Mirage. Ultime mouvement

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Le mont Uluru, la nuit, est une masse indistincte.
Déjà peu loquace, il se tait quand la terre poursuit sa rotation et que notre regard, n’ayant plus à se protéger de ce soleil qui donne vie et lumière, se perd dans l’infinité de l’univers.
Il nous rappelle que le Temps du rêve est un mythe, que son ère est ancienne et que ses figures ne nous apparaissent plus qu’à travers d’innombrables distorsions qui en brouillent les traits, peut-être même jusqu’à l’anamorphose.
Le mont Uluru est un mirage qui, la nuit, retourne là où se terrent les illusions.
Et le savoir auquel il semblait donner accès, cette révélation d’une relation nécessaire entre des termes issus de cultures et de philosophies différentes, se retrouve fragilisé.
Mais la fragilité est le propre de l’existence.

*

Uluru…
Le temps du voyage est depuis longtemps passé. Et le mont est retourné dans cette cage à souvenirs que d’aucuns nomment la mémoire.
Une cage comme un panier percé.
Déjà, il n’y reste plus que des miettes.

*

(Saint-Sauveur, dans les Laurentides)
À force de regarder la clairière devant ma fenêtre, à force  de laisser mes yeux en découper les contours, la clôture de perches de cèdre, les lupins, les iris et les lys qui en ponctuent les angles, les épinettes fragiles, les cordes de bois qui délimitent le terrain, elle s’est imprégnée dans mon esprit. Même si je ne suis plus devant ma fenêtre, je n’ai qu’à fermer les yeux pour en revoir les couleurs et les formes.
Le paysage m’habite tout autant que je le hante.
En cela, son souvenir est beaucoup plus stable que l’est celui du mont Uluru, que je n’ai vu que quelques heures.
Les photographies sont là pour témoigner de ma présence à ses pieds. Mais le mont n’est plus qu’un mirage de couleurs et de formes assoupies dans mon esprit. Je ferme les yeux et je ne le vois plus. Je cherche à travers mes souvenirs, et je ne capte que de fragiles spectres sans importance.
Sa présence en moi est liée au fait que mon bref séjour sur ce continent a permis un rapprochement que rien ne me permettait d’anticiper. Sa présence ne prend plus la forme d’une image ou d’un moment de vie, mais d’une parole et d’un discours, témoins hésitants d’une révélation maintenant évanouie.
Il ne reste plus que de faibles traces d’un processus dont le propre est de n’en laisser aucune.

*

Uluru.
Certains noms portent un mystère, comme si la nuit qui les entoure jamais ne relâchait son étreinte.

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