Naked City Redux. Quatrième mouvement, dit de l’interrogatoire (9/20)

Dernier épisode: NCR. En attendant la suite de l’épisode-III (8/20)

 

-  Je n’irai pas par quatre chemins, me dit le REPRÉSENTANT. Un seul me suffit. (IL SE FAIT CRAQUER LES JOINTURES) Vous étiez dans l’autobus à huit heures et quart, vous avez pris le métro afin de vous rendre à l’université, et pendant le trajet, vous avez eu l’audace de vous amuser, n’est-ce pas? Vous n’êtes pas resté les mains mortes, non non non, vous vous êtes amusé, amusé aux dépens d’une collégienne qui ne vous avait rien demandé, elle ne savait même pas que vous étiez là, juste devant elle, car j’ai un témoin, je sais tout, vos actes ne sont pas passés inaperçus, une fidèle associée, membre d’une importante firme d’actuaires, je n’en dirai pas plus – franchement!, pensiez-vous vraiment que nous allions laisser tous ces gens prendre les transports en commun sans les surveiller, sans avoir une oreille discrète pour noter leurs propos… la révolution se fomente dans les transports en commun, Monsieur, la grogne prend dans les transports en commun, l’anarchie n’est jamais très loin dans les transports en commun et, si vous saviez, cela ne nous coûte rien, les gens se portent volontaires pour surveiller leurs proches. Ils nous appellent, nous proposent leurs services, nous donnent même leur itinéraire et nous notons tout. Tout. Tout. Nous devenons omniscients, omniprésents et omnipotents.

Habituellement, ce ne sont que des pacotilles, des histoires de jalousie ou de relations extraconjugales, qui ne nous intéressent pas, sauf pour se rincer l’œil, ce que nous ne détestons pas quand les journées s’étirent et que nous nous sentons anxieux, mais je m’éloigne de mon propos, car l’important est là, dans le fait que nous avions des témoins, une moucharde, une informatrice dans l’autobus et qu’elle a vu, eh! qu’elle en a vu des choses! Vous avez fait prendre une drogue, un poison violent, à cette jeune collégienne, et elle s’est effondrée, elle est entrée dans un coma violent, et je peux maintenant vous le confirmer, elle est morte, elle est MORTE, MORTE VOUS M’ENTENDEZ, MORTE, DEAD LIKE A DUCK, à l’hôpital ils n’ont pas su comment la traiter et elle a trépassé, si ça se dit encore. Elle lisait une histoire assise sagement sur son banc, elle lisait sa bédé sans rien demander à personne, et vous l’avez tuée. Qu’avez-vous à dire pour vous défendre?

-   (silence confus – où sont les phalènes quand on les cherche?)

-   Vous faites bien de ne rien dire. Mais, nous savons déjà tout. Elle lisait son aventure sentimentale, comme des milliers d’autres jeunes filles, et sous l’effet de ce que vous lui avez administré le choc de la rupture entre Christine et son amant, pauvre Christine, elle semblait vraiment pouvoir aimer cette fois-ci, Stan était fait pour elle, intelligent, beau, méticuleux, des ongles fraichement manucurés, des cheveux châtains avec juste une touche de roux, un avocat de formation, un ancien joueur de hockey, un tennisman honnête, il avait tout pour lui plaire. Et il a fallu que vous interveniez. Le choc de la séparation a été trop fort, et son cœur a éclaté. Je parle de la collégienne. Nous avons un témoin. Vous ne pourrez vous défiler. Inutile d’invoquer la loi des mesures de guerre ou des erreurs de maths, nous sommes en paix avec nous-mêmes, nous avons toutes les preuves qu’il nous faut, vous ne pourrez rien faire pour vous défendre, mais il nous reste encore un problème à régler, c’est le but  de cet interrogatoire, voulez-vous une cigarette, un café, mettez-vous à l’aise, n’ayez crainte, nous ne vous voulons aucun mal, nous voulons juste savoir, comprendre, jeter un peu de lumière sur cette affaire blafarde, expliquez-nous, je vous en prie, nous voulons savoir, quel était le motif de votre acte? Que cherchiez-vous à atteindre? C’est simple. Direct. Le motif? Pourquoi? Dans quel but? Pourquoi?

-    (silence feint)

-    (silence repus)

-    (suite du silence feint)

-    (une grande respiration)

Le REPRÉSENTANT se lève. Il se passe la main dans les cheveux. Il fronce les sourcils. Il sort.

 

Prochain épisode: Naked City Redux. L’interrogatoire  (10/20)

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