Tel que promis (lors de la dernière entrée), voici la première des neuf queues d’Hubert Gariépy, telle que rédigée par Rémy Potvin (reproduit vraisemblablement avec la permission de l’auteur).
Imaginez, histoire de planter le décor, l’auteur, Rémy et son ami, Hubert, assis au bar de l’île noire (je ne sais pas s’il s’agit de l’ancien local sur la rue Ontario ou du nouveau sur la rue Saint-Denis ; disons, pour trancher, l’ancien). Le bar est bondé, Hubert remarque une femme… remarquable, et déclare, de son rire rabelaisien, « Toutes ces femmes, et une seule queue ! » Ce à quoi répond Rémy : « Que ferais-tu si tu en avais neuf au lieu d’une seule ? Neuf queues ? » Hubert ne répond pas immédiatement, il laisse filer quelques pintes qui descendent comme du sable, puis entreprend de décliner ses neufs queues.
Q1
— La première queue, finit par dire Hubert en prenant un air de conspirateur, sera une queue de sécurité.
— Une queue en forme de marge de crédit ? Comme ça, si jamais tu épuises tes réserves, tu auras des fonds disponibles ?
— Très drôle…
— Je te reconnais là : mon éditeur, l’homme du plan B.
— C’est mieux que d’être une tête brûlée.
— Ta queue de sécurité est un corps de réserve ! Quand l’originale tombe au combat et ne peut plus se relever, tu l’appelles en renfort…
— As-tu fini ? Je pensais plutôt à une sauvegarde informatique.
— Comme un ordinateur ?
— Oui, elle serait l’ultime protection, si jamais tout lereste s’enrayait. Tu le sais comme moi, avec les machines, il faut toujours prendre ses précautions.
— Neuf queues… et ta première serait une queue de sécurité ?
— Si je veux m’éclater avec les huit autres, je préfère commencer par en mettre une de côté.
— Pas très excitant, ton choix.
— Mais nécessaire. C’est la queue qui assure la perpétuation des queues.
— Tu parles d’une queue étalon ?
— Comme la verge, oui. Mais plus en même temps. C’est une queue en forme de ruban de Möbius. Une queue qui se continue d’elle-même et qui fait en sorte que la série ne s’arrête jamais.
— Tu parles d’une queue de serpent !
— Tu penses à l’Ouroboros. La mienne ne fait pas dans le cannibalisme, c’est par sa nature même qu’elle assure la perpétuation des queues. Le raisonnement est simple. Si jamais toutes les queues venaient à disparaître ou à dépérir à la suite d’une longue maladie, il en resterait toujours une, l’ultime queue, la queue de la fin des queues. Elle serait protégée dans un coffre-fort, enrubannée de soie et logée dans un écrin à température contrôlée électroniquement. Le coffre-fort serait, quant à lui, déposé dans une chambre scellée hermétiquement à plus de cinq mètres du sol. Il serait muni d’une porte capable de résister à une bombe atomique.
— Il faut dire nucléaire. Parce que tout est atomique. Une bombe atomique, ça ne veut rien dire. Ton chandail est atomique, ta queue est atomique.
— Qu’est-ce que tu racontes ? De toute façon, on s’en fout ! Atomique ou nucléaire, à fusion ou à fission, l’important est de prévoir. Je disais donc : une porte capable de résister à l’onde de choc et aux radiations d’une bombe. Si jamais l’humanité entière devait disparaître, il resterait au moins une queue pour relancer l’espèce. Ce serait la queue du début d’une nouvelle humanité.
— Et comme ce serait ta queue, tu en serais le dieu.
— Évidemment. On me vénérerait comme le début de toutes choses. Je serais le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
— Le Phallus Hubertus…
— L’origine du monde. Hé ! Hé !
— Il y a un hic à ton raisonnement.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Pour que ta queue essaime à tout vent, après un désastre planétaire, cela te prend un complément. Il te faudra des femmes, et pas n’importe lesquelles. Des femmes en état de procréer. Parce que, s’il ne reste que ta queue, et pas une seule femme pour compléter le cycle, tu n’iras nulle part. La planète restera une terre stérile. Une queue seule ne peut enfanter le monde.
Fin de la Q1
(et pour amadouer l’auteur, rien de tel qu’un peu de publicité… On trouvera donc à la suite de ses queues quelques-uns de ses vieux titres parus aux éditions aléatoires.)