

(Le 10e Symposium international d’art in situ de la Fondation Derouin accueillait à l’été 2009 onze artistes issus de Cuba, des États-Unis, du Québec et du reste du Canada. Ils étaient invités à concevoir dans les Jardins du Précambrien des œuvres sous le thème des « Chemins et tracés ». À l’instigation de l’atelier de géopoétique La traversée, j’ai accepté de décrire l’une de ces œuvres. J’ai choisi Castillos en el aire du cubain Duvier del Dago Fernández.)
Première observation:
Je marche en forêt sur l’un des sentiers des Jardins du Précambrien. La pluie s’est enfin calmée. Tout l’été elle ne cessera de me compliquer la vie, créant des rigoles dans le sous-sol, favorisant l’apparition de plaques de mousse sur le toit, retardant le moment où je pourrai faucher les grandes herbes au fond du terrain. Mais là, en cet après-midi du 18 juillet, elle laisse place à un soleil timide, et je m’aventure en forêt. Julien Gracq en serait fier.
Le sentier serpente entre les rochers et les rus et je découvre après de nombreux ambages une œuvre faite uniquement de cordes blanches tendues entre les arbres et enroulées autour de leurs troncs. Selon les points de vue, elle ressemble à un pont suspendu, à des vagues qui déferlent, à l’armature d’une structure architecturale, à un immense piège à souvenirs, comme un capteur de rêves amérindien, à une toile d’araignée, faite pour immobiliser des oiseaux ou des bipèdes insouciants, à un parachute dont il ne resterait plus que les cordes, la toile ayant été emportée par le vent et la pluie, à des fils électriques réunis en grappe à l’approche des pylônes, à un labyrinthe aussi, un dédale de nylon, un peu à la manière du labyrinthe que Fernando Arrabal avait imaginé dans une de ses pièces, c’est-à-dire un labyrinthe de draps suspendus à des cordes à linge, où les personnages se perdaient tout aussi assurément que dans celui de Cnossos. Mais à la différence des labyrinthes, qui se veulent inextricables, celui-ci rend l’espace qu’il occupe impénétrable. On ne peut pas y circuler, l’espace est en quelque sorte confisqué. On n’y entre pas, on en fait le tour. On l’examine de l’extérieur. On en prend la mesure, mais on ne peut en expérimenter de l’intérieur le réseau.
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