La main, le souffle

janvier20th

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J’ai consacré les 4 dernières années à travailler de manière intensive sur l’imaginaire du 11 septembre 2001. J’ai vécu à New York, lu des romans et des essais, regardé des films, observé un nombre incalculable de photographies, et écrit des conférences et un roman. Je ne sais pas pourquoi le 11 septembre est devenu un objet de recherche, mais c’est ce qui s’est produit. Et cela l’est encore.

Je suis allée plusieurs fois visiter le nouveau mémorial à Ground Zero. Chaque fois, j’ai l’impression de visiter des gens que j’ai aimé: je reconnais leurs noms, sans les avoir vraiment rencontrés, je m’arrête et réfléchis. La disposition du mémorial, avec ses deux immenses bassins, me rappelle inévitablement ce qui était là, le matin du 11 septembre, et il me semble pouvoir voir tout à la fois l’avant et l’après, comme s’ils coexistaient sur le site.

Je voulais voir le site la nuit. J’y suis allée un mardi soir, comme ça, même s’il faisait froid. Le vent était particulièrement violent. Tellement, qu’ils ont dû arrêter les trombes d’eau du bassin nord. Cela m’a semblé approprié, surtout lorsqu’on sait à quel point le vent a été un enjeu lors de la construction des tours: parce que le vent enroulerait les surfaces carrées des tours, créant de véritables vortex, ils ont conçu les tours pour qu’elles puissent tanguer, jusqu’à 2 mètres (si je ne me trompe pas dans la mesure), tout en haut, sans se briser.

Je me suis promenée sur la plaza, la main glissant sur les noms. Autour de moi, des touristes se faisaient prendre en photo devant le mémorial, souriant. Je me suis rappelé cet homme, pris en photo alors qu’il tenait fièrement un morceau de débris le 11 septembre, son rire venant nier la destruction s’agitant derrière lui.

Puis, j’ai aperçu l’intérieur du futur musée. Je savais qu’il y aurait deux tridents tirés des débris, je les avais vus être installés avant que la structure du musée soit érigée. Depuis, je les attendais.

Même ainsi, extraits de ce qui les entourait jusqu’au matin du 11 septembre, ils étaient imposants. Je me suis approchée, jusqu’à presque toucher le verre de la façade, pour pouvoir les voir entièrement. L’appareil était pour une fois un obstacle. Tournant autour du musée pour voir les tridents sous tous les angles possibles, j’ai découvert, sur la face extérieure de l’un d’eux, identifié par « North Tower, 1), le mot « SAVE », peint à l’aérosol. Soudainement, ce qui avait donné à la tour nord son caractère imposant, ligne de fuite partant du sol pour se rendre tout en haut de la tour, révélait sa fragilité. Même l’acier ne peut survivre à tout.

Comme tous ces gens que je n’ai jamais rencontrés, comme les personnages que j’ai créés sans qu’ils ne soient de vraies personnes dans les tours, ces tridents sont de vieux amis. Et ce soir-là, j’étais venue leur rendre visite.

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