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Haïkuité

Définition

Néologisme (du mot japonais haïku, désignant un bref poème classique)

 

«Ce qu'il faut essayer de saisir, c'est ce que j'appelle la haïkuïté, l'essence du haïku, que Basho décrit comme "une branche de saule touchée par une brise légère et qui, pendant un court instant, se balance". C'est ce que j'ai appelé tout à l'heure un rapport subtil entre le phénomène et le vide. Il y a un grand silence, puis un moment où le tout est subitement présent, et puis de nouveau le silence...», L'ermitage des brumes, p. 98.

Citations

«Il fut un temps où, en matière de poésie, je ne m'intéressais plus guère qu'au haïku. Or, le haïku est l'expression même de ce rapport entre le phénomène et le Vide. C'est le plus bref poème qui existe. Mais il est possible d'aller vers une "haïkuité" de plus en plus grande (la haeccéité de Duns Scot n'en est pas loin). On peut considérer son existence même comme un haïku - ou, disons, comme un mahâmudrâ: un grand geste dans le Vide», Les affinités extrêmes, p. 209.

 

«Ce que j'ai essayé de faire pour ma part, c'est d'intégrer la haïkuïté dans une pratique poétique plus large», L'ermitage des brumes, p. 99.

 

«On trouve dans la poésie celte un intérêt pour ces moments brefs qui caractérisent le haïku : un flocon de neige qui tombe sur une rivière par exemple. Et la haecceitas de Duns Scot ("l'être-là", le "comme ça" des choses) n'est, dans mon esprit, pas loin de ce que j'ai appelé la haïkuïté», L'ermitage des brumes, p. 101.

Commentaires

Kenneth White a écrit et publié de nombreux haïkus: Autumn at Luk Wu Temple (Orange Export Ltd, 1976); dans les recueils Mahamudra (Mercure de France, 1978) et Terre de diamant (Alfred Eibel, 1977). Il a regroupé la plupart d'entre eux dans Le chemin du haïku, Terriers, 1984 et dans L'anorak du goéland, L'Instant Perpétuel, 1986. Dans La route bleue, il évoque ce court poème: «Personne ne fera assez l'éloge du haïku. Ces poèmes qui vont droit au but et dont nous avons tant besoin. Ce n'est peut-être pas toujours de grands haïku que l'on écrit, mais même dans ce cas ils peuvent nous ôter un énorme poids des épaules - tout ce fardeau personnel. Ecrire un haïku, c'est sauter hors de soi-même, c'est s'oublier et prendre un bon bol d'air frais», La route bleue, p. 145.

 

Sur l'esprit du haïku, se référer au chapitre «Vent d'est», dans La figure du dehors, p. 184-197 et au chapitre «Une poignée de haïku» dans Lettres de Gourgounel, p. 172-175; Lire également Les cygnes sauvages, un pèlerinage sur les traces de Basho et donc sur les sources mêmes du haïku (Grasset, 1990).

Cheminement critique

L'ermitage des brumes, p. 97 et suivantes; Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 202-204.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Les affinités extrêmes, p. 209; L'ermitage des brumes, p. 98-99, 101.

Haïkulturel

Définition

Néologisme. Mot-valise composé du terme «haïku», petit poème de 17 syllabes typique de la poésie japonaise et du mot «culturel».

 

Adjectif servant à désigner la tradition littéraire, culturelle, esthétique et philosophique qui entoure le haïku et son processus de création.

Citations

«J'ai déjà écrit ici et là sur le haïku, j'ai même commis l'imprudence de publier quelques petits livres haïkulturels, si je puis dire, mais jamais, peut-être, je ne me suis senti si proche de ces poètes (bien qu’ils soient autre chose que des poètes, du moins tels qu’on emploie le mot communément) et de l’atmosphère de leur poésie qu’ici sur la côte bretonne», Une apocalypse tranquille, p. 213.

Commentaires

Par sa longue tradition et son rayonnement, le haïku constitue une culture à part entière qui a dépassé les frontières du Japon. A son propos, White écrit: «Aux haïkus ici présentés, je pourrais ajouter des commentaires où il serait question, par exemple, de sensation biocratique, de musique rudimentale, d'ascétisme jouissif, voire des trois mondes: celui du désir, celui de la forme, celui de la non-forme...», (préface à la seconde édition du livre Le chemin du haïku, Terriers, 1987).

Cheminement critique

Michèle Duclos, Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 202-204.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Une apocalypse tranquille, p. 213.

Hyperboréen

Définition

«Ainsi donc, j'emploie le terme "hyperboréen" dans deux sens apparentés:

 

1. Pour désigner l'homme qui, sur la base d'une révolte instinctive, entreprend une critique radicale de notre civilisation, qui lui apparaît gravement déficiente, et qui en outre s'est engagé dans une traversée vers quelque chose d'autre.

 

2. Pour désigner le complexe culturel circumpolaire nord-occidental et psychomental dont les premiers Grecs avaient eu vent, mais qui fut plus tard obscurci par l'hellénisation, la romanisation, et la christianisation – et qui est le territoire culturel auquel les îles britanniques – rendues de plus en plus "brutanniques" par la domination de divers pouvoirs établis appartiennent initialement et fondamentalement», Une stratégie paradoxale, p. 73.

 

«Personne ne sait rien des Hyperboréens. L'Hyperboréen est un homme en chemin erratique vers une région située par-delà. Les gens ne voient que l'erratique (les pierres qu'il laisse sur son chemin), mais lui voit par éclairs la région par-delà. De ce qui se trouve par là-bas, aucune définition n'est possible. On est à vingt mille lieux de toute civilisation», Les limbes incandescents, p. 48.

Citations

«Le mot "hyperboréen" dans mon vocabulaire remonte évidemment à Nietzsche. On se rappellera le premier paragraphe de son livre L'Antéchrist: "Nous sommes tous des hyperboréens. Nous savons très bien dans quel éloignement nous vivons. Au-delà de la mer et des glaces, notre vie, notre bonheur...". Dans le vocabulaire de Nietzsche et dans le mien le mot hyperboréen indique une distance vis-à-vis de l'état de choses. L'Hyperboréen est quelqu'un qui ose dire: Non, je ne vais pas vivre de cette façon, je ne peux vivre selon ces normes là, je prends mes distances, je m'éloigne, et dans cet éloignement je vais essayer de travailler, je vais essayer de déployer mes énergies d'une autre manière que celle que m'offre la société. Je vais  - égoïstement dira-t-on - essayer de me développer, d'ouvrir un nouvel espace de vie et de pensée, un espace existentiel et intellectuel. On ne peut pas les séparer», Entretien avec Robert Misrahi, «Dans l’océan de la pensée heureuse», Goéland, Atlantique Nord, n°1, printemps 2003, p. 14.

 

«Je crois que j’ai toujours eu l’intuition de ce monde hyperboréen, et depuis des années j’en recueille les traces et les signes. Il n’est pas facile de faire admettre l’existence d’un tel monde, tout cela étant occulté depuis si longtemps. Et puis, dans le contexte culturel actuel, ce que j’ai appelé le discours réflexe est si fort qu’il suffit de prononcer le mot Nord, par exemple, pour que certains entendent nazi, ou le mot Celte pour qu’ils entendent je ne sais trop quoi (quelque enracinement pétainiste dans la glèbe?), mais surtout rien de recommandable», La figure du dehors, p. 36.

Commentaires

White a repéré le terme ailleurs que chez Nietzsche: chez Thomas Hardy, dans The Return of the Native (Le retour au pays natal), chez Melville (voir Artus, n°16, printemps 84, p. 12, Au nord du monde), dans la mystique soufie (dans L’esprit nomade, White cite cet extrait de L’homme de lumière dans le soufisme iranien d’Henry Corbin: «L’Hyperboréen symbolise l’homme dont l’âme a atteint une complétude et une harmonie telles qu’elle est sans négativité ni ombre», p. 266). Précisons d’ailleurs que les sources qu’il cite sont les seules qui conviennent à l’interprétation de son œuvre.

 

On peut se référer aussi à La lettre ouverte à tous les Hyperboréens, texte ancien de White repris dans Une stratégie paradoxale, p. 65-75. Un chapitre des Limbes incandescents s'intitule «Errances hyperboréennes», p. 57.

Cheminement critique

Pierre Jamet, Le local et le global dans l'oeuvre de Kenneth White, p. 16. Sur le Nord en tant que point cardinal tant géographique que de l'esprit, voir Michèle Duclos, Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 32-34.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Déambulations dans l'espace nomade, p. 38; L'esprit nomade, p. 174, 178, 252, 266; En toute candeur, p. 58; La figure du dehors, p. 36; Les limbes incandescents, p. 45, 48-49, 58; Le plateau de l'albatros, p. 52; Le poète cosmographe, p. 185; La route bleue, p. 74, 79; Une stratégie paradoxale, p. 73, 84, 124, 163; Le visage du vent d'est, p. 25; Goéland, Atlantique Nord, n°1, printemps 2003, p. 14; In'hui, p. 49.