Je m’intéresse ces temps-ci à ce que les critiques disent des romans du 11 septembre. Depuis, en fait, l’article de Chantal Guy du 8 juin 2008, « LE roman du 11 septembre », dans lequel elle parlait de cette attente du grand roman américain du 11 septembre, comme si un seul pouvait résumer, symboliser l’événement. Certains auteurs, dont Beigbeder, n’ont pas hésité à faire la course pour être parmi les premiers à publier sur l’événement. D’autres (ou leurs agents) se sont empressés d’inclure dans le paratexte la mention du 11 septembre, ramenant le livre à l’événement, même s’il n’en faisait pas mention.
Aux côtés de ces textes qui se lancent résolument dans l’écriture de l’événement (DeLillo, Foer, Schulman, etc.), qui l’abordent dans son présent, il y a ainsi les textes qui soit l’utilisent comme moteur, comme horizon, soit semblent teintés par lui. Ainsi de The Road, roman postapocalyptique de McCarthy qui ne nomme pas sa destruction. Ainsi de The Sorrows of an American de Siri Hustvedt où le 11 septembre fait partie de l’horizon du texte, des personnages, alors qu’ils jettent de temps à autre un coup d’oeil vers les tours absentes en tentant d’intégrer à la fois le deuil, la perte, et le trauma d’une série d’événements personnels qui font la lutte à l’événement historique.
Mais ce qui m’intéresse, c’est ce que les journalistes en font. Ainsi, sur une quinzaine de critiques publiées après la sortie du livre de Hustvedt, pas un ne considère l’inscription du 11 septembre dans le roman suffisamment pertinente pour la mentionner autrement qu’en passant. Pourtant, je lis ce roman comme l’un des bons romans du 11 septembre, précisément parce que même s’il n’attaque pas l’événement de front, il le traite dans ses ramifications sur la vie des personnages.
Au contraire, le roman de McCann, Let the Great World Spin, qui se situe en 1974, est salué par Tom Junod comme « The First Great 9/11 Novel ». Certes, le roman parle des tours, puisqu’au centre de son histoire se trouve l’exploit du fil de fériste Philippe Petit.Let the Great World Spin est un roman qui, peut-être, n’aurait pu exister sans le 11 septembre: qui se souvenait de l’exploit de Philippe Petit, de sa marche entre les deux tours, un jour de 1974? Roman de l’Amérique des années 1970, le roman de McCann est un roman nostalgique: il parle des tours amoureusement, il s’accroche à leur heure de gloire, il les utilise comme représentantes d’une période d’essor de la ville de New York (ou juste avant l’essor). Il me semble aller plutôt bien avec ce que certains ont appelé la fin de l’innocence: les personnages de McCann sont jeunes, idéalistes, pleins de rêve, comme le New York, peut-être, d’avant le 11 septembre. À ce titre, Let the Great World Spin s’inscrit très bien dans la littérature post-11 septembre. Mais de là à dire qu’il s’agit d’un roman du 11 septembre, et à plus forte raison du PREMIER grand roman du 11 septembre, il me semble y avoir là un saut étrange.
La question est donc la suivante: quels seraient les traits du roman du 11 septembre? Et qu’attendent les critiques de ce roman?