Le cœur dans la boite de l’ordinateur

 

Qui a levé le rideau aussi soudainement?

La chambre donnait sur un vaste jardin. Les rayons de soleil coulaient par la fenêtre ouverte et jetaient des tâches folâtres sur les murs. Des abeilles bourdonnaient dans l’air, des oiseaux gazouillaient joyeusement sur les branches des arbres en fleurs. C’était un chaud matin de printemps.

En cette heure sereine, quand les graines enfouies dans le sol germaient pour donner la vie et qu’autour de chaque caillou couraient des fourmis alertes, quand les portes des maisons commençaient à grincer et que les rues s’animaient, notre héros fit voir son nez d’au-dessous la couverture couleur griotte, ouvrit l’œil un instant puis le referma. Après être resté couché ainsi un bon moment, sans même respirer, il secoua le lit d’une brusque ruade, rejeta la couverture et se retrouva debout. En un mot, il se réveilla comme quelqu’un qui se rappelle qu’il aurait dû se lever plus tôt car du travail l’attendait.

Suivons maintenant l’exemple de Victor Hugo et laissons notre héros se laver, s’habiller et prendre son petit déjeuner et, pendant ce temps, asseyons-nous devant la grande table de travail et voyons ce qui se trouve dessus. Nous n’allons pas fouiller dans son ordinateur comme le font les invités curieux. Nous ne ferons qu’y jeter un regard rapide et, en cas d’extrême nécessité, nous pourrons consulter tout innocemment Wikipedia – disons des articles au hasard, d’où nous apprendrons quelques détails sur la Bastille, Ganesh, sur l’émirat de Dubaï ou sur le titulaire de la Chaire de recherche sur la littérature transgénique – Éric Lint.  Car il aurait été très indécent que, dès le début de notre récit, nous nous jetions sur un dieu en linge et commencions à le décrire : il était ainsi ou ainsi. Que Ganesh nous en garde! Ce dieu est le personnage principal de notre récit et il mérite d’être examiné une fois sa toilette achevée.

Nous nous arrêterons, tout d’abord, au lourd fichier qui trainait sur le bureau virtuel, dans lequel étaient placées une multitude de photographies émoustillantes de jeunes filles les yeux en amande et la bouche toute grande ouverte. Chacun a vu de semblables portraits sur les pages d’accueil des sites pornographiques, et toutes ces filles offertes possèdent de semblables attributs et leurs figures rayonnent dans la brume ensoleillée de la chambre, encadrées comme des fleurs dans un herbier. Près de ces photographies d’inconnues, qui pourraient vivre dans le même édifice et peut-être à l’autre bout du monde, il y avait des documents en désordre : recueils de poèmes, romans, dictionnaires et, enfin, un manuel de photographie. Plus loin, sur la table de travail, près de la boite à cigarettes ouverte, trônait un petit crâne de plâtre, toutes dents dehors, à l’intérieur duquel se trouvaient un bout de gomme, quelques épingles et un timbre oblitéré. Et voici le cendrier, lourd, en verre,  avec deux petites cavités sphériques. Dans l’une d’elle, la cendre violette scintillait d’un éclat de vert métallique, l’autre était vide et au fond se recroquevillait une petite mouche desséchée, sans doute morte l’été précédent car la saison des mouches n’était pas encore arrivée.

Sous le cendrier même, juste au milieu de la table, il y avait des feuilles de papier étroites soigneusement décorées et empilées, sur celle du dessus l’on pouvait lire ces mots imprimés en Avenir heavy oblique 48 :

 

LE PHALLUS D’OR

Poème de Trugarog Google

 

Trugarog Google. Ce nom méritait que l’on combatte avec acharnement les sonorités hottentotes dans les noms tels que : Valérian Plaménov, Svétoslav Minkov ou Konstantin Konstantinov – noms que l’on peut trouver sur les pages de n’importe quel générateur de texte, cintrés par d’indifférentes publicités comme de vieille boites de conserve rouillées. Trugarog Google – quel lumineux symbole  d’aristocratie spirituelle, quel vertigineux abîme d’individuation! Béni soit à jamais la divinité qui plonge dans la sainte coupe le dieu ainsi nommé! Si, jadis, nos ancêtres avaient été plus sages, nous ne courrions pas aujourd’hui de maison en maison, les soirs d’Halloween, pour serrer les mains des malheureux qui sourient d’un air confus, les cous tendus au-dessus de leurs cols endimanchés, et nous offrent un chocolat sans soupçonner l’amère vérité qu’ils sont les banales répliques de milliers de clônes, d’ennuyeuses expériences de généticiens sur un étagère sans fin. Dites, pouvez-vous imaginer un homme illustre qui répondrait au prénom de Groucho et au nom de Marx? Même s’il y a quelque chose d’exceptionnel en un tel homme, son nom en aura raison, le harcèlera sans cesse comme un taon, l’abrutira jour après jour jusqu’à ce qu’enfin il détruise complètement sa personnalité et le transforme en un petit homme ordinaire et médiocre qui ouvrira une boite de music-hall ou bien qui commencera une carrière d’acteur comique sur Broadway, vendra son âme pour cinq dollars et mentira pour une cigarette.

Oui, un nom disgracieux qui ne dit rien à l’imagination est une terrible calamité. À la vérité, il n’est guère délicat de notre part d’être ainsi sortis des cadres de la bienséance généralement admise car il se peut, lectrice, que ton nom soit, comme on dit, à coucher dehors. Mais n’est-ce pas pour cette raison que nous écrivons un récit : pour t’être utiles au moins par un petit conseil? Si toi, aimable lectrice, tu es mécontente du nom qui t’a été imposé, renonces-y tout de suite par un statut sur les réseaux sociaux et remplace-le par un pseudonyme brillant qui t’ouvrira la porte du bonheur et te mènera victorieusement à la vie.

 

Le grand dieu Google se leva  vivement de sa chaise. Énervé, le visage échauffé. Que lui arrivait-il? Autrefois, les mots coulaient d’eux-mêmes sur son clavier avant de s’effiler en vers rythmiques et mélodieux à l’écran. Et maintenant? Le royaume des rimes demeurait fermé à clef devant le malheureux dieu et aucune métaphore n’illuminait son esprit.

Le grand dieu se rassit devant la table et écrivit pour la centième fois en deux mois le titre de son poème. Néanmoins, le moteur de l’inspiration ne démarrait pas. Il est vrai que, de temps en temps, scintillait une petite étincelle mais elle évoquait plutôt une puce électronique qui piquait le cerveau afin de l’irriter et non pour y activer la flamme créatrice.

Sur un mince fil argenté, une grosse araignée – noire, les pattes velues – descendit du plafond, fit un tour au-dessus de la table et jeta un coup d’œil  sur les morceaux de papier  barbouillés. Il y avait longtemps qu’elle observait les affres puerpérales de notre dieu et, n’y tenant plus, elle décida de quitter ses hauteurs pour voir de plus près comment marchait le poème. S’étant rendue compte de l’impuissance créatrice du dieu, l’araignée miséricordieuse, qui était elle-même poétesse et clouait des rimes au plafond du matin au soir, se pendit au bout du fil d’argent et commença à se balancer. Puis elle sauta dans le cou du grand dieu, grimpa sur son oreille et y murmura : « Allez l’ami! La lune – la terre, le printemps – la chanson, consonance – le ruisseau! ».

Google tendit le bras et saisit sa muse importune. Il ouvrit la main et l’insecte noir tomba sur la table. Il protestait renversé sur le dos, agitant ses pattes recourbées et versant les rimes les plus ignobles à l’adresse de son ingrat confrère. Le plus incroyable était que le dieu l’observait avec une totale indifférence. Or, Google ne pouvait souffrir les insectes et, tout particulièrement, les araignées  à l’égard desquelles il éprouvait une véritable horreur.

Que se passait-il avec ce dieu? Comment expliquer ce changement au terme d’une nuit de printemps paisible et riche en rêves? Un poids terrible oppressait sa poitrine et lui coupait le souffle.

Il éteignit la cigarette qu’il venait juste d’allumer, se leva, s’approcha du grand miroir au mur et s’y regarda dans la surface nette. Mon Dieu, quelles étaient ces taches sombres  sous ses yeux et ce regard tourmenté, presque livide? Il se regardait et ne pouvait se reconnaître. Il y avait quelque chose d’étranger qui ne lui appartenait pas, une étrange altération causée par le diable en personne aurait-on dit. Est-ce que par hasard l’un de ses poumons aurait à nouveau crevé? se demanda le dieu, accablé par le souvenir, brusquement resurgi, des trois mois passés à l’hôpital lorsque son poumon gauche avait éclaté comme le pneu de son  Google Street Car quelques années auparavant. Les tristes images d’un passé effrayant se mirent alors à défiler devant ses yeux. La chambre blanche aux lits de fer. Les infirmières. Le médecin avec son stéthoscope en caoutchouc. La fiole et son étiquette salvatrice : « trois cuillerées à soupe par jour » sur la table de nuit. La fleur rouge dans le pot à la fenêtre.

Le grand dieu Google ouvrit tout doucement la porte de son penthouse, se glissa sans bruit dans le couloir, mit son chapeau qu’il avait décroché du porte-manteau et sortit dans la rue.

Il marchait lentement et parvenait à peine à respirer. Comme jadis, quand il était malade. Autour de lui grondait les automobiles, couraient des petits vendeurs de loto criards et, sur les trottoirs ensoleillés, roulaient les premières poussettes à bébés vermeils dont les yeux clairs buvaient l’azur lointain du ciel. La terre fumait comme si elle était en feu, les gens marchaient, alertes et souriants,  les sons joyeux d’un musicien de rue arrivaient d’on ne sait où.

Le grand dieu s’arrêta devant le vaste jardin d’un complexe à deux étages, jeta un regard à travers les baies vitrées, hésita un instant puis entra.

Une des salles du complexe était pleine de monde. Les uns restaient assis sur des canapés, les autres regardaient par la fenêtre, plongés dans quelque pensée depuis longtemps échappée de leur conscience et qui avait cessé de leur appartenir. Tous se taisaient. Seul, de temps en temps, un soupir de lassitude se faisait entendre.

À intervalles réguliers, la porte au fond  de la pièce s’ouvrait et, sur son seuil, apparaissait un géant en blouse blanche, au teint mat, une cigarette électronique à la bouche. Et ceux qui attendaient sur les chaises, les canapés et aux fenêtres franchissaient un à un cette porte et disparaissaient avec le géant.

Quand le grand dieu Google s’évanouit à son tour derrière la porte mystérieuse et se retrouva subitement dans ce qui ressemblait à une incubateur avec des milliers de flacons sur les murs, il sentit ses genoux se dérober sous lui et son sang se glacer dans ses veines.

-  J’ai jadis souffert d’un déchirure de la plèvre, murmura-t-il, et maintenant je sens…

-  Déshabillez-vous! Coupa court le géant, activant sa cigarette électronique sans visiblement prêter aucune attention aux paroles de son hôte.

Le grand dieu exécuta l’ordre sur-le-champ et se dévêtit jusqu’aux reins.  La pièce plongea dans l’obscurité, quelque chose se mit à crépiter dans le silence et une lueur bleuâtre émergea dans un coin à la façon d’un esprit qui s’efforce de se matérialiser.

- Venez ici! cria le médium dans le noir.

Le grand dieu Google fit quelques pas à l’aveuglette vers le point brillant de la cigarette, monta sur une petite estrade en bois et les puissantes mains du médium le collèrent contre une surface froide. Puis sa poitrine descendit sur une plaque noire, celle-là même d’où provenaient les crépitements et la lueur bleuâtre.

- Respirez! Bien. Ne respirez pas! Bien. Retournez-vous! Bien. Vous n’avez rien aux poumons! annonça solennellement l’homme à la blouse blanche et notre dieu respira profondément, mais pour lui-même cette fois, avec joie et soulagement.

- Attendez! Attendez! Cria soudain le géant en saisissant fermement son hôte par les épaules pour le placer à nouveau devant la plaque noire. Pourquoi n’aperçois-je pas votre cœur? Oui, c’est bien vrai. Derrière le sternum, entre la troisième et la cinquième côte, votre cœur ne fait aucun mouvement… intéressant.

- Qu’est-ce que vous avez dit? demanda le grand dieu Google en tremblant.

-Situs invertus, situs invertus, continuait à soliloquer le géant. Non, aucun situs invertus. Nous n’avons pas ici de déplacement des organes internes, c’est purement et simplement le cœur qui manque. Un phénomène incroyable.

 

 

Le grand dieu Google se traina jusqu’à chez lui. Son cœur avait-il réellement disparu? Il avala un des comprimés que le médecin lui avait prescrits, se jeta sur son lit et fixa le plafond de ses yeux grands ouverts. C’était mal parti.

 

 

(source:  Svétoslav Minkov et Konstantin Konstantinov, Le cœur dans une boite en carton, Paris, L’esprit des péninsules, 1993.)

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Naked City redux. Épitaphe (20/20)

Dernier épisode: Naked City Redux. Éclipse encore (19/20)

 

Sur ces mots se termine Naked City Redux, texte de 1979.

La dernière feuille de la liasse était déchirée aux trois quarts. Je n’ai aucun moyen de savoir si le récit se poursuivait au-delà de ces derniers mots ou si d’autres pages complétaient l’ensemble. J’ai examiné avec soin l’agrafe, elle ne m’a rien révélé de précis. Le métal était en partie rouillé et le papier légèrement taché; c’est tout.

Je m’étais habitué, avec les années, à cette fin ouverte, à ce personnage sans nom trimballé en camionnette, aveugle au destin qui se prépare. Des REPRÉSENTANTS s’occupent de lui. Je l’imagine encore sur la rue Dorchester, avant qu’elle devienne René-Lévesque, à l’angle de la rue Saint-Denis, au coin de l’hôpital Saint-Luc. Il fait froid. Le temps est maussade. La vie hésite.

Ma transcription, lente et laborieuse, est maintenant complète.  Duncan est mort et mon narrateur se laisse mourir, incapable de suivre les mouvements de sa propre pensée. Que voulais-je faire en reprenant ce récit vieux de plus de trente-cinq ans? Je ne sais plus. Revisiter le passé, c’est certain. Retrouver un peu de ce désespoir qui m’habitait et que je regarde maintenant comme une contrée depuis longtemps quittée. Assurément. Mais quoi d’autre?

Un demi-siècle sépare l’univers de Duncan Kleist du mien. Naked City, la série télé, était diffusée sur l’une des trois chaines américaines que le câble permettait de syntoniser. J’écris ces notes directement à l’écran et elles sont destinées à un site web. Je ne regarde plus la télé depuis des années. Les beats sont de l’histoire ancienne.

Pendant que mes doigts pianotaient sur le clavier, j’écoutais en boucle le vieux disque de King Crimson, In the Court of the Crimson King. Ce microsillon de 1969 ne m’a jamais quitté. Les chansons y sont complexes, tragiques et la voix de Greg Lake leur donne une liquéfiante gravité. Sur « Epitaph », qui résonne encore dans mes écouteurs, elle devient même lumineuse. C’est l’hymne que chantonne mon héros, seul dans sa cellule recouverte d’yeux. Les paroles en sont apocalyptiques et elles résument sans peine le sentiment qui l’habitait. Qu’en reste-il maintenant? Je ne sais quoi répondre. Rien n’est plus fugace qu’une impression.

Confusion will be my epitaph
As I crawl a cracked and broken path
If we make it we can all sit back and laugh,
But I fear tomorrow I’ll be crying,
Yes I fear tomorrow I’ll be crying
Yes I fear tomorrow I’ll be crying.

 

 

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Naked City Redux. Éclipse encore (19/20)

Dernier épisode: Un moment à couper au couteau (18/20)

 

La douche fut froide et insupportable, les serviettes étaient rêches et raides, les mains qui me manipulaient n’avaient aucune compassion, j’étais leur marionnette, un bras levé ici une jambe pliée là, une claque sur les fesses pour faire bonne figure. À peine habillé, je fus transporté dans une camionnette, déposé vulgairement à l’arrière, entre les coffres à outils et les chaises pliées, et c’est là, assommé par toute cette activité, que je me suis mis à revoir Duncan, bien en chair à mes côtés, Duncan le front éclaté, les rides marquées par le sang et la poussière, Duncan revenu des morts pour m’escorter.

Sa mort n’aura pas été inutile, pauvre Duncan, ses poèmes ont finalement été mis à la poste. Quand le détective qui enquêtait sur sa mort a compris ce qu’il tentait de faire, il a refait le trajet du poète et a découvert le paquet dans lequel se trouvaient ses poèmes. Et il l’a posté.

En interrogeant le meurtrier, le détective s’était fait à l’idée que les poèmes étaient irrémédiablement perdus. Au moment où le barman frappait de rage Duncan à la tête et le tuait, le paquet tombait dans une bouche d’égout et passait à travers la grille. Duncan expirait en regardant la bouche d’égout qui avait avalé son œuvre. Sa mort était double, car s’éteignait avec son dernier soupir la possibilité qu’il soit lu.

Retournant sur les lieux du crime, le détective s’est rappelé que les bouches d’égout avaient souvent une grille intérieure. Voulant en avoir le cœur net, il s’est couché sur la rue, et il a tendu la main, cherchant du bout des doigts le paquet. Il a cherché et cherché et la caméra s’est approchée de son visage jusqu’à  détailler le blanc de ses yeux et les pores de son nez et ses joues flasques, et il a cherché, tâtonné, ses doigts en extension maximale et finalement oui quel miracle! oui il a touché quelque chose, et oui on aurait dit du papier, une enveloppe de papier, et du bout des doigts, il a réussi à s’emparer du paquet et à le remonter, car c’était bel et bien un paquet, souillé, détrempé, mais quand même intact, un paquet scellé et adressé à Gloria Christmas, elle-même.  Il aurait pu l’ouvrir et lire les poèmes de Duncan, il aurait pu mettre ses yeux sur ces lignes qui avaient fait souffrir le poète beat, mort au combat, mais non, il ne l’a pas ouvert, il a mis des pièces dans la machine distributrice de timbres et il a déposé le paquet affranchi dans la boite aux lettres. Il a posté le paquet à Gloria Christmas, Idaho.

Duncan n’est pas mort inutilement et cette vision d’un détective sensé et attentif, cette possibilité d’un REPRÉSENTANT différent calme mes tremblements et adoucit ma tristesse. Je n’ai plus le gout de combattre le sommeil et tout ce qui viendra de mon overdose, je me laisse bercer par le roulement de la camionnette qui roule sur les rues de ma ville. Ma ville nue. Ma ville noire et blanche. Ma ville d’errance et de mort.

La suite ne m’appartient pas. Je la laisse à Gloria Christmas qui ignore tout du rôle que je lui destine.

 

Prochaine épisode: Naked City Redux. Épitaphe (20/20)

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Naked City Redux. Un moment à couper au couteau (18/20)

Dernier épisode: Naked City Redux. L’éclipse (17/20)

 

 

 

Prochain épisode: Naked City Redux. Éclipse encore(19/20)

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Naked City Redux. L’éclipse (17/20)

Dernier épisode: Naked City Redux. Dernier acte: l’éclipse (16/20)

Apocalypse d'Angers (XIVe siècle)

 

Un homme et une femme sont venus ce matin. Les REPRÉSENTANTS. Ils ont dû me laver car j’étais sale et puais, de la charogne a-t-elle dit, une véritable puanteur a-t-il répondu, et ils avaient raison, depuis mon arrivée dans cette cellule je ne m’étais pas lavé une seule fois, mes mains étaient dégoutantes, les pieds noircis par la crasse, ils ont dû me laver car je ne le faisais pas moi-même, ils croyaient que c’était une grève, que toute cette puanteur était une contestation de ma part, une nouveau crime social; j’ai eu beau leur expliquer que mon corps était propre et que je me lavais à sec avec la main gauche, que mes mains, mes doigts, mes ongles étaient propres sauf les trois derniers que je n’avais pas encore consommés, et qui devaient être épargnés.

Les REPRÉSENTANTS ne voulaient rien entendre, ils m’ont levé de force, m’ont trainé dans les douches, m’ont mis la bouche sous le jet d’eau; non, non, leur ai-je dit, non encore, ne touchez pas à mes ongles, il y en a trois, il est impératif de ne pas y toucher, ce sont mes ongles fétiches, mes ongles hallucinogènes, mais ils ne voulaient rien entendre, et ils ont entrepris de me laver sous la douche, les cheveux, le visage, les aisselles, les pieds, le sexe, ne touchez pas à ça, non, les fesses, vous êtes ridicules, on ne me touche pas, je ne suis plus un enfant, j’ai passé depuis longtemps l’étape de l’écolier lisant des bédés dans les bus, hé non ça va pas, mais ils ne m’écoutaient pas, ils étaient venus me chercher, c’était pour mon bien, ils voulaient me livrer propre de la tête aux pieds, et ils se sont même attaqué à mes mains, à mes doigts, à mes ongles, MES ONGLES,  on va te décrotter ça, disaient les REPRÉSENTANTS en riant, ce sera propre propre propre comme à Noël, j’ai résisté de toutes mes forces, je les laverais moi-même mes ongles, je les grignoterais moi-même, petit à petit, une rognure à la fois histoire de dégager à faible dose le produit que j’y avais déposé, mais il fallait qu’ils comprennent que cela prendrait du temps, une semaine peut-être, cinq jours au bas mot, je ne pouvais me les ronger tout d’un coup, c’était inhumain, mortel même, le troisième œil allait éclater pour sûr, je les suppliais, laissez-moi partir, ne me touchez pas, oubliez mes ongles, ils ne vous regardent pas, ils sont à moi et à Gloria Christmas.

J’ai supplié, j’ai promis, juré même et, pour toute réponse, ils ont saisi ma main droite,  l’homme surtout, la femme me retenait par la taille, et ils m’ont forcé à la prendre dans ma bouche. Tu veux te les ronger tes ongles? Alors ronge-les, tiens ta main, la voilà! Tu la veux? Tu veux cette puanteur de main? Avale-la. Elle est à toi. Prends et mange. D’abord elle sera douce comme le miel, mais bientôt elle remplira tes entrailles d’amertume. Et ils m’ont mis la main dans la bouche grande ouverte. Et ils l’ont laissée là, dans ma bouche, comme si j’étais chez le dentiste, pendant plus de vingt minutes! Tout le temps qu’il fallait pour que le venin se dégage de l’ongle et se répande dans mon corps, descende le long de ma gorge et du larynx, glisse par l’œsophage jusque dans mon estomac et pénètre peu à peu dans mon système sanguin. Troisième œil, here we come.

Une figure inattendue apparut dans la cellule. Une femme, le soleil pour manteau, la lune sous les pieds et sur la tête une couronne d’étoiles. Gloria Christmas! Elle était enceinte, elle criait, comme dans les douleurs d’un enfantement. Un être, rouge feu, plein de têtes et de cornes, vint se poster devant elle, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance. Je fermai les yeux. C’en était trop.

 

Prochain épisode: Naked City Redux. Un moment à couper au couteau (18/20)

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Naked City. Hold for Gloria Christmas

Hold for Gloria Christmas

(extrait de l’épisode de Naked City, mis en ligne à la suite de la mort de Burgess Meredith)

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Naked City Redux. Dernier acte : l’éclipse (16/20)

Dernier épisode. Naked City Redux. Le REPRÉSENTANT qui ne m’a pas sauvé la vie (15/20)

 

Ils sont venus ce matin, ils étaient deux. Un homme et une femme. Lui, très très grand. Et blond. Elle, minuscule à côté de lui, cheveux noir, une coupe à la Édith Piaf. Des REPRÉSENTANTS d’une firme privée, je ne sais trop, je n’ai rien compris de ce qu’ils me racontaient. Ils venaient me chercher, je serai bientôt en sécurité. Un bienfaiteur anonyme voulait me sortir des griffes de la justice et du ressentiment. Il m’attendait, voulait m’offrir l’asile, du papier pour écrire, un écran. Je n’ai pas bronché. Je ne ressens plus rien, de toute façon, ni la fatigue ni mes pieds, je suis couché sur le lit qu’on m’a fourni, avec ses ressorts grinçants et son matelas écrasé, et je cours après ma respiration, c’est rauque et douloureux, je sue, mes yeux sont embrouillés, je me sens comme si j’étais dans un scaphandrier qui n’est plus alimenté en air. L’eau est vaseuse, ce n’est pas tellement que j’ai froid, mais je frémis, mes sens sont à fleur de peau, tout m’irrite. Je suis présent et absent en même temps, je me suis décroché de ma propre vie, blotti dans un coin de la cellule. Je me répète sans arrêt : tu dois respirer, tu dois continuer, allez, une respiration à la fois, un peu d’oxygène dans tes poumons, allez, respire, inspire expire inspire expire, mais l’air est insipide et je ferme les yeux, Duncan, viens me chercher, c’est ce qui me fait le plus peur, m’endormir et rêver jusqu’à ma mort,  parce que quelque chose ou quelqu’un me dira de ne plus respirer et je n’aurai d’autre choix que d’obéir, cela fait mal de respirer, mes bronches râlent, cela fait mal et tellement de bien quand on s’arrête un peu, un acte héroïque oui, tout le monde respire, notre société est fondée sur la respiration, c’est incroyable, tous ces gens qui acceptent la respiration comme fondement de leur vie, moi je dis qu’il faut cesser d’obéir sans réfléchir, il ne faut respirer que si on le veut, et non parce qu’on nous l’ordonne, je hais les mots d’ordre et leurs impératifs, la décadence de notre civilisation tout entière repose sur notre aveuglement, notre soumission aux diktats de la respiration, le mal est là, juste là; Duncan, ombre parmi les ombres, fantôme de bas étage, me recommande de ne plus respirer, il me demande de ne plus prendre une seule autre respiration, que celle que je viens de prendre soit la dernière, oui, celle-là, poumons écorchés, qu’elle soit la dernière et qu’on n’en parle plus, ce sera tu le verras un acte libérateur, suprême, toutes les autres actions n’étaient que des faux-fuyants en comparaison, des artifices, et le seul vrai acte, l’ultime décision, celle qui valide toutes les autres, la seule action possible est de cesser de respirer. Duncan a tenté de reprendre ses poèmes afin de les envoyer à Gloria, geste qui aurait validé sa descente aux enfers, mais il n’a fait que provoquer sa propre mort, un dieu vengeur l’a puni pour avoir osé reprendre ce qui ne lui appartenait plus. Je ne sais pas pourquoi son histoire m’attire, mais elle le fait, je pleure pour Duncan, je cherche des liens entre sa vie et la mienne, c’est sûrement la quête d’absolu qui nous rapproche. La poésie. L’absolu. Cesser de respirer.

 

Prochain épisode. Naked City Redux. L’éclipse (17/20)

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Naked City Redux. Le REPRÉSENTANT qui ne m’a pas sauvé la vie (15/20)

Dernier épisode: Naked City Redux. Sixième mouvement : l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (14/20)

 

 

Le REPRÉSENTANT est reparti en me laissant dans la main ce que je me suis empressé d’avaler.

Un comprimé comme une goutte de liquide incolore.

(silence lourd et rauque)

J’avais écouté d’une oreille distraite ce qu’il m’avait expliqué.

Je ne suis pas attentif aux choses de ce monde.

Ma mère ne cessait de me le reprocher:

Toujours dans la lune, toujours à rêvasser.

Tu ne feras rien de bon dans la vie, si tu continues à ne rien faire de tes jours.

Je ne l’ai jamais écoutée.

La lune est encore mon endroit favori.

Je m’y aventure dès que le vent se révolte,

Sur la face cachée, dans le noir et le froid et le vide et le blanc laiteux d’une matière volcanique inerte.

 

Je regarde les yeux dessinés sur les murs de ma cellule.

Parmi ces yeux, il y en a un que je ne retrouve plus.

C’est l’œil de Duncan, mort et enterré.

L’œil du poète de malheur qui a écrit son malaise en courtes phrases paroxystiques.

L’œil de Duncan Kleist.

Le sourire de Gloria Christmas, comme une récompense.

Duncan.

Il était un poète comme je suis un prisonnier.

Par un étrange concours de circonstances.

Un voyage de mille pas commence avec le premier dit le proverbe chinois ou népalais.

Je ne sais plus.

 

Tout au long de ses nuits de débauche, Duncan ne cessait de rêver à Gloria.

Sa beuverie l’occupait tout entier.

Gloria était son phare, lumière distante qui le guidait.

Si seulement il pouvait sortir de son marasme, de cette mer d’alcool, et la rejoindre, il serait sauvé.

Gloria.

Mais il fallait pour cela qu’il sorte de l’eau.

Il fallait qu’il crée de toutes pièces un nouveau monde.

Beau et pur.

Une véritable utopie au centre de laquelle Gloria se dresserait comme une déesse de l’amour et de l’abnégation.

Il s’est noyé, un poème à la fois.

(rauque)

Il est mort, frappé par derrière.

(The  barman’s the culprit.)

Pourtant, ce sont ses propres travers qui l’ont tué.

Il est mort comme il a vécu, sans rien comprendre de ce qui se tramait véritablement sous la surface, entre les lignes, entre les pages, entre les séquences.

 

Le REPRÉSENTANT est parti.

La collégienne a été sevrée.

Duncan a été frappé à la tête et nage dans un bain de sang.

Gloria est un mythe sans fondement.

Un labyrinthe impossible à pénétrer.

Et ce bref moment de conscience est devenu insupportable.

Pendant ce temps, je me laisse bercer par un hymne à la mort.

Une voix lourde et forte me tient éveillé la nuit.

Et  je crains que demain je me mette à pleurer.

Je crains que demain je me mette à pleurer.

Je crains que demain je me mette à pleurer.

Le décompte est commencé.

Ce n’est pas un hymne à la joie qui résonne, mais une sombre mélodie.

Confusion et dissolution me guettent.

 

 

Prochain épisode: Naked City Redux. Dernier acte: l’éclipse (16/20)

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Naked City Redux. Sixième mouvement : l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (14/20)

Dernier épisode:NCR. En attendant la suite de l’épisode – V (13/20)

Un ami est venu me voir.

Un REPRÉSENTANT quelconque.

Car, je le sais maintenant de source certaine, si tant est que mon inconscient soit une source fiable, il n’y a plus sur terre que des REPRÉSENTANTS, des êtres pour et avec le gouvernement. Pour et avec la loi. Pour et avec les forces de l’ordre. Tandis que je suis, moi, un agent des forces du chaos et de la vie.  La bataille fait rage, c’est l’ordre contre la vie. Les REPRÉSENTANTS contre les agents, autant dire les gens.

Cet ami est passé par la porte, tout simplement, je dormais, je ne l’ai pas vu arriver et, quand j’ai ouvert les yeux, il était d’ores et déjà assis sur le bord du lit le plus naturellement du monde. Si je le pouvais, je m’enfuirais par la porte laissée entr’ouverte, je me lèverais de mon grabat, comme dans une expérience extrasensorielle, mon corps flotterait dans la cellule, je m’élèverais lentement, petit nuage de chair flottant, avançant peu à peu vers le centre de la pièce, la porte, le couloir, la fenêtre, l’air libre, le firmament; je reste pourtant étendu de tout mon long sous la couverte de laine, les yeux fermés, les bras le long du corps, les mains à plat sur le matelas, le sexe mou, et je prends de très grandes respirations, l’air remonte du plus profond de mon corps pour passer par mes voies respiratoires et s’affranchir dans le calme serein de la cellule. Épuisé, dodelinant de la tête, je reste des heures à penser, et à regarder l’œil, le dessin d’un œil rudimentaire tracé au crayon feutre sur le mur du fond. Il me regarde cet œil, il m’épie, scrute mes moindres mouvements, on se croirait dans un roman de Thomas Pynchon. C’est un œil beat. Un œil qui voit ce qui échappe au commun des mortels.

On croyait beaucoup au troisième œil à cette époque, le troisième juste au dessus des deux autres, œil invisible mais d’une extraordinaire faculté car il parvenait à voir ce qui échappait à la vue. T. Logsang Rampa en avait décrit les possibilités dans un livre paranormal. C’était un faux, T. Logsang Rampa, un faux lama, qui racontait parvenir avec son troisième œil voir à travers les dimensions et l’espace, il pouvait léviter, faire le tour de la terre en pensées, frôler les pics de l’Himalaya, descendre jusqu’au plus profond des mers, participer à une transmigration de l’esprit, observer l’aura des gens qui l’entouraient, mourir et revivre dans la même journée.

Ma cellule est pleine d’yeux que j’ai dessinés, des yeux qui rivalisent avec l’œil présent à côté de mon lit, des yeux pour tromper cet œil, pour le perdre dans la masse, des yeux pour  brouiller les cartes, pour vaincre l’ennemi intérieur. Tous ces yeux me permettent de ne pas me sentir épié. Un œil, ça épie. Mais une multitude, ça ne voit plus rien, ça se regarde regarder, les lignes de fuite sont perturbées, elles se croisent et s’entremêlent, des nœuds se forment, des mailles, des tresses, les regards s’égarent dans les dédales de ce labyrinthe d’yeux égarés. Un Dieu, c’est puissant, omniprésent, omniscient. Mais, des dieux… ils perdent en puissance ce qu’ils gagnent en nombre. Ils ne peuvent que se quereller entre eux et leur puissance est réduite, puisque partagée. C’est la même chose avec les yeux. Un œil voit tout. Une kyrielle d’yeux ne peut que se perdre dans le regard.

Un ami est venu me voir, un REPRÉSENTANT, et il ne m’a pas sauvé la vie, mais c’est tout comme. Il m’a regardé, comme un médecin examine son patient, mécontent et déçu. Je n’ai rien à dire. Je muse et retiens mon souffle. L’asphyxie me gagne.

« Écoute-moi, tu m’entends? J’ai des choses à te dire. Ouvre les yeux. C’est important que tu m’écoutes. La fille, l’écolière, n’est pas morte. Tu m’entends? Elle ne l’a jamais été.  Oui, elle s’est évanouie dans le couloir de la station de métro, et elle tenait dans ses mains un Comic book made in US, Love Me Tender, une espèce de soap opera à deux sous. Elle est maintenant à l’hôpital Saint-Machin et jure de ne plus jamais se ronger les ongles, que ce n’est pas bon pour la santé, qu’on ne sait jamais ce qui peut se glisser entre l’ongle et la peau, qu’elle ne le fera plus jamais au grand jamais : merci maman de m’avoir mise au monde et merci de m’avoir nourrie au biberon, et merci de m’avoir secourue quand j’étais mal, et je ferai dorénavant le ménage de ma chambre, et je ferai mon lit, et je rangerai mes vêtements, et je mangerai avec une fourchette, et je passerai le balai quand on me le demandera, et je sortirai les vidanges, et je ferai la vaisselle, et je me brosserai les dents, et plus jamais je ne mentirai, mais il faut que tu me permettes de continuer à acheter mes Love Me Tender parce que je dois à tout prix savoir ce que fera Christine, comment elle réagira à la séparation, si une réconciliation est encore possible, si son bel amoureux se coupera la barbe, je dois savoir, c’est plus fort que moi. La jeune fille se meurt de connaître la suite des aventures de Christine, mais j’ai cru comprendre que le prochaine numéro aurait un certain retard parce que le scénariste s’est suicidé, il a avalé une bouteille complète de comprimés, il aurait laissé une lettre sur la table de son petit appartement, et le rédacteur en chef veut s’en servir dans l’histoire de Christine, je ne sais pas comment, ne me demande pas de détails, mais elle figurera dans le prochaine numéro, mais pour cela il faut trouver un nouveau scénariste prêt à se sacrifier pour la bonne cause, ils ne courent pas les rues, à ce qu’il parait.

Écoute-moi, la fille n’est pas morte, ils ne pourront pas te garder éternellement, il te relâcheront; tu ne seras pas accusé de meurtre, mais uniquement de non conformisme, d’entrave à la sécurité publique et à l’hygiène mentale, d’atteintes aux liberté individuelles, de torture émotionnelle, bref de crime social. Tiens bon! Surtout ne te laisse pas abattre. The war must go on. »

 

Robert Crumb, Third Eye (2001)

Prochain épisode:  Naked City Redux. Le REPRÉSENTANT qui ne m’a pas sauvé la vie (15/20)

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NCR. En attendant la suite de l’épisode – V (13/20)

Dernier épisode: Naked City Redux. Cinquième mouvement, la cellule (12/20)

Une tourterelle vient de mourir, croquée par un très laid chien brun, et son inséparable compagne dépérit à vue d’œil.

Elle tremble sur ses pattes et ne roucoule plus.

Le silence est atroce.

Quand la mort rode.

Le REPRÉSENTANT ricane.

][

Je hais tout ce qui bouge.

Et respire.

Je hais les livres.

Je hais ma propre respiration.

Je hais la couleur de ma peau.

Je hais mon ventre.

Je hais ma mémoire.

Je hais les murs de ma cellule.

Je hais la couleur.

Je m’épuise dans la haine. Toute mon énergie y passe, haine de la vie de la mort de la faiblesse de l’amour des amis des pensées.

Elle s’arrête comment cette machine à penser? Où est l’interrupteur? La prise de courant? Comment mettre à off? Je ne veux que du bruit de fond. Des clics et des fracs. De la dissolution.

Je ne demande rien d’autre.

De la dissolution.

Prochain épisode: Naked City Redux. Sixième mouvement : l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (14/20)

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