Voici maintenant la troisième des neuf queues d’Hubert Gariépy, telle que rédigées par Rémy Potvin (texte reproduit de plus en plus avec la permission de l’auteur). Je me permets, à ce sujet, de faire remarquer à mes lecteurs que je ne suis ici que le messager. Ce sont les textes de Rémy que je publie, et non une quelconque élucubration de ma part. Je ne suis pas en train de perdre ou de m’enfler la tête, je rends service. Ce n’est pas la même chose.
Or donc, attablés devant des Black and Tan et des verres de Glenmorangie, Hubert et Rémy regardent la faune locale. Toutes ces femmes et une seule queue, oui. Décidément, c’est une manie.
Hubert reprend son énumération.
— Ma quatrième queue sera ornée. Une queue baroque, rococo à ses extrémités, avec des tatouages jusqu’au bout du gland. D’immenses dessins en feront le tour.
— Un tatouage sur ta queue ?
— Imagine un arbre ou une plante qui prend racine dans mon sexe et qui se développe à la grandeur de mon corps. Pas un tatouage cheap fait dans un tattoo parlour de la rue Sainte-Catherine. Non, un tatouage dessiné par un artiste, une forme ésotérique aux pouvoirs insoupçonnés. J’irai chercher les encres dans les endroits les plus reculés. En Malaisie et en Thaïlande. Le bleu viendra de Turquie, le rouge, du Pérou, et le vert, des forêts amazoniennes.
— Ça servira à quoi ?
— Tu te souviens de L’homme tatoué de Ray Bradbury, le recueil de nouvelles ? Les personnes qui contemplaient les tatouages du héros étaient projetées littéralement dans l’histoire qui en était à l’origine. Elles étaient hypnotisées et revivaient les scènes comme si elles y étaient.
— C’était une fiction…
— Mes neuf queues aussi ! Et celle-là sera au cœur d’une œuvre d’art. Je vois des lignes rouges et noires, des dorures et des veines nacrées, comme si mon sexe était un arbre de vie. Et ce n’est pas tout. J’ajouterai des boucles et des piercings. Des tiges d’acier qui traverseront le gland et des anneaux de métal qui encercleront les testicules. À la base de ma verge, je me ferai mettre des cerceaux, tu sais, comme les femmes en Afrique qui se font étirer le cou avec des colliers.
— Tu ne penses pas que cela fera fuir les femmes ?
— Au contraire. Ma queue ainsi dotée sera une merveille et les femmes ne pourront s’empêcher de vouloir l’adorer. Il suffira qu’elles en aperçoivent ne serait-ce que l’ombre pour les faire entrer en transe. L’aura dema queue, spécimen unique au monde, sera incommensurable ! On en fera une religion. On viendra prier à mes pieds. C’est la nouvelle incarnation du Phallus Hubertus.
— Tu y vas fort.
— Ma queue tatouée deviendra le symbole par excellence de la culture et, ainsi, de l’idéal humain. Qu’est-ce qui nous sépare de l’animal ?
— Pas grand-chose, si j’écoute ma blonde…
— C’est la culture. L’art. Nous maquiller ou nous tatouer le corps sont des façons de signifier notre appartenance non seulement à un groupe, mais plus fondamentalement encore à l’espèce humaine. Ma queue tatouée sera l’incarnation même de notre espèce ! Ce n’est pas rien, je t’assure.
— Tu ne crains pas d’avoir l’air ridicule ?
— Et les Maoris ? Leurs tatouages enveloppent leur corps comme un gant. Le mien sera simplement orné en plus d’or et de jade. Je serai un dieu.