Si on veut lire le texte que j’ai écrit en marge de mon entrée « Le sacrifice selon le DVG« , on peut se reporter au site de l’OIC, où il a été publié.
En voici les premiers paragraphes:
Quand j’ai lu pour la première fois René Girard au début des années 80 (dans un cours donné par André Vanasse sur la poétique de Dostoïevski), la portée de ses hypothèses sur le désir triangulaire, ainsi que sur le bouc émissaire et la crise sacrificielle dans les sociétés antiques m’avait grandement impressionné. J’admirais l’efficacité de ses thèses et l’éclairage immédiat qu’elles apportaient sur un état social sur lequel je ne m’étais pas encore interrogé, mais qui a, depuis, pris place au cœur de mes recherches. Cet état, c’est la crise et la violence qui lui est associée.
Je n’ai pas travaillé sur les sociétés anciennes à la manière de Girard, j’ai opté plutôt pour les formes contemporaines de la littérature et de la culture, mais la notion de crise m’a semblé pouvoir s’appliquer d’une façon tout aussi efficace. J’avais remarqué, par exemple, qu’on ne cessait de la reprendre, cette notion, et de la réintroduire à tout propos : crise de tout et de rien (crise du pétrole des années 70, crise de la masculinité des années 80, crise de la fin du livre des années 90, crise du passage à l’an deux mille, crise économique, crise politique – je donne ces exemples pour montrer le spectre très large de son utilisation). Elle apparaissait vraiment comme un leitmotiv. À tout moment, pour tout sujet, la crise était invoquée, façon de marquer l’urgence d’une situation et la nécessité d’agir. Frank Kermode avait déjà déclaré à cet effet que « C’est une particularité de l’imagination de se croire toujours à la fin d’une ère. » Ce à quoi, on se doit de répondre : c’est une particularité de l’imaginaire contemporain de se croire toujours en état de crise.