Jusqu’où résonne la vision?

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Puisque Beckett accordait une importance certaine aux médias, tant dans ses réflexions idéologiques que dans l’élaboration de son esthétique « asbtrahisante », comment ne pas croire que son œuvre puisse constituer une réelle invitation à être justement transposée vers les médias? Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’adaptation filmique (de tout temps fort courante si l’on songe à la quantité inouïe de films inspirés d’œuvres littéraires) n’est pas chose facile ou même admissible aujourd’hui lorsqu’il s’agit de l’œuvre de Samuel Beckett. Pourtant, l’auteur lui-même s’est souvent prêté au jeu, à un tel point que, parfois, le processus de l’adaptation lui permet de découvrir des technologies ou des techniques qu’il réutilisera dans ses œuvres subséquentes. Plus encore, il arrive que l’œuvre adaptée soit à ses propres yeux plus satisfaisante que l’originale. Malgré la cohérence évidente dans laquelle les adaptations actuelles semblent s’inscrire selon nous, c’est-à-dire dans la poursuite de la mediaesthetica élaborée par l’auteur, force est de constater qu’elles rencontrent un certain nombre d’embûches. Très souvent, la critique beckettienne s’attarde à « protéger » l’œuvre originale, soutenant que les adaptations filmiques sont inadmissibles (pour des raisons que nous développerons au cours du premier et dernier chapitre). Ce faisant, rares sont ceux qui proposent une réelle analyse de ces adaptations, s’attardant à ce qu’elles sont en tant qu’œuvres, et encore moins à leur positionnement essentiel dans la continuité de l’esthétique « abstrahisante » de l’auteur. Nous tenterons plutôt de suivre le trajet de « l’image pure » jusque dans ces adaptations, afin de démontrer en quoi elles peuvent — loin de l’irrévérence dont on les targue habituellement — concrétiser la vision de Beckett.