Une lecture mémorable

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Ce n’est pas tous les jours qu’on lit un roman qui nous happe. Littéralement. La lecture de Argyle Street de Rémy Potvin (Montréal, éditions Gariépy, 2008) a été pour moi comme un typhon qui m’a aspiré. Je l’ai lu tout d’une traite, malgré mes corrections en retard et toutes ces demandes de bourse que je dois traiter.  L’auteur a écrit sur la quatrième de couverture qu’il voulait écrire un livre monde dans lequel le lecteur pouvait se perdre, je peux témoigner qu’il a su relever son pari. Ce n’est pas à tous les jours qu’on peut l’affirmer.

Le plus étrange est que je n’ai lu aucune critique, le roman semble être passé inaperçu. J’ai même trouvé mon exemplaire dans une librairie de seconde main sur la rue Maisonneuve. J’ai été attiré par le titre du roman, Argyle Street, qui fait référence à cette rue de l’ouest du centre-ville de Montréal. Elle commence à la rue Guy  et se termine  au métro Lucien L’allier, tout près de l’entrée de l’autoroute Ville-Marie. Quelle idée de situer un roman sur ce bout de rue sinistrée et sans valeur!

Mais le meilleur romancier, c’est bien connu, sait tirer d’un désert un oasis, et il n’y a pas de mauvais sujet.

Le roman est construit sur le canevas des Tableaux d’une exposition de Moussorgski. Il est ainsi composé de dix chapitres qui reprennent de façon métaphorique les tableaux de cette œuvre, et de cinq promenades. Les promenades sont faites de monologues intérieurs, ceux de Valérian, un jeune étudiant. Il habite sur la rue Argyle et il prend le métro tous les jours pour se rendre à ses cours d’histoire de l’art de l’UQAM. Ce que nous savons, dès que nous lisons les premières lignes du roman, c’est que le jeune Valérian a été retrouvé mort dans la station de métro, l’une des plus profondes de Montréal. S’est-il suicidé? A-t-il été jeté en bas par quelqu’un? Qui pourrait lui vouloir du mal? Les cinq promenades en flux de conscience nous donnent droit aux dernières heures de vie de l’étudiant. Ses pensées, ses aspirations, ses dernières lectures, ses craintes. L’influence de Virginia Woolf est importante.

Les chapitres intercalaires nous font suivre un vieil écrivain, qui habite dans un demi sous-sol à quelques pas de l’appartement de Valérian. Insatisfait des conclusions hâtives de la police, qui a cru au suicide, il a décidé de mener une enquête sur la mort de son jeune voisin. Il faut dire qu’il a retrouvé le porte-monnaie de Valérian dans une des poubelles de la station, vidé de ses cartes de crédit et de son argent.

Rémy Potvin réussit à reconstruire cette partie de la ville aux alentours des années 80, une période de dépression économique. On suit Olivier, l’écrivain, dans ses pérégrinations. On le voit faire ses courses sur les rues Mackay et Mountain. Il fréquente la librairie Chapters sur la rue Ste-Catherine au coin de Crescent. Un jour, traversant le boulevard Dorchester, il continue sur Overdale plutôt que d’aller prendre Lucien L’allier. Il aime les maisons victoriennes de cette rue, même délabrées. Des promoteurs immobiliers ont entrepris de les acheter afin de les raser pour construire des condos. Olivier participe à la coalition de citoyens qui s’opposent au développement. Il a pris l’habitude de passer sur la rue pour vérifier que rien ne s’y produise. La rue fait un coude et, après quelques pas, en tournant vers la gauche, il aperçoit une femme, menue, au teint très pale et aux cheveux d’un blond doré, descendre presque à reculons l’escalier et trébucher contre un pot de grès. Sa tête frappe une voiture stationnée. Olivier s’empresse de lui venir en aide. Comme elle tient des propos incohérents et qu’elle semble horrifiée à l’idée de retourner dans la maison, il décide de l’amener chez lui. Elle se laisse faire, démoralisée par le drame qu’elle vit. Olivier la calme, lui donne un cognac. Puis, il panse sa blessure. Les choses prennent un tour un peu plus intime par la suite.

La femme, évidemment, connaissait très bien le jeune Valérian. Je m’arrête pour ne pas vendre la mèche comme on dit. Mais l’enquête vaut la peine qu’on la suive. Et le roman se lit comme un polar postmoderne.

Je vais essayer de rencontrer l’écrivain.

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Un trackback

  1. Par Argyle Street : réconciliation, injure et trahison le 15 août 2010 à 17 h 27 min

    [...] individu, Hubert Gariépy est le nom de l’éditeur de Rémy Potvin.  C’est lui qui a édité Argyle Street.  J’espère seulement qu’il a un bon sens de l’humour, car son ami n’y est pas allé avec [...]

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