuel que l'on trouve dans ces pages est un être un peu furtif, hantant les rues et les ruelles des grandes villes européennes. J'imaginais un nomade intellectuel plus extravagant, "loup des steppes" citadin, certes, mais aussi capable d'évoluer dans un espace plus grand», p. 109 (voir aussi sur cette source Dialogue avec Deleuze, p. 10). Une autre source se trouve chez Emerson: «Dans le Journal d'Emerson on peut lire ceci (je cite la traduction française de 1914, chez Armand Colin): "Le Nomade et le Pivot: deux pôles essentiels l'un et l'autre à la culture intellectuelle. Le nomadisme intellectuel est la faculté d'objectivité, les yeux qui partout se nourrissent. Qui possède de tels yeux entre de tous côtés en relations justes avec ses semblables. [...] Sa maison est un chariot dans lequel, pareil au Kalmouck, il parcourt toutes les latitudes. Il faut aussi qu'il sache s'en tenir à sa Loi intérieure comme le Kalmouck avec son Khan". Ce n'est qu'un court paragraphe, parcouru d'un idéalisme qui n'est pas le mien, soutenu par un langage qui n'est pas non plus le mien, mais l'image m'est restée», Dialogue avec Deleuze, p. 9.

Cheminement critique

Michèle Duclos, Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 94; Pierre Jamet, Le local et le global dans l'oeuvre de Kenneth White, p. 448.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Une apocalypse tranquille, p. 124; Le chant du grand pays - Petit programme culturel, p. 14; Dialogue avec Deleuze, p. 10-13; L'ermitage des brumes, p. 73; L'esprit nomade, p. 10, 17, 271; La figure du dehors, p. 80, 202; Le champ du grand travail, p. 17, 43, 73; Le local et le global dans l'oeuvre de Kenneth White, p. 504; Le lieu et la parole, p. 28, 67, 120; Le plateau de l'albatros, p. 27, 210, 296; Le poète cosmographe, p. 18, 46, 75, 97, 109, 111, 145, 154; La route bleue, p. 36, 78, 92; Revue de Belles-Lettres, p. 84; Le rôdeur des confins, p. 11, 233; Scènes d'un monde flottant, p. 113; Une stratégie paradoxale, p. 237.

Nomadisme intellectuel

Définition

«Nomadisme et sédentarité constituent une des premières dichotomies. Dans l'histoire de la civilisation, quand la sédentarité s'enlise, le nomadisme reprend, d'une manière ou d'une autre. Le nomadisme intellectuel est un mouvement qui commence à la fin du XIXe siècle, quand certains esprits (pensons à Rimbaud) commencent à quitter l'"autoroute de l'Occident". Le nomadisme intellectuel, c'est aussi l'idée que toutes les cultures (les habitudes acquises dans telle ou telle sédentarité) sont partielles, et que pour arriver à un "champ de culture" complet, il faut nomadiser d'une culture à l'autre, en prenant ici ce qui manque là. Voir les livres d'essais L'esprit nomade et Déambulations dans l'espace nomade», «Lexique géopoétique», Poésie 98, octobre, n°74, p. 15.

 

«[…] Je cherchais, pour parler comme Gauguin, "un coin de moi-même encore inconnu" - en fait, plusieurs coins. J’allais finir par appeler cela le "nomadisme intellectuel"», Scènes d'un monde flottant, p. 113.

Citations

«La démarche du nomade intellectuel est essentiellement différente de l'écrivain qui explore une intériorité. Avec ce dernier, on peut chercher la clé de l’œuvre [...], mais avec le nomadisme intellectuel, il n'y a pas de clés, car il n'y a pas de portes, il faut s'embarquer. Et on traverse toutes sortes d'espaces», Le poète cosmographe, p. 18.

 

«Si le nomadisme pastoral consiste en la recherche de bons pâturages, le nomadisme intellectuel consiste en la recherche, à travers l'histoire des cultures, de foyers d'énergie. Mais il y a aussi une relation profonde à l'espace. Et petit à petit le nomadisme intellectuel se mue en géopoétique», Le lieu et la parole, p. 102-103.

 

«En fait, j'ai cherché tout ce qui peut apporter des éléments à mon nomadisme intellectuel et à ma poétique de l'espace. C'est justement le nomadisme (intellectuel) qui distingue la géopoétique de la géopolitique. Ugo Morochini, dans un numéro de la revue Geopolitica (Milan, Janvier 1939), le dit très clairement: "la géopolitique a pris naissance lorsque le premier groupe humain passa du nomadisme ouvert à l’état sédentaire." La géopoétique ne perd jamais le sens du nomadisme ouvert», Le lieu et la parole, p. 132.

 

«C'est ça, le nomadisme intellectuel: le passage de culture en culture, d'un lieu de l'esprit à l'autre. Et c'est le nomadisme intellectuel qui a mené à la géopoétique, c'est à dire à la constitution d'un monde à l'intérieur d'un espace-temps retrouvé, un espace ni fini ni infini, un temps non écrasé par l'Histoire», Autre Sud, n°45, juin 2009, p. 38.

Commentaires

Nietzsche a utilisé l'expression: «Nietzsche, qui, suite peut-être à ses lectures d'Emerson (dont il faisait ses délices), évoque le "nomadisme intellectuel" dans Humain trop humain, me semblait être, avec Rimbaud, le nomade intellectuel par excellence», Dialogue avec Deleuze, p. 13.

 

Le Nomadisme Intellectuel, c'est aussi le titre de la Thèse d’Etat de Kenneth White présentée à Paris VII en 1979. Dans l'ouvrage qui en constitue la somme, L'esprit nomade, White évoque une autre source: «Autour de mes quinze ans, mon livre préféré était Lavengro de George Borrow [...]. C'est le récit des épreuves et des pérégrinations d'un lettré vagabond, et plus précisément de ses errances avec une tribu de bohémiens. Et personne ne sera surpris d'apprendre que, vers la même époque, mon poème favori était "L'écolier gitan" (The Scholar Gipsy) de Matthew Arnold. Après bien des années, j'ai encore plaisir à lire ces textes. Et qui sait si le concept de "nomadisme intellectuel" n'a pas pris naissance, au moins en partie, dans ce récit et dans ce poème?», L'esprit nomade, p. 79.

Cheminement critique

De la traduction comme nomadisme intellectuel: entretien avec Kenneth White, avec la participation de Marie-Claude White, Gilles Farcet, Translator's Journal, META, Presses de l'Université de Montréal, 1986, vol. 31, n°3, p. 321-331 (repris dans Le poète cosmographe, p. 121). Se référer à l’ouvrage de Michèle Duclos, Kenneth White, nomade Intellectuel, poète du monde, ELLUG, 2006.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

La carte de Guido, p. 66; Dialogue avec Deleuze, p. 13; Déambulations dans l'espace nomade, p. 10, 19; L'esprit nomade, p. 33, 40, 41, 52, 79, 88, 131, 280; Le champ du grand travail, p. 67, 73; Le lieu et la parole, p. 15, 55, 57, 99, 102, 132; Le plateau de l'albatros, p. 11, 42, 220; Le poète cosmographe, p. 16, 18, 47, 172; Scènes d'un monde flottant, p. 113; Autre Sud, n°45, juin 2009, p. 38; «Lexique géopoétique», Poésie 98, octobre, n°74, p. 15.