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Dérive

Définition

Dans un entretien accordé à la revue Cosmose, White définit la dérive comme «étymologiquement, quitter une rive, tout bêtement. C'est ce mouvement d'une culture à l'autre dont je parlais tout à l'heure. Je crois qu'il y a plusieurs rives à quitter, il n’y en a pas qu’une. Il y a une certaine rive socio-politique à quitter pour trouver peut-être un autre espace social, socio-existentiel, je ne sais pas trop encore… Il y a une rive philosophique à quitter, il y a toute une tradition de la philosophie depuis Platon, et là une certaine dérive vers une pensée orientale peut faire remuer des choses, peut faire redécouvrir, enfin, découvrir, un autre espace. Donc, quitter des cultures, quitter des définitions, c'est ça dériver», Cosmose, p. 76.

Citations

«Dériver, c'est quitter une rive, c'est, potentiellement, avoir quitté toutes les rives (quitte à les ré-aborder toutes, mais de manière dégagée)», La figure du dehors, p. 121.

 

«Dans la dérive anarcho-nihiliste et cosmo-poétique qui suit, le lecteur trouvera quelque chose comme un réseau d'affinités électives», incipit de L'esprit nomade, p. 17.

 

«Dérives… une fois quittées les rives de notre culture, l'existence n'a plus d'amarres. Dérives du corps-esprit, vers... quoi ?», incipit de Dérives, p. 9.

 

«Quand Cendrars dresse le programme des Hommes nouveaux, les premiers mots sont "grandeurs, espaces, mouvements". Après l'élan premier vient une dérive, et au cours de la dérive se découvrent les éléments d'une rhétorique», Le plateau de l'albatros, p. 245.

 

«C'est la géologie et la topologie, la géographie et la cartographie de cette atopie que je développe, de manière poético-philosophique et dromo-erratique (dérivante) dans mes livres, y voyant le seul moyen de faire de notre monde enfermé dans ses contradictions et ses controverses, un monde ouvert», Dialogue avec Deleuze, p. 54.

Commentaires

Sur la notion de dérive voir le chapitre de L'esprit nomade «De la dialectique à la dérive», p. 34-40.

 

Dérives, c'est également le titre d'un livre paru aux Lettres Nouvelles/Maurice Nadeau en 1978: «Voici venu le temps de la grande dérive tranquille, et l'ère de l'aurore boréale», p. 151.

Cheminement critique

Voir Michèle Duclos, Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 126-129.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Une apocalypse tranquille, p. 9, 198; Dérives, p. 9, 151, 186, 204; Dialogue avec Deleuze, p. 26, 54; L'esprit nomade, p. 17, 34-40; La figure du dehors, p. 121, 186; Le lieu et la parole, p. 36, 71; Le monde ouvert de Kenneth White, p. 27; Le plateau de l'albatros, p. 230, 239, 245; Le poète cosmographe, p. 23; Le rôdeur des confins, p. 10, 314; Une stratégie paradoxale, p. 165, 218; Le visage du vent d'est, p. 17; Cosmose, p. 76.

Désencombrer, désencombrement

Définition

Dès 1964, dans Jargon Paper 1 (cf. Jargon Group), White évoque le désencombrement en s'inspirant d'une certaine école zen: «Le but est de mener l'adepte vers cette expérience; de réorienter complètement sa pensée […]; de désencombrer son esprit, qui est confusion d'images, d'idées, de théories, d'émotions et de paroles - le "réalisme" par exemple du Waste Land d'Eliot; mais cela n'est pas la réalité. La seule expression intéressante est l'expression radicale de l'homme-dans-le-monde, l'homme-dans-le-cosmos», Une stratégie paradoxale, p. 24.

 

«Cela dit, j'ai de l'angoisse malgré les apparences... Mais j'en ai eu beaucoup plus autrefois et j'ai fait ce qu'il fallait pour la réduire. J'essaie d'aller de l'avant, le plus tranquillement possible, et d'une manière de moins en moins encombrée...», Rivages, p. 20.

Citations

«J'affirme une santé, la possibilité d'une santé liée à une capacité de se mouvoir, désencombré, dans l'espace atopique, capacité qui ne peut venir que de l'acquisition d'une autre pensée, d'une autre manière d'être», La figure du dehors, p. 146.

 

«Il y a des poèmes d'ermites celtes, on dirait qu'ils voient le monde avec des yeux lavés. C'est assez merveilleux, et on ne trouve cette vision pure, ce désencombrement de l'esprit que dans la poésie extrême-orientale», Cosmose, p. 79.

 

«Mais je dois dire tout de suite ma reconnaissance à l'Orient, car c'est la lecture de certains textes orientaux qui m'a confirmé dans mes intuitions et mes premières approches - intuitions qui avaient du mal à se frayer un passage, parce que la culture occidentale moderne avait pris un tout autre chemin et était arrivée à des impasses. Ces textes m'ont aidé à m'ouvrir une voie et, peut-être, à mieux voir. Ils m'ont aidé à me désencombrer», Incisions III, p. 63.

 

«Le besoin se fait sentir alors d'un désencombrement, d'une économie nouvelle, d'une nouvelle théorisation, ce qui peut impliquer des sauts spéculatifs et des explorations... extravagantes», Géopoétique et sciences humaines, coll. «Latitudes», n°6, p. 8.

Commentaires

White a souvent signalé que la pensée des limites se rejoignait en Orient et en Occident. Nous en avons une confirmation en retrouvant le concept dans la pensée mystique de Maître Eckhart: «Il s'agit donc d'atteindre au "moi essentiel", ce wesenlich wesen (être essentiel) dont parle Maître Eckhart. Pour Eckhart, atteindre à cet "être essentiel", c'est aller au-delà de Dieu, au-delà du concept de Dieu, devenir ledig, désencombré», La figure du dehors, p. 210.

Cheminement critique

«Devenir poète pour Kenneth White ("C'est une grande tâche que de devenir un poète. Ce que les poéticules ne comprendront jamais", En toute candeur, p. 64), ce serait donc, avant toute chose, mener une certaine existence: une existence naturelle, désencombrée. "Souvenez-vous, écrit-il, que, là où la vie est inencombrée, la poésie est naturelle, comme pour les Arabes du désert", En toute candeur, p. 71», Anne Bineau dans Horizons de Kenneth White, p. 48.

 

Voir aussi: Christophe Roncato, «L’atopie ou le processus de désencombrement», Études écossaises, ELLUG, n°11, 2008; Michèle Duclos, Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 232; Le monde ouvert de Kenneth White, p. 50 (thèmes du déconditionnement, de la déconstruction).

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Le chemin des crêtes, p. 39; L'esprit nomade, p. 284; En toute candeur, p. 71; La figure du dehors, p. 146; Les limbes incandescents, p. 168; Le lieu et la parole, p. 39, 70; Le plateau de l'albatros, p. 206, 226; Le poète cosmographe, p. 42, 59, 101; Une stratégie paradoxale, p. 24; Géopoétique et arts plastiques, p. 18; Cosmose, n°10-11, p. 72, 79; Incisions III, p. 63, Géopoétique et sciences humaines, coll. «Latitudes», n°6, p. 8; Bertrand Lévy et Alexandre Gillet (dir.), Marche et paysage, p. 244; Rivages, p. 20.