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Paysage archaïque

Définition

Expression propre à l'auteur: «Nous vivons presque tout le temps dans le secondaire, avec entre nous et une expérience première de la réalité un écran de culture et une accrétion psycho-personnelle. Je prends Thoreau comme exemple de quelqu'un qui a voulu retrouver "l'espace premier" (ce que j'appelle par ailleurs le paysage archaïque) et nettoyer, aiguiser sa perception», Le poète cosmographe, p. 71.

Citations

«Sur la scène de ce paysage archaïque, nous avons vu passer des peuples aussi divers que les Pictes et les Celtes, les Amérindiens et les Esquimaux (sans parler des Sibériens et des Japonais qui restent, pour le moment, dans les coulisses)», La figure du dehors, p. 35.

 

«Le "paysage archaïque", l'"espace premier", comme on dit en géopoétique, de l'artiste écossaise, Liz Ogilvie, est l'île (ou plutôt l'archipel) de Saint Kilda», Cahiers de géopoétique, n°5, p. 105.

 

«C'est sur cette base (dans cet espace premier, dans ce paysage archaïque) que Thoreau trace le chemin de son esprit parmi les mots, ouvrant ainsi le champ d'une poétique post-moderne, c'est-à-dire ni du moi, ni du mot, mais du monde», Le plateau de l'albatros, p. 200.

 

«Les principaux personnages de ses romans [n.b.: les romans de Thomas Hardy] sont tous des erratiques et des excentriques, mal à l'aise dans la société moderne, et dans la civilisation tout court, trouvant impossible de s'intégrer à ses structures, se frayant un chemin, obscurément, parmi un tourbillon d'émotions contradictoires, vers le paysage archaïque, ce paysage "hors du temps"», Une apocalypse tranquille, p. 120.

Cheminement critique

Jack Doron, psychanalyste et géopoéticien, a proposé dans un article du premier Cahier de géopoétique une intéressante analyse du paysage archaïque: «Il reste alors, au-delà de l'expérience du vide et du chaos, la possibilité de découvrir la relation que l'on a eue avec les choses: le paysage archaïque», p. 29; et il élabore une féconde utilisation de ce concept tant du point de vue de la pratique artistique que psychothérapique (cf. Chaos psychique: esquisse d'une cartographie de la psyché, coll. «Païdos», Centurion, 1991). Dans la cinquième livraison de la revue, le thérapeute précise: «Ce qui est essentiel dans la relation géopoétique, c'est le couplage entre le monde de l'intériorité et celui du dehors. Ce lien est complexe, car le paysage archaïque est pour ainsi dire la forme première de l'émotion», Cahiers de géopoétique, n°5, p. 120. Ailleurs, dans un essai consacré à la géopoétique, il tente de décrire ce paysage archaïque: «C'est un lieu peu habité, où la trace de l'homme n'est pas exclusive comme dans une ville, un lieu qui sert de support à la méditation, où dominent l'univers minéral, l'eau et la lumière, mais aussi le végétal si l'on se trouve dans une forêt. Présence forte des éléments, mais aussi connaissance historique, géographique, culturelle, de cet espace qui va devenir un lieu à explorer corporellement à l'aide des sens mais aussi dans une saisie poétique (écrite où graphique) permettant de découvrir "une expérience de la réalité incandescente, ou bien une vision d'une limpidité totale" (Kenneth White, La figure du dehors, p. 22)», Jack Doron, Le monde ouvert de Kenneth White, p. 98.

 

Précisons que le premier chapitre de La figure du dehors s’intitule «Le paysage archaïque».

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Une apocalypse tranquille, p. 120, 123; La figure du dehors, p. 20, 35, 46; Le plateau de l'albatros, p. 112, 200, 225; Le poète cosmographe, p. 71; Cahiers de géopoétique, n°5, p. 105; Poétique de la montagne, coll. «Latitudes», n°1, p. 26.

Paysage mental

Définition

«Au-delà du paysage physique, esthétique, il y a le paysage mental, qui est en étroit rapport avec le premier (en fait, les deux s'interpénètrent)», Le chemin des crêtes, p. 43.

Citations

«Je me tournais vers le paysage en me disant que de là, peut-être, grâce à quelque chose que je nommais landscape-mindscape (paysage physico-mental), pourrait surgir un nouveau commencement, une nouvelle base», Cahiers de géopoétique, n°4, p. 33.

 

«J’ai sans doute les notions de "confins, marges, limites" et de "passage, itinéraire, chemin" inscrites dans la matière grise de mon cerveau, peut-être même dans la moelle de mes os. Ce n'est pas seulement une question de géographie, c'est une question de paysage mental», Le rôdeur des confins, p. 9.

 

«Je pense que la géographie natale ne définit pas nécessairement, et surtout pas absolument, l'esprit d'un poète ou d'un penseur, mais il est sûr que cette géographie peut l'influencer. Ce fut mon cas. Cette côte abrupte, ces îles, ces archipels, et cette ouverture. Paysage physique mais aussi mental, un paysage de l'esprit», Le lieu et la parole, p. 61.

 

«Il avait pensé que ce livre serait un tournant, le seuil d'un nouvel espace existentiel, d'un nouveau paysage mental», La carte de Guido, p. 139.

Commentaires

Se référer à l'essai de White: «Paysage physique, paysage mental», Incisions III, p. 17.

Cheminement critique

«Ainsi les vocables du "nouveau monde" conceptuel du poète - presque tous des substantifs doubles accolés ou télescopés - associent-ils délibérément espace physique […] et pensée, de "conscience cosmique", "nomadisme intellectuel", "logique érotique", "chaosmos", à "géopoétique" qui les subsume tous, pour dire la correspondance ontologique entre "paysage physique" et "paysage mental"», Michèle Duclos, Le monde ouvert de Kenneth White, p. 56.

 

 

Voir aussi: Jean-Jacques Wunenburger, Autour de Kenneth White, p. 11; Anne Bineau, Autour de Kenneth White, p. 155, Le monde ouvert de Kenneth White, p. 185; l'article de Catherine Chauche, «Géopoétique et temporalité, l'apport de Gustave Guillaume à la géopoétique» dans Horizons de Kenneth White, p. 129-138.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Atlantica, p. 176; Le chemin des crêtes, p. 43; La carte de Guido, p. 139; Ecosse, le pays derrière les noms, p. 41, 116, 117; L'esprit nomade, p. 152, 235; À la fenêtre de Fagniez, p. 19; La figure du dehors, p. 18; Lettres de Gourgounel, p. 102; Le lieu et la parole, p. 61, 90; Le monde d'Antonin Artaud, p. 40; Le plateau de l'albatros, p. 106; Le poète cosmographe, p. 77; Le rôdeur des confins, p. 9; Le visage du vent d'est, p. 11; Cahiers de géopoétique, n°4, p. 33.

Pélagique, archipélagique

Définition

«Je pense beaucoup aux Kerguelen en ce moment, d'abord parce que la notion d'"archipel" m'intéresse, me fascine, me fait penser (archipélagiquement, si je puis dire)…», «Petit album nomade», p. 183.

Citations

«Je dirais qu'il s'agit d'une lutte entre l'esprit archipélagique et l'esprit institutionnel. A l'ouest, les communautés de moines sont éparpillées sur tout le territoire, notamment sur les îles, sans évêché central, sans hiérarchie. L'évêque n'a aucun pouvoir, seul compte, dans son espace divino-naturel, le moine individuel», La figure du dehors, p. 217.

 

«Pendant cette période qui a suivi mon installation sur la côte en 1983, j'ai fait beaucoup de conférences, en France et ailleurs, que j'ai ensuite transformées en essais pour en faire les chapitres de ce livre. C'est dire qu'ici et là, je reviens sur le même terrain : la structure de ce livre n'est pas linéaire, pas progressive, elle est cyclique et archipélagique», Le plateau de l'albatros, p. 14.

 

«Mon investigation est sporadique, archipélagique», Le passage extérieur, p. 244.

 

«Mais unité ne signifie pas monotonie. Je pense aussi qu'il est possible de respecter la localité, la focalité, sans tomber dans le localisme. J'ai une conception archipélagique de l'unité. C'est une des idées que je développe dans mes essais de géopoétique, notamment dans Le plateau de l'albatros», Le lieu et la parole, p. 116.

Commentaires

Voir le chapitre intitulé «La pensée pélagique» dans Le plateau de l’albatros, p. 45-55.

Cheminement critique

Michèle Duclos, Le monde ouvert de Kenneth White, p. 58.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Une apocalypse tranquille, p. 10; La figure du dehors, p. 217; La route bleue, p. 92; Le lieu et la parole, p. 79, 116; Le plateau de l'albatros, p. 14, 45-55; «Petit album nomade», p. 183; Le passage extérieur, p. 244; Les rives du silence, p. 265; Une stratégie paradoxale, p. 153.

Philocosmisme, philocosmique

Définition

Néologisme: du grec, philein, «qui aime» et kosmos, «monde, univers».

Citations

«[...] Il [Le nomade intellectuel] est avant tout un intellectuel d'un nouveau genre, mobile et multiple, abrupt et rapide, n'appartenant à aucune intelligentsia, ne s'attachant à aucune idéologie et ayant la solidarité difficile, sauf avec l'univers (et encore - au philocosmisme peut se mêler, comme le sel à l'eau, un peu d'acosmisme surnihiliste», L'esprit nomade, p. 17.

 

«La poésie celtique, la littérature scandinave seraient-elles moins philocosmiques que la poésie latine, la poésie grecque, ou la poésie arabe?», L'esprit nomade, p. 32.

 

«Mais cette petite pause restaurative pourrait être aussi l'occasion pour le promeneur philocosmique de faire une courte incursion dans la littérature écossaise […]», Edimbourg, p. 12.

Commentaires

Le terme est présent dans le titre de l'essai que White a consacré à Edimbourg (Un guide intime, Autrement Editions, 1997): Formes, fantasmes, philocosmisme.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

L'esprit nomade, p. 17, 32; Edimbourg, p. 12.

Poète-penseur

Définition

Expression propre à l’auteur: «Mon travail poétique fondamental consiste à découvrir cet espace du dehors; et seuls peuvent, à mon avis, le faire, les poètes-penseurs-existentiels. On peut, en effet, être très bon philosophe sans posséder une présence, ou sans être poète; les exemples ne manquent pas. Il s'agit donc d'avoir une pensée, de savoir l'exprimer par une parole vive (et donc poétique) tout en étant capable de l'incarner, par une présence vivante. Ce qui me ramène à Thoreau, qui répondait à ces exigences», extrait d’un entretien avec Gilles Farcet (postface à l’ouvrage Henry Thoreau, l'éveillé du Nouveau Monde, Sang de la terre, 1986, p. 300).

 

«Je n'ai jamais oublié une phrase de Whitman à propos du poète-penseur radical, lue quand j'étais adolescent: ne trouvant aucun espace à sa convenance, il s'en crée un», Une stratégie paradoxale, p. 7.

Citations

«Il faut à toute culture vivante sa figure du dehors. C'est le poète-penseur tel que je l'envisage. Il ne pense pas en termes humanistes, il pense en termes de bio-cosmo-poétique», Le poète cosmographe, p. 25.

 

«J'aime les traits d'union: poète-penseur, poète-penseur-voyageur… La séparation de la pensée et de la poésie est une des marques de notre sclérose culturelle», Le poète cosmographe, p. 103.

 

«Si je cite tellement, c'est pour indiquer que ce dont j'essaie de parler dépasse mon moi; il s'agit d'un monde, et non pas de l'expression d'un moi; ensuite pour créer quelque chose comme une mémoire mondiale, une mémoire d'un monde, une espèce de tribu de poètes-penseurs», Les chemins de la pensée poétique, conférence donnée à la Maison de la Poésie à Paris le 21 mars 1984, in Michèle Duclos, Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 250.

 

«Il me semble que, la notion de "centre" étant éclatée, la cosmologie de la pensée est en passe de se transformer du tout au tout. Le problème pour nous, poètes-penseurs, est d'articuler, poétiquement et théoriquement, cette transformation", Incisions III, p. 32.

Commentaires

Kenneth White se définit lui-même comme un poète-penseur: «Ce poète pourrait commencer à penser (voudra-t-on bien admettre la possibilité qu'un poète ait envie de penser?) en termes de vie, à élaborer une pensée où il serait question d'un chemin de vie, une pensée-de-la-vague-et-du-vent, une pensée chaos-cosmique... Oh, tout cela serait effectivement bien vague au début. Mais ce serait quelque chose de plus que l'enthousiasme lyrique, si vite lassant, que l'effusion émotive, si vite épuisée, et bien plus que du commentaire versifié, si ennuyeux», Rivages, p. 104.

 

Dans L'esprit nomade, White évoque «la poésie-pensée» à propos d'Heidegger: «La poésie-pensée se détournerait donc des "buts lointains" (Idée, Utopie...) et s'attacherait à ce "familier" dont Héraclite disait déjà que les hommes s'éloignaient, à leur grand détriment. Contre l'Idéal, le territoire», L'esprit nomade, p. 241.

Cheminement critique

Michèle Duclos, Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 118, 247.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Les affinités extrêmes, p. 20; Une apocalypse tranquille, p. 41, 133; L'ermitage des brumes, p. 54, 93-94; L'esprit nomade, p. 235; La figure du dehors, p. 12, 19; Limites et marges, p. 8; Le lieu et la parole, p. 110, 115; Le plateau de l'albatros, p. 16, 31, 215; Le poète cosmographe, p. 24-25, 103, 186; Une stratégie paradoxale, p. 7, 144; postface à l'ouvrage: Gilles Farcet, Henry Thoreau, l'éveillé du Nouveau Monde, Sang de la terre, 1986, p. 300; Cahiers de géopoétique. Géographie de la culture, p. 88; Incisions III, p. 32, 70; In'hui, p. 58.

Poétique du monde

Définition

«Ce qui fait que le dehors est présent, c'est que le moi du poète s'efface. Il n'intervient plus entre le lecteur et le monde: il indique, il révèle, il ouvre. Le poète surpersonnel utilisera aussi un langage moins encombré de métaphores et de figures que le langage poétique habituel. Il découvre aussi une grammaire dans les choses. Il s'agit là, non pas d'une poétique du moi ni des mots, mais du monde», Le champ du grand travail, p. 123.

 

«Depuis de longues années maintenant, j'essaie de réunir les éléments d'une poétique forte et fertile, ouverte et fondatrice. En essayant de repérer des foyers d'énergie tout au long de l'histoire culturelle, en puisant partout dans la "poétique du monde" et en voyageant sur le terrain, de territoire en territoire», Le plateau de l'albatros, p. 26.

Citations

«C'est de ce terrain géo-anarchique que vont naître les notions de "culture planétaire" et de "poétique du monde" qui forment, me semble-t-il, l'"horizon" du nomade intellectuel», L'esprit nomade, p. 20.

 

«La poésie qui m'intéresse, que j'essaie de pratiquer, n'est ni egologique (poésie du moi), ni linguistique (poésie des mots croisés), mais cosmique (poétique du monde), qui essaie de suivre les lignes du monde, des lignes de marée», Goéland, Atlantique Nord, n°1, printemps 2003, p. 12.

 

«La "poétique du monde" que je pratique et que je prône a aussi peu en commun avec l'éco-poéticité de certains sociologues, psychologues ou philosophes, qu'avec le lyrisme stellaire de certains astro-physiciens», Le local et le global dans l'oeuvre de Kenneth White, p. 504.

 

«Dans tous les cas, de l’anarcho-géographie de Reclus au nihilisme mordant de Cioran, en passant par la lumière noire de Breton et les ombres fuligineuses de Céline, il s'agit de voyages de l'esprit au bout de la nuit, en vue d'une possible aurore intellectuelle, d'une puissante poétique du monde», Les affinités extrêmes, p. 10.

 

«On peut imaginer un temps où, avec l'agrandissement du désir (de la transhumance au transhumanisme!) et l'affinement de la technologie, les valeurs de vie seront fondées non sur la communauté (croyances, idéologies, cirques), mais sur une connaissance de l'espace, sur la conservation de ses beautés, et sur une poétique du monde», Déambulations dans l'espace nomade, p. 18.

Commentaires

Dans un recueil d'entretiens, White précise: «On n’est pas loin là de mon Esprit Nomade et de ma "poétique du monde", qui va devenir la géopoétique», Le lieu et la parole, p. 126.

 

À plusieurs reprises (Géopoétique et arts plastiques, p. 15; Le lieu et la parole, p. 125; L'esprit nomade, p. 34), White a fait référence à la notion de «prose du monde» inspirée de Merleau-Ponty (d'après l'ouvrage homonyme: Maurice Merleau-Ponty, La prose du monde, Gallimard, 1969). Ce fut le titre également d'un séminaire tenu par White en Sorbonne et consacré à cet auteur.

 

Voir: «Vers une poétique du monde» dans Comment vivre avec l’image, Nouvelle Encyclopédie Diderot, Paris, PUF, 1989.

Cheminement critique

«En 1989, l'année même où il créait l'Institut international de géopoétique, dans son séminaire alors consacré à définir une "poétique du monde" - c'est à dire les virtualités d'une culture vivante, harmonieuse, pour notre époque déboussolée -, il définissait le monde, succinctement, comme "ce que les hommes font de la terre" [...]», Michèle Duclos, Le monde ouvert de Kenneth White, p. 43. Voir aussi: Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 101 (note), 147 (note) et la dernière partie de l'ouvrage intitulée «Une poétique du monde».

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Les affinités extrêmes, p. 10, 20, 85; Une apocalypse tranquille, p. 39; Le chemin des crêtes, p. 93; Déambulations dans l'espace nomade, p. 18; L'esprit nomade, p. 9, 20; Le champ du grand travail, p. 123; Le local et le global dans l'oeuvre de Kenneth White, p. 504; Le lieu et la parole, p. 14, 82, 126; Le plateau de l'albatros, p. 26, 29, 31, 40, 200, 207, 212, 215; «Petit album nomade», p. 174; Le poète cosmographe, p. 36, 131, 174; Goéland, Atlantique Nord, n°1, printemps 2003, p. 12; Géopoétique et sciences humaines, coll. «Latitudes», n°6, p. 30; Voir grand. Panorama des Grands Sites, en collaboration avec Jacques Maigne, Actes Sud, Réseau des Grands Sites de France, 2007, p. 77.

Possibiliste

Définition

Néologisme: «Il y a là une petite subtilité qu’il convient toujours de préciser: à ceux qui me demandent si je suis pessimiste ou optimiste, il m'est impossible de répondre. On ne peut être optimiste vis-à-vis de l'humanité et de la société qui, la plupart du temps, se montrent si bêtes, si médiocres; mais on ne peut non plus se contenter d'une attitude tout à fait pessimiste, ce qui équivaudrait à baisser confortablement les bras. Il s'agit donc d'être possibiliste, tout en demeurant lucide: faire tout ce que l'on peut dans son champ immédiat. Si cela exerce une influence sur le reste, tant mieux; sinon, c'est aussi bien. L'on aura au moins vécu une vie... exacte (du latin exactus, poussé jusqu'au bout, accompli)», extrait d’un entretien avec Gilles Farcet (postface à l’ouvrage: Gilles Farcet, Henry Thoreau, l'éveillé du Nouveau Monde, Sang de la terre, 1986, p. 298).

Citations

«Je dis cela non avec optimisme (toute une machine pseudo-culturelle continuera à tourner bruyamment avec n'importe quoi), mais dans un esprit possibiliste, et pour des esprits à la fois lucides, ouverts et aventureux», Une stratégie paradoxale, p. 236.

 

«Non, je ne suis ni optimiste, ni utopiste. Je ne suis qu'un archi-individualiste, un possibiliste et un pratiquant de la cosmopoétique», Corsica. L'itinéraire des rives et des monts, p. 25.

 

«Quand on me demande dans des entretiens si je suis optimiste ou pessimiste, je réponds: "Ni l'un, ni l'autre - je suis possibiliste". Dans son Essai sur l'homme de 1733, donc au début des sciences humaines, Alexander Pope situait l'homme lucide quelque part entre le scepticisme et le stoïcisme. On travaille le champ du possible», Géopoétique et sciences humaines, coll.«Latitudes», n°6, p. 18.

Commentaires

Dans L’esprit nomade, White développe cette notion en commentant Nietzsche: «Son terrain se place sous le signe, non de l'esse, qui a suscité à peu près tout le questionnement occidental, ni du nihil, qui y fait suite (où l'on tombe du ciel des idées dans l'angoisse et dans l'histoire) mais du posse. Ni l'être ni le néant, mais le possible», p. 238 (voir aussi à ce sujet, Une apocalypse tranquille, p. 16).

 

«Je me suis toujours décrit moi-même comme un pessimiste actif, ou comme un possibiliste», affirmait-il dans un entretien (Le poète cosmographe, p. 113). Et dans un autre: «Je ne suis pas un optimiste. Comme je l'ai souvent dit, je suis un pessimiste actif. C'est à dire que, sans me bercer d'illusions, et en dehors de la dialectique de l'espoir et du désespoir, je ne cesse d'essayer de mettre en avant une pensée différente, une manière autre d'être au monde», Fanal, p. 19.

Cheminement critique

Voir Tony Mac Manus, Le monde ouvert de Kenneth White, p. 162: dans son article intitulé, «Kenneth White, l'Ecosse et la géopoétique», Mac Manus indique que la notion de possibilisme est présente dans l'ouvrage de Prigogine et Stengers, La nouvelle alliance, ce qui confirme l’intérêt de la notion (Prigogine I., Stengers I. (1979), La nouvelle alliance. Métamorphose de la science, Paris, Gallimard).

Principales occurences

Corsica. L'itinéraire des rives et des monts, p. 25; L'ermitage des brumes, p. 95; Le poète cosmographe, p. 113; Une stratégie paradoxale, p. 236; Autre Sud, n°45, juin 2009, p. 39; Géopoétique et sciences humaines, coll. «Latitudes», n°6, p. 18; Marche et paysage, p. 27; postface à l'ouvrage: Gilles Farcet, Henry Thoreau, l'éveillé du Nouveau Monde, Sang de la terre, 1986, p. 298; Voir grand. Panorama des Grands Sites, en collaboration avec Jacques Maigne, Actes Sud, Réseau des Grands Sites de France, 2007, p. 78.

Post-histoire

Définition

«Mais ce n'est pas l'histoire, si haute en couleurs, si chargée d'alarmes et de fait d'armes, qui m'intéresse. Ce serait plutôt quelque chose que j'appellerais, en prenant pour analogie la pré-histoire, la post-histoire. Une autre conception du temps? Retrouvailles avec l'espace?», Le rocher du diamant, p. 8.

Citations

«Je vivais à la résidence d'Aspin, au-dessus de Bizanos, dans un studio auquel j'allais donner plusieurs noms: "L'atelier des abîmes et des hauteurs", "La tour de la post-histoire", "L'ermitage des cinq montagnes"…», Le livre des abîmes et des hauteurs, p. 6.

 

«Si on accepte qu'il y a eu une pré-histoire, pourquoi ne pas envisager, par analogie, une post-histoire?», Le champ du grand travail, p. 93.

Commentaires

Eugenio d'Ors, dans Du baroque (Gallimard, 1968, p. 44), évoque cette notion rappelant qu'on doit l'attribuer au mathématicien-philosophe français Antoine-Augustin Cournot, 1801-1877.

 

Dans Une apocalypse tranquille, White cite Ecartelement de Cioran, lorsque le philosophe roumain évoque l'«homme post-historique», Une apocalypse tranquille, p. 108.

 

Dans Le plateau de l’albatros, White évoque le terme dans le contexte d’Olson: «Quand le poète américain Charles Olson le reprit, en même temps que du postmoderne, il parlait du posthistorique, du posthumaniste, de la présence vive et de la belle chose (the beautiful thing)», p. 38, 298-300.

 

Pour une approche plus précise de la notion voir la conférence reprise dans: Kenneth White, De la préhistoire à la post-histoire, coll. «Latitudes», n° 5, L'atelier du Héron, 2007.

Cheminement critique

A maintes reprises, White a exprimé le fait que sa trajectoire intellectuelle le poussait à «sortir» de l'Histoire comme dans ce passage d’Une apocalypse tranquille: «Mais si je me réfère à ces moines, si je fais de l'archéologie culturelle, ce n'est pas pour me situer dans une tradition, ce n'est pas pour m'enliser dans l'histoire, d'une manière pédante ou poétisante, c'est afin d'aiguiser mon sens du mouvement intellectuel et culturel, c'est afin de régler mes comptes avec l'histoire, afin d'être libre de m'engager dans une ... géographie», Une apocalypse tranquille, p. 27.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Les finisterres de l'esprit, p. 80; Le livre des abîmes et des hauteurs, p. 6; Le champ du grand travail, p. 93; Le rocher du diamant, p. 8; De la préhistoire à la post-histoire, coll. «Latitudes», n° 5, L'Atelier du héron, 2007.

Promenade-haïku

Définition

«Et, dès ce jour, je fonde l'Ecole de l'anorak, basée sur l'idée de haïku-walking (la "promenade-haïku"). Cette école constituera la section ambulante de l'Académie des goélands, consacrée à l'écologie de l'esprit, à la philosophie naturelle, et à la préservation poétique du monde», L'anorak du goéland, extrait de la préface.

Citations

«Je pense que la pratique du haïku, en Occident, est une bonne chose. Et j'ai recommandé pour tout le monde ce que j'ai appelé le haïku-walking (la "promenade-haïku"). Cela invite l'esprit à se concentrer, et affine la perception des choses. Et puis cela débarrasse la poésie de la Poésie», L'ermitage des brumes, p. 98.

 

«La marche est, justement, propice à la méditation. Et la méditation peut prendre plusieurs formes. On peut marcher pour se vider l’esprit, c’est la méditation de la vacuité. Mais on peut aussi laisser errer l’esprit. Celui-ci commencera peut-être par "simplement" capter des phénomènes: cette pie sur une branche de bouleau, cette lumière sur les îles… Cela peut donner lieu à ce que j’appelle la promenade-haïku», «La marche»,Temporel, n°3, interview de Kenneth White par Michèle Duclos, mars 2007.

Commentaires

Lire la section Un programme pratique: la promenade-haïku de la contribution de White «L’art de la marche ou philosophie, péripatétisme, géopoétique» au recueil collectif du colloque ayant pour thème la marche et qui s'est tenu à Genève en 2004 (Marche et paysage. Les chemins de la géopoétique, dirigé par Bertrand Levy et Alexandre Gillet, Metropolis, 2007, p. 259-260).

Référence (voir aussi)

Principales occurences

L'anorak du goéland, préface; L'ermitage des brumes, p. 98; «La marche», Temporel, n°3, interview de Kenneth White par Michèle Duclos, mars 2007.

Psychocosmique

Définition

Néologisme désignant le rapport de la Psyche et du Cosmos: «Rêve, vision, imagination. Il ne s'agit pas de luxe, ni de fantaisie, mais de nécessité vitale. Ferenczi parlait de la frustration biogénétique de l'homme moderne. On pourrait parler aussi de sa frustration psychocosmique. La maladie psychique pullule, et on l'enferme dans le psychologisme. Alors que tout ce qu'il faudrait, c'est une petite randonnée extatique de temps à autre...», Une apocalypse tranquille, p. 38.

Citations

«L'homme qui se trouve derrière cette activité cérébrale psychocosmique tout à fait hors-série et qui porte, publiquement, le nom de MacDiarmid, est, en privé, Christopher Murray Grieve», L'esprit nomade, p. 109.

 

«On trouve dans ces livres tout le déplacement culturel que représentait le romantisme, toute sa recherche encyclopédique, psychocosmique…», L'esprit nomade, p. 252.

 

«En d'autres termes, Rivière est en train de parler rhétorique, alors que pour Artaud il s'agit de tout autre chose : de toute une géographie psycho-cosmique indéterminée, de la possibilité, ou non, d'être habité par quelque chose», Le monde d'Antonin Artaud, p. 41.

 

«Whitman possède cependant un rythme, une respiration psycho-cosmique que n'a pas toujours Thoreau», extrait d’un entretien avec Gilles Farcet (Postface à l’ouvrage: Gilles Farcet, Henry Thoreau, l'éveillé du Nouveau Monde, Sang de la terre, 1986, p. 306.

 

«Absolument non formaliste, le shinto ouvre un champ d'énergie sans entrave, présente une économie psycho-cosmique totale», La figure du dehors, p. 221.

Commentaires

White a tiré cette notion du travail d'Henry Corbin: «Plus près de nous, et en des termes plus abstraits, Mircea Eliade parle de l'imagination créatrice, et Henry Corbin de l'imagination active, qui a une fonction "psycho-cosmique"», Une apocalypse tranquille, p. 38.

 

Dans le recueil d’essais, Une stratégie paradoxale, il souligne la vision «cosmo-psychique» de Fourier (p. 117).

 

Dans ses Dérives, White évoque un passage à Anvers. Lors du voyage de retour à Paris, un douanier, méfiant, saisit dans son sac un ouvrage qui a pour titre: Evolution psycho-cosmique, par le professeur Konrad Unckebunck, assisté dans ses travaux de recherche par I.M. Shitraal. Au douanier qui l’interroge sur le contenu de ce livre, le poète répond que l'ouvrage traite de «l'expansion de l'univers considérée d'un point de vue psychique et physique», p. 154.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Une apocalypse tranquille, p. 35, 38; L'esprit nomade, p. 43, 109, 159, 252; La figure du dehors, p. 221; Le monde d'Antonin Artaud, p. 41; postface à l'ouvrage: Gilles Farcet, Henry Thoreau, l'éveillé du Nouveau Monde, Sang de la terre, 1986, p. 306.

Psychocosmogramme

Définition

«On pourrait dire aussi, toujours pour donner une idée de ce travail complexe qui dépasse et la sinologie et la littérature, que la Chine pour Segalen est un mandala, mot que Tucci (Théorie et pratique du mandala) traduit par "psychocosmogramme": un espace cosmique dessiné sur le sol en vue d'un travail psychique. On pourrait dire que, ni sinologue ni littéraire, le travail de Segalen est psychocosmogrammatique», La figure du dehors, p. 208.

 

«Un mandala, c'est un dessin fait sur le sol, à l'intérieur duquel quelqu'un qui a envie de méditer va se situer. Si on voulait traduire mandala, il faudrait dire quelque chose comme "psychocosmogramme". Gramme, c'est quelque chose d'écrit; c'est donc un lieu écrit à l'intérieur duquel la psyché humaine va essayer d'entrer en contact avec le cosmos», Le lieu et la parole, p. 64.

Citations

«Une grande partie des écrits de Michaux consiste en mandalas, c'est à dire en psychocosmogrammes, esquissés, faits de signes, de symboles, d'élans, de chutes, de départs, de rapports, d'accords et de discordances - en vue d'une littérature, d'un langage à venir», Les affinités extrêmes, p. 154.

 

«Le Tibet, ainsi que la Chine et Pékin, est pour Segalen un psycho-cosmogramme, c'est à dire un mandala, mais, pourrions nous dire un mandala sauvage, en dehors de toutes les géographies mentales établies…», Segalen, théorie et pratique du voyage, p. 54.

 

«Pour moi, le monde entier est un psychocosmogramme», Le lieu et la parole, p. 64.

 

«Si je parle de carte mentale, c'est qu'il s'agit d'un monde en puissance, et peut-être faudrait-il parler plus précisément, non de carte, mais de ce que Giuseppe Tucci, étudiant le mandala, appelle psycho-cosmogramme», «Une Atlantide picturale» dans Atlan, catalogue raisonné, Gallimard, 1996, p. 82.

Commentaires

Dans une note de son essai sur Segalen, White cite Tucci: «Voir Giuseppe Tucci, The Theory and Practice of the Mandala, London, Rider and Co, 1961, p. 23: "Un mandala est bien plus qu'une simple zone consacrée qu'il faut préserver de toute souillure à des fins rituelles et liturgiques. C'est avant tout une carte du cosmos. C'est l'univers entier ramené à son plan essentiel, dans son processus cyclique d'émanation et de ré-absorption; l'univers non seulement dans son étendue spatiale inerte, mais en tant que révolution temporelle et en tant que processus vital se développant à partir d'un principe essentiel, tournant autour d'un axe central, le Mont Sumeru, qui est l'axe du monde, et enfonçant ses racines dans les profondeurs d'un substratum mystérieux." Il y a ici conjonction non seulement du dedans et du dehors, mais de la hauteur et de la profondeur, le but de la pratique du mandala étant d'atteindre le bodhi que Tucci (p. 15) traduit par les termes grecs de logos spermatikos», Segalen, théorie et pratique du voyage, p. 97-98. Voir aussi Les limbes incandescents, p. 86.

 

Dans La figure du dehors, on trouve ceci: «Qui connaît encore les possibilités de la biopoétique, de la psychocosmogrammatologie, et du gai savoir de l'activisme surnihiliste?» (p. 81)

Cheminement critique

«K. White considère ses moments, ses textes poétiques en poèmes ou en prose, comme des "psychocosmogrammes" (terme emprunté à l'orientaliste italien Tucci), lieux de rencontre-haïku, éclair, entre la pensée et le monde, sur le modèle du mandala tibétain mais sans arrière-plan métaphysique spiritualiste», Michèle Duclos, Le monde ouvert de Kenneth White, p. 52.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Les affinités extrêmes, p. 154; Une apocalypse tranquille, p. 102; L'esprit nomade, p. 217; La figure du dehors, p. 208, 215; Le lieu et la parole, p. 64; Le monde d'Antonin Artaud, p. 165; Le poète cosmographe, p. 77, 102, 155; Segalen, théorie et pratique du voyage, p. 54, 97-98; Atlan, catalogue raisonné, Gallimard, 1996, p. 82.

Psychogéographie

Définition

Le terme est d'origine situationniste: «Dans le n°2 de la revue [Internationale Situationniste], Debord prend en main cette première formulation un peu molle et en fait une théorie de la dérive: "Entre les divers procédés situationnistes, la dérive se présente comme une technique de passage hâtif à travers des ambiances variées. Le concept de dérive est indubitablement lié à la reconnaissance d'effets de nature psychogéographique et à l'affirmation d'un comportement ludique et constructif, ce qui l'oppose en tous points aux notions classiques de voyage et de promenade." C'est dans ce passage de la dialectique historique à la psychogéographie que le situationnisme nous intéresse le plus», L'esprit nomade, p. 38.

Commentaires

«En évoquant dans Cartographies schizoanalytiques, les "expérimentations" de Fernand Deligny dans les Cévennes en compagnie d'enfants autistes - une des grandes références, sur le plan thérapeutique, de la géopoétique -, Guattari déclare que la méthode d'approche doit être "poético-philosophique". En effet. Mais ce terme double, si on ne veut pas rester dans une dialectique oiseuse, une de plus, ne peut qu'être intermédiaire. Ce qui est à l'horizon, c'est autre chose. "Utopie" et "géophilosophie", dit Deleuze. Pour des raisons que j'ai indiquées, je dis, plus radicalement: atopie et géopoétique», Dialogue avec Deleuze, p. 53.

 

Kenneth White a évoqué également le travail de Deligny dans Géométrie, Géographie, Géopoétique, coll. «Latitudes», n°4, L'atelier du Héron, 2006, p. 26.

Cheminement critique

Michèle Duclos, Kenneth White, nomade intellectuel, poète du monde, p. 241; Géopoétique et arts plastiques, Jean-Jacques Wunenburger, «Art, psychè, cosmos», p. 23-34; Pierre Jamet, Le local et le global dans l'oeuvre de Kenneth White, p. 219, 360.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Le chemin des crêtes, p. 18; Dialogue avec Deleuze, p. 53; L'esprit nomade, p. 38-39, 276-277.

Psychomental

Définition

Le terme est déjà utilisé en psychologie.

 

«Que le psychisme, que le fonctionnement du cerveau soit complexe, c'est l'évidence même. Ma position n'est pas celle d'un petit rationaliste sec, ce que je vise c'est une grande raison. C'est à dire un fonctionnement psychomental qui dépasse la division rationnel-irrationnel, conscient-inconscient», Autre Sud, n°45, juin 2009, p. 35.

Citations

«Les limbes incandescents rapportent tout un processus de transformation. Les sept chapitres sont autant de lieux qui représentent des stades dans un itinéraire psychomental, jusqu’à la dernière maison intitulée "le cabinet de la méditation blanche". Mais tout cela se passe dans les rues de Paris, et dans de petites chambres. Je "désexotise" le yoga. Mais il y a effectivement cette dimension que la pratique littéraire courante, ordinaire, ignore», Le lieu et la parole, p. 96.

 

«Ainsi donc, j'emploie le terme "hyperboréen" dans deux sens apparentés: 1. Pour désigner l'homme qui, sur la base d'une révolte instinctive, entreprend une critique radicale de notre civilisation, qui lui apparaît gravement déficiente, et qui en outre s'est engagé dans une traversée vers quelque chose d'autre. 2. Pour désigner le complexe culturel circumpolaire nord-occidental et psychomental dont les premiers Grecs avaient eu vent, mais qui fut plus tard obscurci par l'hellénisation, la romanisation, et la christianisation [...]», Une stratégie paradoxale, p. 73.

 

«Que se passa-t-il là-dedans? / quel théâtre psychomental? / a-t-il fumé d'étranges herbes dans le noir? / était-il carrément stoned?», «Le maître du labyrinthe», Atlantica, p. 45.

 

«En 1939, René Daumal publia, à Paris, La grande beuverie, une satire féroce des aberrations psycho-mentales, culturelles et civilisationnelles de l'humanité», Kenneth White, Poétique de la montagne, coll. «Latitudes», n°1, Les Editions du Héron, 2003, p. 16.

Commentaires

Dans la postface à l'édition Eibel de Terre de diamant, intitulée «Signes du monde blanc», White évoque son intérêt pour des ouvrages d’ethnologie: «Je me trouve plus près de ce "monde réel", je trouve des notions et des actes beaucoup plus parallèles à l'intention de tout mon être, en me plongeant, par exemple, dans La Culture Intellectuelle des Esquimaux Iglulik de Rasmussen, ou Le complexe psychomental des Toungouses de Shirokogorov, qu'en lisant, à de rares exceptions près (il y a une sorte d'archipel d'esprits radicalement actifs), la littérature de notre époque», Terre de diamant, Eibel, p. 171. Voir Psychomental Complex of the Tungus by S. M. Shirokogorov, 1935, Kegan, Paul, Trench, Trubner, London (Shirokogorow est un ethnologue russe spécialisé dans l'étude des Toungouses et notamment leurs pratiques chamaniques).

Cheminement critique

Anne Bineau, «Le chaman du monde blanc ou le primitivisme dans l’œuvre de Kenneth White» dans Le monde ouvert de Kenneth White, p. 177-207.

Référence (voir aussi)

Principales occurences

Atlantica, p. 45; La figure du dehors, p. 149; Le lieu et la parole, p. 96; Une stratégie paradoxale, p. 73; Autre Sud, n°45, juin 2009, p. 35; La poétique de la montagne, coll. «Latitudes», n°1, p. 16.

Psychotexte

Définition

Terme forgé par l'auteur: «Au début, le but du surréalisme n'était pas de "faire de la poésie", c'est pour cela que les gens qui disent que le surréalisme n'a pas produit de bonne littérature, n'ont rien compris au surréalisme. Je ne considère pas la plupart des textes surréalistes comme des poèmes, mais bien comme des psycho-textes avec un but thérapeutique, surtout pour celui qui les a écrits. Par contre, ce qu'il y a d'essentiel se trouve du côté du "fonctionnement réel de la pensée" en dehors de la niaiserie artistique et de la sclérose discursive. Essayer d'arriver à un champ clair et fluide... Breton y arrive quelquefois dans son existence, non pas quand il est en train de discuter dans les cafés parisiens, mais par exemple quand il ramasse des cailloux dans la rivière Lot», Le poète cosmographe, p. 82.

Citations

«Si j'estimais que l'écriture automatique pouvait être une pratique libératrice, je n'ai jamais songé à la prendre comme base d'une poétique (s'agissant de surréalisme, je préférais parler de "psychotextes" que de poèmes)», Les affinités extrêmes, p. 118.

 

«Mais si on les lit, accumulées [n.b.: les images surréalistes], dans ce que j'aimerais appeler un psychotexte surréaliste, je pense qu'elles gardent la faculté de déconcerter, de dévoyer et de délier l'esprit, ce qui, vu la pesanteur du "monde réel" et la quantité d'images unidimensionnelles qu'il véhicule, n'est pas dénué de valeur», Le plateau de l'albatros, p. 59.

Commentaires

Même si White s’est toujours déclaré très proche du surréalisme, publiant certains de ses premiers texte dans La Brèche, une revue surréaliste (n°8, novembre 1965), il n’a jamais appartenu au mouvement.

 

On pourra se référer à ce sujet à l’étude de Georges Amar, «Du surréalisme à la géopoétique» (Cahiers de géopoétique, n°3, p. 9) et au témoignage récent de White sur ses rapports avec le surréalisme et surtout sur ses relations avec sa figure tutélaire, André Breton (Les affinités extrêmes, p. 97).

Cheminement critique

«Plutôt que de "poème" surréaliste, Kenneth White a toujours parlé, dans le cadre de la stricte écriture automatique, de "psycho-texte"», Georges Amar, Cahiers de géopoétique, n°3, p. 16. Pierre Jamet, Le local et le global dans l'oeuvre de Kenneth White, p. 112-114.

Principales occurences

Les affinités extrêmes, p. 118; Le plateau de l'albatros, p. 59; Le poète cosmographe, p. 82.