Mirage. Troisième mouvement

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D’où vient le passé?
D’où vient que le passé importe parfois plus que le présent?
Pourquoi faut-il que nous ayons organisé notre pensée en fonction de catégories comme le présent, le futur et le passé?
C’est la mémoire qui fait exister le passé. Sans mémoire, sans lieux ou palais  de mémoire, à la Cicéron et Simonide, surtout, qui est à l’origine du procédé, le passé n’a aucune présence. Il se disloque, comme un vent qui vient de passer et qui se perd dans l’immensité de l’atmosphère. Mais ce passé, quel est son rôle? Est-ce une loi? un matériau? une potentialité?

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Mirage. Deuxième mouvement

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Le voyage est la découverte de contrées exotiques, de formes nouvelles et, surtout, de textures inattendues. Des strates minérales aux couleurs ocre, des fractures de la pierre, des entailles sauvages, de longues stries nervurées. Quand le paysage se fait précaire, ce sont les textures qui réapparaissent et dictent leur loi.
La géographie est une leçon de formalisme.

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Mirage

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Qui sait à quel mirage nous convie le voyage?
Quelle illusion il génère?
On entre dans un voyage, parfois, comme dans un temps du rêve. Les perceptions sont intenses, les révélations, multiples; mais leur actualité est de faible amplitude. Et leur pertinence, souvent, réduite.
Le voyage voit à l’ouverture de potentialités nouvelles et de formes singulières. Et on se surprend d’y retrouver, à l’occasion, des figures qui nous ramènent à notre propre origine.
Mais n’est-ce pas là le mirage le plus dangereux? Celui qui nous fait redécouvrir au loin ce que nous connaissons déjà?

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L’art du Maître du Château rouge

Charles Cros (E. Gorey), The Salt Herring

Charles Cros (E. Gorey), The Salt Herring

J’ai voulu, dans le Maître du Chateau rouge, le deuxième tome de la trilogie de l’île des Pas perdus, rendre hommage au dessinateur et illustrateur américain Edward Gorey (1925-2000). Évidemment, Gorey n’est pas le seul présent dans ce roman. L’art Flipp! qui est au cœur du Maître du Château rouge (le titre est, quant à lui, une reprise du titre le plus célèbre de Philip K. Dick, Le maître du haut Château) est un développement sur l’art dada. La Manifeste pour un art Flipp! (MCR, p. 51-60) est un pastiche, pour ne pas dire un collage, du Manifeste Dada de Tristan Tzara, le « Poème en meuh » du chapitre 6 est inspiré des poèmes lus lors des soirées dada, etc.

Mais sur le plan visuel, c’est Edward Gorey qui a servi d’inspiration et de modèle. Je fréquente ses dessins et ses livres illustrés depuis plus de vingt-cinq ans, j’ai la collection complète des Amphigorey, qui réunissent ses livres illustrés, je suis allé voir sa maison à Cap Cop, maintenant transformée en musée, j’ai déjà écrit un article sur The Wollowdale Handcar, etc. Je n’ai pas toute sa production, mais peu s’en faut… J’ai même acheté récemment ses cartes de tarot, ensemble intitulé The Fantod Pack (et attribué à Madame Groeda Weyrd, un des anagrammes de l’auteur), que j’entends bien un jour utiliser à la manière de Calvino.

On trouvera ci-après trois dessins présents dans Le maître du Château rouge, ainsi que les dessins de Gorey qui en ont été à l’origine. En les mettant côte à côte, mon intention est de montrer les soubassements de ce roman, mais encore et surtout de compléter l’hommage à Gorey, dont l’imagination et les talents de dessinateur sont à nul autre pareil. On comprendra en même temps pourquoi je ne suis pas devenu dessinateur…

Ceci dit, la naïveté des dessins qui ont été insérés dans le roman était recherchée, car elle correspondait parfaitement au caractère enfantin des péripéties survenues sur l’île des Pas perdus, elle-même une île imaginaire.

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18 avril 1946

(reproduction de cette nouvelle initialement parue dans XYZ la revue de la nouvelle, Montréal, n° 86, été 2006, p. 30-33. Reprise dans le cadre du projet de Calendrier imaginaire)

L’attente


Jackie broie du noir au marbre.
Des mésanges passent au-dessus du monticule.
Il tient son bâton très haut. Ses pieds sont ancrés de chaque côté de la plaque. Ses mains sont glacées, ses genoux pourraient céder à tout instant et, sur ses épaules, l’histoire elle-même s’est déposée, grise et envahissante.
Il attend.
jr-04Son heure, sa balle, notre avenir. La foule, dans les estrades, est bruyante. On suppute, on fanfaronne, les lèvres miment des insultes. Une femme endimanchée retient sa respiration. Elle cache dans ses mains nouées un crucifix qui lui irrite les paumes.
Jackie n’entend rien. Seule compte la balle qu’il doit frapper. Il ne regarde pas le lanceur qui, sur sa butte, prépare son offrande. Il ne voit rien des longues-vues qui l’auscultent, lui, le premier Noir à jouer pour une équipe de baseball professionnelle.
Les Royaux de Montréal affrontent, pour leur premier match de la saison, les Giants de Jersey City au stade Roosevelt et Jackie retient son souffle. Ce n’est rien, se dit-il, un geste mille fois répété, un jeu d’enfant. Il se voit encore gamin dans le champ derrière la maison lancer la balle de la main droite et, avant qu’elle retombe, la frapper de son bâton. Tchac! Le bruit distinct de la balle contre le bois. Tchac! Et les yeux se plissent pour suivre la balle dans sa trajectoire sinusoïdale.
Une première prise, une balle, un élan retenu au dernier instant : Jackie se mord la lèvre intérieure. Le jeu est fait de formes régulières : cercles, losanges et carrés. Lire le reste de cet article »

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Trouver le bon mot

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Pueblo de Taos, Nouveau Mexique, 2009

Quand sait-on avoir trouvé le bon mot? Celui qui sert à désigner exactement ce que l’on ressent, ce que l’on a recherché, ce que l’on continue de vivre?
En fait, la question parfaitement est inutile. On sait très bien quand on a trouvé le bon mot, car d’un coup, l’énigme est résolue et elle s’évanouit. Elle est transité du présent au passé. Tant que le bon mot manquait, notre pensée était incomplète et une partie de la réalité, de notre propre réalité, se dérobait. Dès l’instant où il a été trouvé, par contre, le monde acquiert une nouvelle clarté. Trouver le bon mot est un coup de force qui vient rétablir l’équilibre, et il redonne à la situation en cours sa transparence.

Clément Rosset, dans Le choix des mots (Paris, Minuit, 1995), réfléchit à cette importance qu’ont les mots pour permettre à une pensée de se déployer. En fait, Rosset se rend plus loin : les mots permettent à une pensée non pas tant d’être représentée que d’exister. L’écriture n’est pas la manifestation de la pensée, « elle est la pensée elle-même » (p. 29) Comme il le dit, « [il] n’y a pensée qu’à partir du moment où celle-ci se formule, c’est-à-dire se constitue par la réalité des mots. » (p. 29) Après avoir cité de Bonald, philosophe du XIX siècle, qui lie étroitement le mot et la pensée, il affirme :
« Cette importance du mot explique à mon sens l’angoisse, énigmatique en apparence compte tenu de la minceur apparente de l’enjeu, qui nous saisit souvent lorsque nous nous trouvons incapables de nous remémorer un mot, de retrouver un mot qui seul désigne et en quelque sorte incarne, nous le savons, ce que nous voulons exprimer. Car nous avons perdu en même temps le mot et le contenu qui lui est indissociable […] » (p. 44)
Rosset cite Quignard, dont Le mot sur le bout de la langue joue sur le même thème, et il donne une anecdote qui en explicite certains des enjeux.
J’aimerais faire de même.

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Presbytère, hiéroglyphes et dernier mot. Pour une définition de l’illisibilité

(reproduction, pour fins d’archivage, de cet article paru dans La lecture littéraire, Paris, Klincksieck, no 3, janvier 1999, p. 205-228. Toutes les calligraphies reproduites sont l’œuvre de Michel Côté.)

mcote-apercu-1D’entrée de jeu, je définirai la sémiotique comme l’étude des pratiques sémiotiques, c’est-à-dire l’étude des manipulation, compréhension et interprétation des productions sémiotiques et culturelles. Une telle définition a l’avantage de mettre l’emphase sur  les processus mis en jeu par une sémiose, sur les modalités d’attribution des objets de pensées aux signes, le maintien de ces attributions ou leur transformation . Les cas auxquels je veux m’arrêter ici portent sur des situations d’illisibilité, quand un signe quelconque apparaît opaque, qu’il semble en fait en état de désémiotisation. Comment décrire un tel état, comment surtout montrer ce qui est requis pour sa sémiotisation ?

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Un alphabet primordial

(à propos de Pierres réfléchies de Roger Caillois [Paris, Gallimard, 1975])

Les pierres fascinent.
Elles sont le matériau même de notre monde. Le minéral s’oppose au vivant, mais il en est aussi le soubassement. Il nous confronte à la double temporalité de l’univers, car au temps bref de notre vie répond le temps infiniment grand de la pierre.
Pour Roger Caillois, « La pierre, située dans l’univers aux antipodes de l’homme, parle peut-être le langage le plus persuasif. Elle, qui dure plus que tout vivant, mais sans le savoir, rappelle que la pérennité est à ce prix. Qui connaît ajoute à soi-même et qui ajoute à soi, fût-ce la conscience, fût-ce la mémoire, meurt, s’use ou se transforme. » (p. 13-14)
Caillois aime muser sur les pierres. Il se perd dans la contemplation des figures qu’il trouve à leur surface. Formes régulières et rectilignes, figures animales, nuages étirés. Et la pierre, la pierre lisse et réfléchissante, lui renvoie une image de sa propre pensée qui se fige face à des formes qui en imitent le déroulement.

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Les pierres sont muettes, mais elles lui parlent au-delà de toute espérance. Elles le conduisent à se perdre dans des pensées disjointes, à apercevoir des mirages, comme des structures inouïes. Car pour lui, si les pierres ne parlent pas, elles ne sont pas dénuées de langage. Elles portent en elles des écritures, un alphabet, même si cet alphabet est celui, aléatoire, du résultat du jeu des forces telluriques, « comme si les caprices de la minéralogie annonçaient l’inévitable érosion de toute chose écrite. » (p. 59)
Caillois explore dans des rêveries surprenantes l’écriture des pierres, ces formes et ces figures que portent jaspe, granit, onyx, et quartz. Le granit graphique, entre autres, est porteur de traces qui ressemblent à s’y méprendre à une écriture. C’est une pure illusion, mais le mirage porte à réfléchir. Il semble dire qu’il existe « d’impossibles grimoires naturels que n’ont écrits ni les hommes ni les démons, où le texte est consubstantiel du support et qui, dès l’origine, étaient nés vestiges, et vestiges de rien, comme des apparences d’édifices jamais construits qu’un archéologue prendrait pour des ruines. » (p. 56) Ces pierres porteuses d’un alphabet s’ouvrent spontanément à un imaginaire des ruines et de la fin, d’une fin longtemps passée que la pérennité des pierres maintient malgré tout présente.
Évidemment, Caillois n’entreprend pas de lire ces grimoires et il sait très bien que les signes présents sur le granit graphique n’ont aucune signification. Il reste que, nous dit-il, « dans les archives de la géologie, était déjà présent, disponible pour des opérations inconcevables, le modèle encore sans affectation ni harmonique, ni postérité, de ce que serait beaucoup plus tard un alphabet. » (p. 55) Se cacherait-il au cœur de la terre la figure d’un alphabet primordial, comme une image souche dont les formes et les contours pourraient avoir informé nos propres développements? Ce serait la pierre comme lieu d’origine et de fin de l’alphabet et du langage écrit.
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Road closed 2. Et tout ce temps, je n’ai rien vu

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Comme bien des épreuves, la montée d’une paroi de glace permet de tester ses propres limites. On ne se bat pas contre la glace, on se bat contre soi, contre son propre corps, ses mollets, ses avant-bras et ses mains engourdies. On s’arrête subitement à quelques mètres du sommet, incapable de continuer, l’obstacle est trop imposant, trop puissant, et c’est légèrement déçu qu’on se laisse descendre, attaché à une corde qui lentement nous ramène à la sécurité.

Vue d’en bas, la paroi semble inoffensive, les angles sont peu prononcés, le chemin paraît facile à trouver. On se dit qu’on gravira la falaise glacée sans peine, qu’on saura se rendre au sommet. Mais quand, les deux pieds enfoncés dans la paroi elle-même, des éclats de glace dans les yeux, on lève la tête et aperçoit ce qu’il reste à franchir, tous ces mètres de rocs qui s’élèvent vers le ciel,  recouverts d’une eau cristallisée, on se rend compte que le regard est un mauvais juge et que les distances paraissent toujours plus faibles de loin que de proche. Quand la réalité se calcule en kilojoules, sa vérité ne peut plus être manipulée comme un raisonnement facile à plier. Elle se dresse, nue et imposante.

Les difficultés ne paraissent jamais de loin. Quand nous regardons une montagne aux parois abruptes, notre regard est fasciné par la forme des escarpements, les variations de couleurs, le bleu pâle et légèrement menaçant de la glace, le banc laiteux de la neige fraîche, les bruns délavés de la pierre, les gris tenaces des rochers. Notre perception est une prise, une forme d’appropriation. Nous avons vu, nous sommes là, nous pouvons nous approcher et témoigner de notre présence, prendre des clichés qui attesteront de notre regard.

Les yeux séparent le sujet de l’objet de ses perceptions. Ils atténuent les dimensions. Surtout, ils ne savent rien des épreuves. Notre regard nous plonge dans le monde, il nous y inscrit de façon irrécusable, mais il reste insensible aux véritables enjeux de notre présence dans ce monde.

Les yeux et les pieds ne connaissent pas la même réalité. La présence au monde, c’est notre corps qui l’assume. Ce sont nos pieds qui foulent un terrain, nos mains qui s’agrippent à des parois, nos avant-bras qui travaillent à planter des piolets dans des strates de glace, espérant qu’à travers les éclats la pointe aiguisée de l’instrument saura trouver racine dans ce masse de cristaux.

Les yeux aperçoivent des réalités qui ne les touchent pas. Mais le corps, le corps lui souffre et peine à se rendre à son but. Les yeux voient une falaise, en évaluent sommairement la hauteur et concluent à sa disponibilité. Le corps s’attaque à la masse d’eau gelée sur laquelle les yeux ont simplement glissé sans s’arrêter.
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Road Closed. Mythe, sommeil et glace

Offert à Hélène Guy

1

Sorti de ma salle de cours comme on tombe d’une falaise, j’ai dévalé les marches pour me rendre sur le quai du métro.
Les mots de John Hawkes résonnaient encore dans ma tête, tandis que les passagers s’entassaient dans le wagon. Le coma et le mythe sont inséparables, écrit-il dans La mort, le sommeil et un voyageur. « On ne peut faire l’expérience d’un mythe authentique que dans le coma. »
On m’avait prévenus que camper, en hiver, c’est faire une cure de sommeil. On dort près de onze heures par nuit sous la tente, emmitouflés dans ces sacs de couchage qui nous transforment en momies.
À quel mythe allais-je participer? À un mythe du nord, fait de froid et de voyageurs perdus dans des sentiers de nuit, d’escalade de glace et de parois enneigées, de bourrasques qui font trembler les toiles, de montagnes aux formes animales et d’étoiles trop nombreuses pour qu’on puisse les identifier.

2

Les vérités sont faites pour n’être jamais révélées de face, mais appréhendées du coin de l’œil, au moment où le rêve étend son emprise sur la surface bleue de la conscience. Elles ressemblent en cela aux rideaux de glace contemplés en contre-plongée.

3

L’aventure commence là où la route s’arrête.
Nous nous sommes élancés des raquettes aux pieds, des sacs alourdis d’équipement sur le dos et un rien d’appréhension, sur une route fermée par des barrières de bois blanc. Road closed, était-il écrit, comme s’il suffisait de ces quelques mots pour ouvrir la voie à l’aventure. Mots innocents. Mots sans arrière-pensée, même s’ils nous indiquaient l’entrée de l’arrière-pays.
Road closed.
J’aurais voulu pourtant qu’il n’y ait pas de route, que nous entrions directement dans le bois, comme des chasseurs à l’affût de gibier, que de nos mains nous nous tracions une voie entre les branchages, que le chemin de neige damée tracé par nos raquettes signale notre volonté de faire bande à part, de retrouver un peu plus de cette liberté dont nous ne comprenons que trop mal les exigences.

4

Nous avons établi notre camp à quelques mètres à peine d’un chemin. Nous avons monté nos tentes, écrasant la neige avec nos bottes et dégageant une aire commune où nous allumerions un feu. Tout paraissait trop facile.
Àla nuit tombée, quand la température a chuté et que le vent s’est levé, il a fallu se battre contre les toiles qui résistaient péniblement aux assauts répétés des bourrasques. L’eau daignait à peine bouillir, nos membres devenaient vite ankylosés, tout geste comportait subitement une dimension technique insoupçonnée.
J’ai dû me rendre compte que ce n’est pas l’éloignement qui fait l’aventure, mais le froid, la nuit, toutes ces choses qu’on nomme les éléments.
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5

Les étoiles étaient d’une grande précision dans le ciel. De faibles lueurs émanaient des deux tentes écrasées. Le ruisseau grondait à ma gauche, ses eaux bouleversées par les plaques de glace. Le vent me frappait le visage. Je respirais, attentif aux morsures du froid.
Subitement, j’ai aperçu une faible lueur sur le sentier. Des gens avançaient lentement, à peine éclairés par une lampe frontale. La tache de lumière oscillait au rythme des pas des voyageurs, cercle instable qui tantôt se perdait dans l’immensité de la nuit, faisant ressurgir des ombres d’un passé à peine éteint, et tantôt montrait le sol où les pas alourdis pouvaient s’enfoncer dans la neige à peine tapée du soir.
J’ai crié, me rappelant que deux membres du groupe n’étaient toujours pas arrivés. J’ai appelé, espérant ainsi attirer leur attention. S’ils continuaient sans remarquer le campement, ils pouvaient se perdre dans ce sentier dont je ne connaissais que l’entame.
Mais personne ne s’est arrêté. Le cercle de lumière bleue a continué sa lente progression sans tressaillir. M’avaient-ils entendu? Étaient-ce seulement eux? Je n’ai pas osé m’élancer à leur poursuite.
Je suis retourné dans la tente, incertain de ce que j’aurais dû faire. J’ai plongé dans ma momie, enrubanné de vêtements noirs au tissu moulant.
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