Naked City redux. Épitaphe (20/20)

Dernier épisode: Naked City Redux. Éclipse encore (19/20)

 

Sur ces mots se termine Naked City Redux, texte de 1979.

La dernière feuille de la liasse était déchirée aux trois quarts. Je n’ai aucun moyen de savoir si le récit se poursuivait au-delà de ces derniers mots ou si d’autres pages complétaient l’ensemble. J’ai examiné avec soin l’agrafe, elle ne m’a rien révélé de précis. Le métal était en partie rouillé et le papier légèrement taché; c’est tout.

Je m’étais habitué, avec les années, à cette fin ouverte, à ce personnage sans nom trimballé en camionnette, aveugle au destin qui se prépare. Des REPRÉSENTANTS s’occupent de lui. Je l’imagine encore sur la rue Dorchester, avant qu’elle devienne René-Lévesque, à l’angle de la rue Saint-Denis, au coin de l’hôpital Saint-Luc. Il fait froid. Le temps est maussade. La vie hésite.

Ma transcription, lente et laborieuse, est maintenant complète.  Duncan est mort et mon narrateur se laisse mourir, incapable de suivre les mouvements de sa propre pensée. Que voulais-je faire en reprenant ce récit vieux de plus de trente-cinq ans? Je ne sais plus. Revisiter le passé, c’est certain. Retrouver un peu de ce désespoir qui m’habitait et que je regarde maintenant comme une contrée depuis longtemps quittée. Assurément. Mais quoi d’autre?

Un demi-siècle sépare l’univers de Duncan Kleist du mien. Naked City, la série télé, était diffusée sur l’une des trois chaines américaines que le câble permettait de syntoniser. J’écris ces notes directement à l’écran et elles sont destinées à un site web. Je ne regarde plus la télé depuis des années. Les beats sont de l’histoire ancienne.

Pendant que mes doigts pianotaient sur le clavier, j’écoutais en boucle le vieux disque de King Crimson, In the Court of the Crimson King. Ce microsillon de 1969 ne m’a jamais quitté. Les chansons y sont complexes, tragiques et la voix de Greg Lake leur donne une liquéfiante gravité. Sur « Epitaph », qui résonne encore dans mes écouteurs, elle devient même lumineuse. C’est l’hymne que chantonne mon héros, seul dans sa cellule recouverte d’yeux. Les paroles en sont apocalyptiques et elles résument sans peine le sentiment qui l’habitait. Qu’en reste-il maintenant? Je ne sais quoi répondre. Rien n’est plus fugace qu’une impression.

Confusion will be my epitaph
As I crawl a cracked and broken path
If we make it we can all sit back and laugh,
But I fear tomorrow I’ll be crying,
Yes I fear tomorrow I’ll be crying
Yes I fear tomorrow I’ll be crying.

 

 

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