Le blogue littéraire: nouvel atelier de l’écrivain

Le blogue littéraire est le nouvel atelier de l’écrivain et il s’impose de plus en plus dans les pratiques d’écriture. Le blogue est un espace de création textuelle authentique. Il est la contrepartie, en culture de l’écran, du journal intime ou du journal de création et représente l’une des principales formes de la renégociation des lieux de partage de l’espace littéraire, traditionnellement occupé par le livre et ses dérivés.

La fonction du blogue littéraire n’est pas simplement d’être une publication, voire une pré-publication, mais un espace accessible à tous, quoique discret, de création, de réflexion et d’écriture. Sa diffusion fonctionne sur un mode restreint, mais sa présence sur Internet lui assure une pérennité qui viendra, avec le temps, confirmer son intérêt et sa valeur, quelle soit littéraire ou non. Il peut donner lieu à des créations accomplies, à des œuvres en soi, personnelles ou collectives, mais sa fonction première est de permettre une exploration des modes d’écriture, de la même façon que le journal intime et le carnet d’écrivain le font.

La publication ou la mise en scène de ces écrits d’apparence personnelle ne gêne pas; au contraire, elle fait partie de l’équation. Ce n’est pas de l’exhibitionnisme, mais l’expression d’un principe identitaire nouveau au cœur de l’imaginaire contemporain.

Le blogue littéraire favorise, de plus, la création de micro-communautés littéraires, actualisées par les listes de liens à d’autres blogues. Ces micro-communautés engendrent parfois des jeux d’écriture collective ; mais, surtout, elles sont centrales au maintien de la littérature comme pratique culturelle majeure et, plus globalement, comme projet social.

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9 commentaires

  1. Le 3 décembre 2010 à 11 h 37 min | Permalien

    L’inconvénient du blog, c’est peut-être qu’à long terme, il ne deviene qu’un simple support à l’imagination.

  2. Le 3 décembre 2010 à 14 h 38 min | Permalien

    tout à fait d’accord — parce que le web est _aussi_ un immense groupe de lecture.

  3. Paulette
    Le 3 décembre 2010 à 19 h 25 min | Permalien

    À bien y penser, je ne suis pas (plus) d’accord avec l’idée même de « blog littéraire », je trouve cela réducteur. Je veux dire : le blog « est » bien ce que chacun a envie qu’il soit. Je ne crois pas aux impératifs de ce qu’il est (ou doit être, ce qui revient au même dans ton texte), ni à la définition de ses fonctions, du moins, pour l’instant. Et même en lisant ton texte, je ne suis pas certaine de pouvoir dire que tel blog est « littéraire » et un autre non. Est-ce un petit nom pour un groupe restreint de blogueurs qui, eux, ont étudié la littérature ou écrivent des romans?

    Le blog, pour moi, c’est la diversité et c’est ça qui est beau. Il est l’atelier de tous ceux qui ont bien envie de l’explorer. Il peut bien être de l’exhibitionnisme, pourquoi pas? Je ne m’identifie pas à cette idée de « communauté littéraire », c’est certain, mais simplement à une communauté de « blogueurs » avec qui j’échange moins dans mes posts que dans les commentaires, pas sur leur écriture, mais sur la vie en général.

    « Pour moi, le blogue, c’est un journal de pensées. C’est tout simple. Je lis des livres et des blogues parce que je veux connaître l’être humain qui écrit et qui a des choses à dire. »

    Albertine Bouquet

    Peut-être que le terme de blook ou blouquin se prêterait mieux à ta définition…Enfin, ça permettrait d’ouvrir un peu plus la définition et la pratique du blook qui me semblent un peu « restreintes » à l’heure actuelle plutôt que d’enceindre ou d’étiqueter la pratique du blog « littéraire ». D’ailleurs, je parlais de ton travail, de l’interférence entre tes blogs et romans, comme une pratique créative du blouquin (sans réduire à cela, bien sûr) :

    http://www.facebook.com/pages/Magazine-electronique-du-CIAC/307965768489?ref=ts#!/notes/magazine-electronique-du-ciac/cliquer-ici-pour-voir-larticle-en-entier/169167156451185

    Je sais pas, ça me titille ce genre d’impératifs. La blogosphère, c’est pas une affaire universitaire…

    • Bertrand Gervais
      Le 3 décembre 2010 à 19 h 52 min | Permalien

      Je comprends tes hésitations. Disons que je cherche à qualifier les entrées d’un blogue et à tenir un discours à des écrivains pour qui cette forme est encore à définir. Je tente d’en valoriser la pratique, ce qui implique d’opter pour un vocabulaire et des associations (blogue et journal intime, par exemple). Pour moi, de toute façon, le terme de « littéraire » ne renvoie pas à une valeur, mais à une attitude, à un intérêt pour le texte, que ce soit sa production ou sa réception. Je tiens le même discours depuis Lecture littéraire, mon essai de 1998 sur la lecture et l’interprétation. Chez moi, c’est un terme qui ne cherche pas à réduire et à éteindre, mais à dynamiser et à ouvrir. Et ce que j’aime des blogues, c’est bien ce que dit Albertine Bouquet que tu cites: c’est un journal de pensées, une manière d’appréhender le monde, d’entrer en relation avec les gens, les textes, les productions contemporaines. C’est un espace de création et de réflexion. Je donne à ce type de pratique ou d’espace le statut de « littéraire », afin de valoriser le terme même, trop souvent retranché dans le château fort et à moitié abandonné de l’Institution.

  4. Lucie
    Le 3 décembre 2010 à 22 h 06 min | Permalien

    Très bien dit tout ça. J’approuve !!!

  5. Loïc
    Le 6 décembre 2010 à 14 h 41 min | Permalien

    Intéressantes réflexions que celles-ci, y compris dans ses commentaires. En voici quelques autres, dans le désordre…

    L’appellation « Blogue littéraire » ne me semble pas sans portée, mais il me reste l’impression que sa forme est encore à inventer. On pourrait qualifier ainsi des blogues entretenus par des auteurs (mettons, « Vacuum II » de Christian Mistral), à cette exception que je n’ai pas vu encore de blogue qui se présente d’évidence comme un atelier à fiction(s). La forme du blogue semble prêter naturellement l’écrivain à faire un travail d’«écrivant», s’inventant au jour le jour tantôt comme autobiographe, ou critique littéraire, ou chroniqueur. Le pseudonyme autorise les coups de gueule; l’identité ouverte, un certain réseautage et un effet de communauté, mais la fiction proprement dite reste en périphérie (hormis les fictions de soi), rarement échantillonnée, et encore moins principe vocationnel d’un blogue tout entier. (Je trouve quant à moi cet interface fort pratique pour composer des nouvelles ou des essais (1 projet = 1 blogue), parce qu’il facilite le découpage d’un texte d’une certaine ampleur en petites unités sur lesquelles travailler séparément, et le déplacement de ces unités dans la structure globale du texte, mais compte tenu de leur nature de chantier de travail, j’en garde encore l’accès restreint à moi-seul.)…

    Je ne crois pas avoir trouvé, de par ma maigre expérience, de blogue qui entre de plein pied dans la fiction. On pourrait en imaginer pourtant. On pourrait concevoir un Nabokov qui s’ouvrirait un blogue intitulé « Les carnets de prison d’Humbert-Humbert » et postant des entrées dont la somme s’appellerait « Lolita ».

    Il me semble qu’il y a une rétention, du côté du blogue, par rapport à la fiction, mais aussi de l’extension identitaire, en ceci que, quelles que soient les personas parallèles qu’y emprunte un auteur, celui-ci entreprend rarement aussi d’appliquer le principe de Céline, ainsi formulé, je crois: « il s’agit de se recouvrir soigneusement et entièrement de merde. »

    La négativité dans le rapport à soi n’est pas fréquente. Peu de mésaventures, peu de tonalités pathétiques, aucune entrée encore que j’aie pu voir qui commencerait ainsi, par exemple: « chers lecteurs, désolé de m’être absenté un mois; je venais de rater ma tentative de suicide et j’ai été hospitalisé tout ce temps-là. But now I’m back! » (Que cela soit vrai ou faux, d’ailleurs.)

    Comme quoi il y a peut-être des formes et des thèmes qui demeurent la chasse gardée du livre…

    Loïc C.

    • Bertrand Gervais
      Le 7 décembre 2010 à 18 h 29 min | Permalien

      Sur la possibilité de faire de la fiction à partir d’un blogue, j’ai le goût de renvoyer à mon propre petit projet qui s’est déployé sur Internet tout au long de la rédaction de la trilogie L’île des Pas perdus. Un des personnages de ce cycle, Eric Lint, le titulaire de la chaire de recherche en littérature transgénique, un savant fou version littéraire, a eu son site web entre novembre 2006 et décembre 2008 où il tentait de convaincre la population de l’efficacité de son protocole translit, censé sauver la littérature du marasme actuel. C’était un véritable projet de fiction, un peu comme si Nabokov avait ouvert, comme tu le dis, un blogue intitulé “Les carnets de prison d’Humbert-Humbert”. La grande différence est que je ne suis pas Nabokov (zut de zut) et que mon Eric Lint n’a réussi à séduire personne! La somme s’intitulera, si jamais j’ai du temps pour compléter le projet, « Des derniers événements survenus à la Chaire de littérature transgénique, Eric Lint, titulaire ».
      Je me dis que le blogue, tout comme son ancêtre, le livre, finira bien par accueillir des formes complexes et accomplies.

  6. Loïc
    Le 7 décembre 2010 à 19 h 37 min | Permalien

    rebonjour,

    Oui, j’ai repensée au blogue d’Eric Lint, mais après avoir envoyé mon post. C’est bien un exemple pertinent… Duquel peuvent se poser certaines questions, d’ordre processuel p.ex; à quel point y avait-il un plan et comment la forme du blogue l’a-t-il fait dévier (= plus ou moins que d’habitude?). Puis vient la question du constat (temporaire pê, avant la revanche) de l’échec du projet: ce candide de l’institution contemporaine (et blogueur) s’est-il volatilisé faute de lecteurs? Ou pour une autre raison? Compte tenu qu’un écrit, avant publication, est encore moins populaire que nombre des moins populaires des blogues, en quoi le manque de lecteurs quand c’est « en ligne » menace-t-il de PRÉCIPITER la mort d’une création? Était-elle suffisament prise au sérieux par son créateur? La forme du blogue elle-même encourage-t-elle le créateur à ne pas la prendre au sérieux, spécifiquement quand elle doit correspondre à des paramètres fictionnels?

    Je me suis souvenu ultérieurement aussi, dans un aut’ genre, Stephen King a tenté l’expérience du roman en ligne…, genre « serial », poursuivi pourvu qu’il génère assez d’argent (de dons de lecteurs) pour amortir les coûts (ou quelque chose comme ça, j’ai oublié si les profits étaient impliqués). Là encore quelque chose ne « prenait » pas dans la mayonaise…

  7. Paulette
    Le 8 décembre 2010 à 11 h 44 min | Permalien

    À vous lire, Loïc et Bertrand, soit l’appellation « blog littéraire » est un pléonasme (tout blog est d’emblée littéraire), soit elle est synonyme et « ouverture » de blouquin ou blook (interférences entre roman et blog, atelier de l’écrivain). Je ne vois toujours pas la pertinence d’utiliser le terme « blog littéraire » pour définir une pratique concrète…Selon ta définition de « littéraire » (qui n’est pas celle du dictionnaire, donc pas celle que la moyenne des gens connait) tout blog est littéraire, c’est-à-dire que tout blog porte un intérêt pour le texte : ET pour bien d’autres choses que le texte! On est dans l’hypermédia…

    Si on dit « blog littéraire » parce qu’on veut étudier l’aspect « littéraire » dans certains blogs, c’est une chose, mais si ont « tag » la pratique du blog de « littéraire » avant tout le reste, c’est autre chose. Ça ouvre peut-être le terme « littéraire », mais ça referme celui de « blog ». Enfin, le « blog littéraire », ça demeure pour moi plutôt une lorgnette, un champ d’étude…Quelque chose d’abstrait.

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